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guerre

  • Petite frappe élyséenne

    Posons qu'il y a un inconscient politique, comme il y a l'inconscient collectif analysé par Maurice Halbwachs. Ce non-dit, cet implicite en colonne vertébrale de la pensée. Plus encore : son fonds, sa substance (à défaut d'être une substantifique moëlle...).

    J'écoute le discours présidentiel. Je m'impose ce pensum. Passons sur l'orateur pénible qui bute sur les mots, dont la voix ne sait pas dramatiser la parole, chez qui rien n'est profond. J'écoute et lorsqu'il en a fini j'entends terriblement ce que je n'ai pas, justement, entendu. Pas une seule fois le mot "islamique", et pour faire bonne mesure il parle de daesh pour ne pas dire "état islamique". Tout se réduit donc à une problématique de groupe armée dont les agissements relèvent du droit commun. Rien d'idéologique en somme. Cette redoutable omission n'en est pas une. C'est d'abord un aveu, une prise dans le sac de la sémantique, car si "islamique" apparaît, alors il faut bien comprendre que le nœud est là, le nœud gordien qu'il faut trancher. Mais comment faire quand l'islamo-gauchisme dont l'élyséen est l'émanation a inventé l'islamisme modéré, l'islamiste modéré, ou l'islamo-conservateur comme Erdogan en Turquie ? Comment s'y prendre pour ne pas alors avouer ce qu'on a été depuis longtemps ? Nous étions nombreux depuis longtemps à nous interroger sur cet étrange attelage, mais on nous faisait le procès en sorcellerie : nous faisions un amalgame, comme des punaises vicieuses, comme d'immondes xénophobes, islamophobes et j'en passe. Quel amalgame ? Alors même que nous faisions, nous, la distinction du musulman et de l'islamiste. Islamiste modéré... Peut-on dire "fasciste modéré" ? Et pour tomber dans l'abject "nazi modéré" ? On comprend, par l'absurde, un absurde cruel, l'abjection qui se cache.

    J'ai écouté et retenu qu'il n'y as pas de guerre de civilisation (ce que le matignonnesque Catalan avançait pourtant la veille). Exit les "croisés" et les sourates cités dans la revendication de l'État islamique. Un simple habillage rhétorique sans doute. 

    Ne pas nommer l'ennemi renvoient à trois raisons possibles. Ne pas le connaître. En avoir peur. Avoir des complaisances.

    Je laisse à chacun le choix. Les lecteurs de ce blog savent ce que j'en pense. C'est très secondaire, parce que je sens, j'entends ici et là que le jeu sur les mots ne prend plus, que la tromperie a atteint ses limites et j'en veux pour preuve ce sidérant texte de Magyd Cherfi, le chanteur de Zebda, paru dans ce torchon qu'est Libération. J'en extrais un paragraphe :

    "Des jours comme ça où on mesure l’état de droit, la liberté, le combat pour la laïcité qu’elle que soit sa maladresse. D’assumer les débats foireux de l’identité nationale, de dire oui à la France quelle qu’elle soit, de tout assumer, Pétain et Jean Moulin, le lâche et le héros, l’orfèvre et le bourrin, l’étroit comme l’iconoclaste ? Des jours où Finkielkraut est un enfant de cœur, où le front national n’est qu’un adversaire de jeu."

    Je ne commente pas le lyrisme. Je constate seulement qu'on laisse paraître. 

    En attendant, on peut jouer avec nos mirages dans le désert. La métaphore est trop parlante pour qu'il soit nécessaire de la commenter...

  • Les collabos

     

    La misère terrible que représente le massacre de Charlie Hebdo : douleur humaine, désarroi émotionnel, effroi moral et colère politique, tout cela ne doit pas empêcher de regarder certaines réalités en face. Le chagrin n'est pas, ne peut pas être une façon d'être ou de penser.

    La disparition des dessinateurs du journal satirique n'est malheureusement qu'un élément de plus dans le désordre qui s'installe, et surtout : ces morts n'auront pas été sauvés par les politiques qui prétendent leur rendre hommage. Mais, au moins, cela a le mérite de clarifier certaines ambiguïtés.

    Je n'ai pas participé à la minute de silence demandée par le tartuffe élyséen. Non que je n'aie pas eu une pensée pour les disparus, mais je n'obéis pas aux injonctions des collabos, et la gauche française, à commencer par son leader charismatique, est une belle bande de collabos.

    Il est en effet abject de ne pas avoir entendu à une seule reprise, dans son intervention prétendument solennelle, le pitre kafkaïen parler de l'islamisme, de ne pas l'avoir à un seul moment, poser l'équation de la culture occidentale face à l'obscurantisme venu d'Orient. Pire, il venait de recevoir les représentants des cultes, et parmi eux le misérable Dalil Boubakeur, président du CFCM, et recteur de la Mosquée de Paris.

    Ce Dalil Boubakeur qui, avec l'UOIF, avait porté plainte contre Charlie Hebdo, au moment des caricatures, ce guignol qui agite le chiffon de l'islamophobie quand il se refuse à soutenir la libre expression française. Il est l'autorité qui n'a pas dit non aux terroristes. On ne transige pas avec la terreur, sauf si, dans le fond, on ne la condamne pas vraiment.

    C'est donc ce diabolique personnage qui reste en odeur de sainteté dans les milieux de la gauche maçonnique, laquelle n'a au fond qu'un ennemi : les catholiques, qui, paraît-il, menaçaient la République pendant les manifs anti-mariage pour tous.

    Il n'a pas lieu de s'en étonner. Depuis 1989 et la défausse de Jospin (vous savez, le nouveau sage du Conseil Constitutionnel) sur l'affaire du voile, la gauche est complice de l'islamisme rampant, du salafisme des quartiers et du discours toxique réduisant la Nation à une sorte de supermarché des différences. N'oublions jamais que Valls a d'abord défini Merah comme un enfant perdu de la République : la formule est tellement immonde qu'elle dépasse l'entendement.

    Hier, en entendant ces bonnes âmes de gauche faire, encore et encore, l'autruche, comme des collabos malins, j'ai pleuré, parce que j'ai eu l'impression que l'on tuait Cabu et les autres une deuxième fois. Ils continuaient dans leur logorrhée du vivre ensemble qui n'est qu'une forme dissimulée de la renonciation.

    Mais c'était hier, et aujourd'hui, ce fut encore pire. Le grand raoût républicain de dimanche permettra à Dalil Boubakeur et à ses complices de se refaire une virginité. Ils seront tous là, soumis, bêlant, immondes. Tous, sauf le FN, puisque, s'il faut les croire, le danger, c'est la grande blonde. N'est-ce pas magnifique ? Ces trois dernières années, pas un crime dans les rangs d'un parti à qui on demande toujours des comptes, pendant que les instances musulmanes se dédouanent d'un délitement dont ils sont les complices. Peu importe : leur cible, c'est Zemmour, Houellebecq, Le Pen. Le déni de la réalité prend de telles proportions qu'il y a de quoi devenir fou, parce que s'ils pensent vraiment ce qu'ils disent, il serait urgent d'emprisonner les deux premiers et d'interdire le parti de la troisième.

    Au moins, les choses sont claires : nous connaissons l'ennemi. Nous n'avons plus qu'à prendre nos responsabilités politiques...

  • Drapé de lin blanc et de vertu...

    Savoureux que de lire l'éditorial du Monde, en date du 30 juillet, où il est question du désastre libyen. Savoureux que ce constat apocalyptique et les raisonnements qui en découlent. Car, après avoir brossé un rapide panorama du désastre vient le temps de la réflexion (ou de ce qu'on voudrait faire passer comme tel), et sur ce point l'éditorialiste offre deux perles.

    Commençons par la première :

    "Impossible de ne pas poser la question de la pertinence de l’intervention des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne à l’appui de la rébellion de 2011 – intervention que Le Monde a approuvée sans réserve à l’époque. Washington, Paris et Londres ont-ils eu raison de mener cette campagne de bombardements aériens qui a permis aux rebelles de l’emporter sur Kadhafi ?"

    Étrange rhétorique qui veut que l'on pose une question que certains, opposés à cette aventure libyenne et aux élucubrations de BHL et de son copain Sarkozy, avaient déjà posé dans les temps où ces deux-là se prenaient pour Tintin. Ce que le journaliste regarde avec gêne, d'aucuns s'en étaient déjà émus, ne voyant dans les printemps arabes que des nids à islamistes, d'Al Qaïda ou d'ailleurs. Ce n'était pas un simple désir de neutralité ou une forme de désintérêt, mais de la lucidité. Les torsions diplomatiques pour nous faire avaler des couleuvres ne suffisaient pas mais il était alors odieux de dire qu'on préférait Khadafi aux exaltés d'Allah, comme on préférait Ben Ali à Ennhadha et Moubarak aux frères musulmans. Ce n'était peut-être pas dans l'air du temps ni très droits-de-l'hommiste mais constatons qu'au moins, sur ce plan, les réfractaires n'ont pas à prendre l'air faussement sceptique du plumitif mondien...

    Certes, il y avait plus d'entrain à suivre le refus de Chirac à suivre Bush, et à applaudir la verve de Villepin, mais on en comprendra aisément le fond : se rallier au corrézien et au diplomate à la mèche prêtait moins à confusion que de se joindre à la voix de Rony Brauman ou à celles des dirigeants FN. On peut se lamenter : les mois qui ont suivi ont donné raison à ceux-ci, et ce serait grotesque de chercher de fausses explications ou de pratiquer l'art du détournement pour expliquer que leurs positions justes se fondaient sur de mauvaises raisons. Que les pisse-froid reprennent leur livre d'histoire, les festivités de 14-18 battent leur plein, ils pourront toujours méditer. La catastrophe de la Libye était courue d'avance mais Sarkozy et ses suiveurs (en particulier de gauche) se voyaient en sauveur du monde, sans même savoir vraiment ce qu'est le monde et ce que les peuples attendent (et qui les manipulent).

    Seconde perle :

     

    "Questions faciles à soulever a posteriori : la décision politique de l’intervention se prend parfois dans l’urgence, souvent pour des raisons humanitaires. Mais questions auxquelles, au regard du chaos qui emporte la Libye, il est difficile d’échapper aujourd'hui." 

    Il arrive que le réel finisse par toucher le plumitif mondien, que ses bavardages et ses positions de naguère se fracassent devant les morts, les exactions, les délires de ceux qu'il a aidé à armer. Mais il n'oublie jamais qu'il est de gauche (ou de centre droit, ce qui revient au même), et donc fondamentalement bon, sympathique, empathique, juste. Les questions (c'est-à-dire le signe de son échec analytique, de sa faillite intellectuelle et de sa bêtise politique) sont "faciles à soulever a posteriori". Il balaie à la vitesse de l'éclair la lucidité des autres, il met en perspective, selon la formule consacrée. Et comme il est l'architecte de l'univers intellectuel, qu'il se prend pour l'un de ces prétentieux obtus dont La Bruyère ou La Rochefoucauld ont su avec tant de finesse peindre la figure bouffie, il passe sur sa mésaventure (et donc sur sa culpabilité morale) pour nous servir une fois de plus l'excuse magistrale : le monde est bien difficile à comprendre et bien malin qui peut en déchiffrer le sens et en prévoir l'évolution. Une sorte de réflexion de comptoir ou de marché, au choix. Le propos n'est sans doute pas sans fondement, mais, dans ce cas, que le gratte-papier mondien la ferme (et si l'on pouvait rêver que ce soit définitivement... Seulement, nous sommes lucides, alors...), qu'il nous évite et ses manières de penseur creux, et ses illusoires retours sur soi pour se refaire une virginité.

     

  • Tour d'égout

     

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    Deux âmes délicates se sont indignées par mail privé de ma pique contre Libération dans le billet précédent. Pourquoi tant de haine au fond ? Certes... N'argumentons pas durant des heures. Un exemple suffira.

    Le lecteur en cliquant sur ce lien (Libération) pourra lire le témoignage d'un français parti faire le jihad en Syrie. Ce journal, dont la haine de tout ordre (sauf s'il a des références catholiques) va jusqu'à nous éclairer complaisamment sur ce que sont les blacks blocs, se fait donc la tribune d'un homme qui, parti de Seine-Saint-Denis, parle de sa "nouvelle "famille" d’Al-Qaeda". N'est-ce pas merveilleux ? C'est sans doute la contribution de ce torchon aux fameux printemps arabes.

    Le caractère socio-anthropologique de ce choix n'échappera à personne. Il s'agit de rendre plus compréhensible le droit islamiste à la révolte. On hésite entre la fascination pour la terreur et la complicité idéologique. Évidemment, on imagine sans mal combien les journaleux héritiers de July auraient hurlé si Le Figaro avait à l'époque du déchirement de l'ex-Yougoslavie donner quelques pages pour que s'épanche un soldat de Milosevic ou je ne sais quel Rambo croate...

    Mais tout le monde sait que depuis toujours les gauchistes sont les seuls à distinguer le bien du mal...

     

    Photo : Marco Quinones

  • Le cirque mémoriel

     

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    2014 sera commémoratif. Et donc festif, parce qu'il ne faudra pas que nous nous enfoncions trop dans ce que fut le réel. Les huiles civiles et les baudruches gallonnées se fendront de beaux discours. On y parlera courage, bravoure, vertu, démocratie et liberté. En 2014, on sera patriotes, d'un patriotisme un peu gêné aux entournures, si l'on considère le terrorisme mondialiste ambiant.

    2014 se fera partie dans les tranchées, la larme à l'œil et le sérieux politique à la bouche, pour raconter combien nous devons à ces vaillants petits gars une Europe apaisée et sûre (oui, bien sûr, 39-45, comme continuation ahurissante de la Der des Der... mais ce n'est qu'une péripétie. Il faut considérer l'Histoire sur un temps très large, être un tantinet braudelien...).

    On passera sous silence le cynisme des politiques et l'incompétence militaire. On taira surtout que 14-18 était l'œuvre nécessaire pour changer de vitesse, détruire l'ancienne Europe (et la première victime territoriale fut l'Autriche-Hongrie), promouvoir un discours d'union qui nécessiterait une deuxième couche (et quelques camps de concentration ou d'extermination, dont on savait qu'ils existaient, très tôt, mais que l'on ignora, en leur temps, pour mieux les utiliser, après, dans une logique terrible de soumission des populations (1)), faciliter le démembrement de l'esprit national (en incitant soit au pacifisme ambigu des écolos des années 70 et au mondialisme libertaire, soit au nationalisme exacerbé sur lequel on pouvait jeter le discrédit).

    On taira que 14-18 fut une opération de terreur, pour ceux du front et pour ceux qui virent revenir ceux du front.

    On rendra des hommages comme on sait désormais le faire (l'hommage est devenu dans notre aire pseudo démocratique un exercice de rhétorique, un peu comme la dissertation de Science-Po ou le discours d'accueil à l'Académie : l'articulation plutôt que le fond. Surtout pas de fond...) : en oubliant ou en biaisant le passé. On rendra hommage non pas pour revenir sur le passé mais pour dire merci au présent, et donc neutraliser la violence du présent (car, enfin, soyez raisonnables, que diable : vous n'êtes pas sous les bombes...). On rendra hommage en tuant une deuxième fois, comme on le fait chaque 11 novembre, ceux qui n'avaient rien demandé.

    Sur ces dégoulinantes démonstrations de l'année, il n'y aura rien à dire. La puanteur récupératrice ne mérite pas de mots. Nous nous contenterons, dans les trois prochaines publications de Off-Shore, de laisser la place à une voix autrement plus conséquente que la nôtre, substituant à l'écœurement présent la lucidité passé. Entendre Bernanos et Les Enfants humiliés, n'est-ce pas une manière simple, classique de remettre certains à leur (médiocre) place...

     Photo : Don McCullin

     (1)Ce qui fait que les plus antisémites se trouvent dans le camp de ceux qui instrumentalisèrent la Shoah, qui l'instrumentalisent encore,  l'instrumentalisant si bien que les bonnes âmes, contrites, s'indignent -c'est de mode - sans se poser la question simple : à qui profite le crime ? Au regard de ces fallacieux, les éructations prétendument humoristiques de certains sont relatives. Obscènes mais relatives...

  • Entre deux guerres

    Et d'apprendre qu'entre deux fronts, la Somalie et le Mali, le président François Hollande trouve le temps, le lundi 14 janvier, de demander à son ministre de l'agriculture Stéphane Le Foll "d'approfondir les éléments de diagnostic de l'état sanitaire" des deux éléphantes sous le coup d'une décision d'euthanasie, animaux dont la frontiste Brigitte Bardot défend la cause, menaçant même de quitter la France en cas d'exécution de la sentence. Les cas d'urgence ont, par principe, priorité sur tout...

    N'est-ce pas magnifique ? Par ailleurs, rien à ajouter sur le défilé contre le mariage pour tous, dont le sieur Sapin a dit que dans deux mois il aura été oublié (belle manière de manifester... son mépris).

    Alors, puisqu'il faut être incongru, délirant et sans mesure, tout le monde au zoo. Le groupe s'appelle Cage the elephant et le titre est tout un programme : In one ear (And it goes In one ear,/And right out the other,/People talkin' shit but you know I never bother,/It goes In One Ear,/And right out the other,...)



  • À

    À mesure qu'on sophistiquait la violence, on affinait la diplomatie qui la rendait possible, joignant au mieux la parole et les actes.

     

     

     

     

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  • Regarde-moi (sur une photographie de Georges A. Bertrand)

     

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    Gaza, rue Victor-Hugo

     

    De sa misère, guerrière et hallucinée, faire sa chemise et la peau, la sauver dans ce portrait de pilote cinémascope. Les avions au-dessus du territoire, parfois. Il faut dire la bande. Furtivité du bruit menaçant. Toujours le bruit. Tu me regardes. Top Gun. La peau imprimée

    d'un lointain univers, de ce qui est, peut-être, l'ennemi. Mais je te dis : rien qu'un film, un acteur, comme je voudrais être, moi,

    acteur. Alors j'oublie, j'essaie du moins, devant la glace, face à ce visage, et au mien. Tom

    Cruise, dis-tu ? Je sais. Je ne connais pas. Moi, j'ai lu Gun, et cela m'a suffi. Dans l'idée

    de se battre pour vivre. Américain, dis-tu ? Je sais... Pourquoi pas ?

     

    Mais d'abord, oublie mon tee-shirt. Regarde-moi.

     

    Regarde-moi.

     

  • Guerres

     

    http://www.clg-vauban.ac-aix-marseille.fr/spip/IMG/jpg/affiche-2.jpg

     Lorsque James Montgomery Flagg en 1917 crée cette affiche pour inciter le citoyen américain, il invoque le patriotisme, le sens du sacrifice et la posture comminatoire de l'oncle Sam est déjà un signe de ce qui attend celui qui répondra à l'appel. Il y a, même masqué, même diverti par les techniques déjà efficaces de la propagande, un avant-goût churchillien de ce qu'est la guerre : de la sueur, du sang et des larmes...

    Le recruteur, la patrie dans sa forme allégorique, joue sur la conscience de l'appelé (qui n'est pas évidemment l'élu...) et l'on ne pourra ensuite prétendre qu'on ne savait pas à quoi s'en tenir. Dans sa rudesse et sa simplicité, cette affiche offre une sorte d'honnêteté. Sans doute parce que nous sommes en temps de guerre, d'une guerre réelle, de tranchées, dans laquelle l'ennemi est visible, sensible. Le soir, parfois, sur la colline de Vimy, les adversaires se parlent, s'entendent. Ils sont, comme on ne le sera guère ensuite que dans les combats urbains des guerres dites civiles, dans le proche et le lointain. L'oncle Sam et son regard terrible, formidable (pour faire un anglicisme) préfigure l'œil de l'opposant. J'en appelle à toi, dit-il en substance, et sans détour, parce que ce à quoi tu  seras confronté sera aussi terrible et sans détour.

    Qu'il s'agisse d'une technique d'embrigadement est secondaire : on le sait et cela ne sert pas à grand chose de le répéter. Ce qui compte tient au fait que la réalité, même invisible (et pour cause, vu l'époque), imprègne le message. L'urgence, la brutalité de l'adresse, ce you magnifié en même temps qu'on lui promet un avenir de boucherie... On ne joue pas...

     

     

     


     

    Cela commence déjà à la manière d'un jeu vidéo, dans la logique d'une focalisation interne. Une course dans les broussailles, caméra sur l'épaule, pour qu'on y soit, pour qu'on le sente, ce terrain, cette terreur, ce besoin de l'arme, cette frénésie de la lutte. On est dedans, comme on dit qu'on est dans la merde, alors que ce n'est pas exactement vrai : juste une image, une hyperbole. C'est peut-être un jeu vidéo qui prend appui sur  la réalité, un hommage aux analyses de Baudrillard sur le monde actuel. Devant l'hostilité de la nature et du sol, l'avancée haletante de l'humanité qui cherche, comme son ancêtre néanderthalien, à vaincre sa peur et les ténèbres  l'homme s'amuse aux simulacres. Et dans les premières secondes où il le regarde, ce jeu, le spectateur se dit qu'il est bien fait, plus que réaliste, mieux que la réalité. Ce mieux que la réalité est une des caractéristiques de l'époque contemporaine. L'élan vers une virtualité de substitution est un saut dans le vide (au sens de la vacuité) par quoi les individus, jeunes essentiellement, se trouvent une autre/seconde vie.

    Mais cette avancée est celle d'un militaire, d'un vrai militaire, pas un de ceux qui se pavanent dans les ministères, dans les commandements généraux. Le militaire vrai, viril et déterminé à ne pas s'en laisser compter, qui retrouve ses compagnons dans la clairière. C'est une histoire de solidarité, face à l'ennemi invisible. Pourtant, il a un visage jeune, plutôt inoffensif, notre héros en rangers et treillis. Pas la tête d'un baroudeur, barbouze aux traits marqués par des missions difficiles sur des terrains hostiles, à l'étranger. Nous ne sommes pas à Falouja ou à Bagdad, plutôt dans le bocage normand et notre héros juvénile a un air propre sur lui. Il ne s'agit pas de faire peur mais d'évoquer la normalité des gens qui composent l'armée.

    Ce n'est pas un appel, c'est une pub ; pas un cri mais une proposition. Plus encore qu'une proposition : une quasi thérapie... Devenez-vous même. Cet énoncé n'est pas une invite à se découvrir mais une déclaration intempestive posant l'armée comme réalisation de soi. L'institution gomme en partie sa nature coercitive (car sans abnégation et effacement de l'orgueil individuel, le collectif est en danger. L'armée est un corps et le refus d'un de ses membres d'obéir est un cancer potentiel) pour se transformer en un centre d'épanouissement, une quasi confrérie mystique. Cela suppose que dans la partition du civil et du militaire, le premier soit pauvre, prévisible, sans avenir, le second aventurier, inattendu, plein de promesses (ce qui n'est pas rien en temps de crise). Le militaire est un recours salvateur : c'est la vie, la vraie (un peu comme chez Auchan)... Et  l'on se met à rêver (enfin...) à ce Devenez-vous même sous les drapeaux. S'agit-il d'être un homme responsable dans un monde jugé par certains trop laxiste ? d'être enfin un homme, dans un monde qui s'est féminisé ? d'être un être autrement libre, dans un monde qui nous en vend pourtant à la pelle ? La grande muette nous laisse l'embarras du choix.

    Mais dans ces conditions, il a fallu gommer le danger (en faire un jeu), la mort (pas un coup de feu), la raideur (le petit côté scout plutôt que para), et finir sur une image fixe, une sorte de jaquette pour jeu vidéo et une adresse internet, un .com dans l'air du temps. C'est d'ailleurs ce dernier point qui fait sourire, cet air dérisoire d'une armée club de rencontres. On imagine un meetic en uniforme et masculin. On sourit en effet. Pourtant il n'y a rien de drôle. La guerre est loin, vendue comme une virtualité à peine possible.  Votre employeur ne veut que votre bien. Pas de risque, rien que du bonheur. Ce qui importe : votre personne, votre personnalité, votre accomplissement. On joue...



    L'affiche de Flagg était directe. À l'heure de la médiatisation de tous les discours, de la moulinette communicationnelle, elle est impensable. Il faut que tout soit poli, détourné, mis en scène, dans les limites d'un politiquement correct dans laquelle l'opinion publique se complaît jusqu'à la bêtise. Parce que c'est aussi pour elle que l'armée passe par ces clips grotesques. L'opinion publique occidentale veut être protégée, n'aime pas la guerre, et moins encore les morts dans son camp. Elle s'émeut dun moindre mort en Afghanistan ou ailleurs, parce qu'elle a oublié que la mort est inéluctable et qu'elle est le quotidien fracassant de bien des populations. Mais elle ne veut pas voir, ni savoir. Alors, désormais, on brode, on psychologise à outrances et la guerre n'est plus qu'un élément de plus soumis à la stupidité des discours policés, ceux des temps de paix, comme si la paix pouvait être un état perpétuel...


  • "Tout va bien"

     

    Au tournant des années 80, Jean Guidoni chante des textes de Pierre Philippe qui, pour une partie, explore des moments peu glorieux de notre histoire. Visite ironique et acide dont les plus belles vignettes trouvent leur plénitude dans un double album aujourd'hui difficilement accessible : l'Olympia 83. Outre qu'ils savent évoquer la nuit, le sordide et la souffrance des gens à part, Guidoni et Philippe aiment semer le trouble dans les mythologies contemporaines, ce qui n'est pas rien, lorsqu'on s'en tient à la chanson (mais il est vrai que Guidoni appartient à la queue de comète de ce qu'on appellera la tradition de la chanson française, celle-ci étant alors à mille kilomètres des niaiseries actuelles, où l'on vous ferait passer Calogero, Benabar et Olivia Ruiz pour des artistes à texte...). De Guidoni, il faut écouter Djémila, Midi-minuit, Chez Guitte, Je marche dans les villes..., mais comme l'époque est à l'optimiste, ce sera Tout va bien.