SOLDE
À vendre ce que les Juifs n’ont pas vendu, ce que noblesse ni crime n’ont goûté, ce qu’ignorent l’amour maudit et la probité infernale des masses ; ce que le temps ni la science n’ont pas à reconnaître :
Les voix reconstituées ; l’éveil fraternel de toutes les énergies chorales et orchestrales et leurs applications instantanées, l’occasion, unique, de dégager nos sens !
À vendre les corps sans prix, hors de toute race, de tout monde, de tout sexe, de toute descendance ! Les richesses jaillissant à chaque démarche ! Solde de diamants sans contrôle !
À vendre l’anarchie pour les masses ; la satisfaction irrépressible pour les amateurs supérieurs ; la mort atroce pour les fidèles et les amants !
À vendre les habitations et les migrations, sports, féeries et conforts parfaits, et le bruit, le mouvement et l’avenir qu’ils font :
À vendre les applications de calcul et les sauts d’harmonie inouïs. Les trouvailles et les termes non soupçonnés, possession immédiate.
Élan insensé et infini aux splendeurs invisibles aux délices insensibles, et ses secrets affolants pour chaque vice, et sa gaîté effrayante pour la foule.
À vendre les Corps, les voix, l’immense opulence inquestionnable, ce qu’on ne vendra jamais. Les vendeurs ne sont pas à bout de solde ! Les voyageurs n’ont pas à rendre leur commission de sitôt !
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(poème tiré des Illuminations. Prétendument le dernier du recueil, ce qui ne serait pas la moindre des ironies pour les temps sombres et contemporains.)