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À quatre mains

  • Là et ailleurs (sur une photographie de Georges A. Bertrand)

     

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    Bangkok (à bord du chao phraya express)

    Le matin est chargé de la lourde ardeur de l'eau. Non le voyage, ou l'errance mais la palinodie du quotidien, moite ; et la fatigue, mange-songes, est déjà là, entre les paumes éployées. Les moteurs grasseyent ; les vibrations fouillent le corps, plantes des pieds et fesses en conducteurs.

    Et si c'était le crépuscule ? Rien n'y ferait. D'ailleurs, le mot, anciennement, pouvait s'employer pour l'éclosion de la lumière. Il faut sillonner au lancinant du même. Mais quoi qu'il arrive, parfois, au-delà des heures, c'est le retrait derrière lequel il court. Passerelles, coursives, escaliers, tout se plie à l'épuisé. Moments rarement accessibles, fugitifs, que l'on comptera dans la journée sur les doigts d'une main.


  • Regarde-moi (sur une photographie de Georges A. Bertrand)

     

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    Gaza, rue Victor-Hugo

     

    De sa misère, guerrière et hallucinée, faire sa chemise et la peau, la sauver dans ce portrait de pilote cinémascope. Les avions au-dessus du territoire, parfois. Il faut dire la bande. Furtivité du bruit menaçant. Toujours le bruit. Tu me regardes. Top Gun. La peau imprimée

    d'un lointain univers, de ce qui est, peut-être, l'ennemi. Mais je te dis : rien qu'un film, un acteur, comme je voudrais être, moi,

    acteur. Alors j'oublie, j'essaie du moins, devant la glace, face à ce visage, et au mien. Tom

    Cruise, dis-tu ? Je sais. Je ne connais pas. Moi, j'ai lu Gun, et cela m'a suffi. Dans l'idée

    de se battre pour vivre. Américain, dis-tu ? Je sais... Pourquoi pas ?

     

    Mais d'abord, oublie mon tee-shirt. Regarde-moi.

     

    Regarde-moi.

     

  • Une Chambre à soi (sur une photographie de Georges A. Bertrand)

     

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    Ghoraïb (Egypte)

     

    De la glace, inexplicablement chue une nuit d'octobre, et mille fois brisée, il a conservé cette ouverture vaguement triangulaire. Ses bords sont coupants. Il lui a trouvé la position la plus pratique. Il ne peut plus désormais envisager son corps qu'en puzzles successifs, sauf en s'approchant au plus près, les deux yeux. Parfois, il se fixe, comme s'il surveillait, à travers un étroit soupirail, un prisonnier qui, de son côté, viendrait à sa rencontre pour lui signifier qu'il est là, oui, bel et bien là.

    Quand il se rase, la main et la lame prennent toute la place, avant de s'effacer, emmenant le savon en bandes régulières. Sa joue ne lui a jamais semblé aussi nette.

    Un bout de verre. S'il venait à se briser de nouveau, dix ou cent éclats, qu'importe, la vie serait tout à coup plus difficile et ce n'est pas le grand panneau impersonnel du magasin à dix mètres de sa porte qui lui sauverait la mise. Quand il le pourra, il ira chez Hamid acheter une autre glace.

    Quel besoin a l'homme de regarder son image inversée (vitre, ondes, surfaces quelconques), fût-ce au dernier souvenir du miroir. Il ne se pose pas la question. Mais en attendant, chaque matin, il salue d'un sourire attendri sa petite et première fenêtre sur le monde.

     

    Photo : Georges a. Bertrand

     

     

     

     

     

     

     

     



     

  • Péril en la demeure (sur une photographie de Georges A. Bertrand)

     

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    Agra, Taj Mahal, façade est

     

    L'homme est dans la structure. Alvéolaire. Tubulaire. Creux qu'il essaie de remplir. En suspension contre la paroi.

    Le pied, la main agrippés en pare-mort, devant/contre le vide (qui est avant tout une hauteur). Son attente peut-elle être un repos, une pause, un soupir ? Il a écroué sa condition vraie, plus dure que la pierre.

    Shâh Jahân construisit le Tahaj Mahal par amour, défait de la disparition de son épouse. Tombeau blanc de la vaine perpétuation.

    Pour l'heure, lui, le silencieux vivant, le non-compté, et dans la suspension même, ne renonce pas.