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chanson

  • Tom Waits, des profondeurs

    La première fois que l'on entend Tom Waits, on y croit à peine. De le voir, même, ne change rien à l'affaire. Cette caverne, chaude et mélancolique, est une source d'émotion comme la pop nous en a peu donné. Tom Waits, c'est un Nick Cave sans le mystère dandy, l'ombre sans la recherche de l'énigme. Quand il chante Waltzing Matilda (dont le titre réel est Tom Traubert's Blue (1)), on reste sans voix, il n'y a pas d'autre moyen de le dire, sans voix devant cette histoire de misère dont il se fait le conteur foudroyé. Il grimace et nous, à l'écouter, prenons en sympathie celui qui commence ainsi sa complainte :

    Wasted and wounded, it ain't what the moon did
    I've got what I paid for now
    see ya tomorrow, hey Frank, can I borrow
    a couple of bucks from you, to go
    Waltzing Matilda, waltzing Matilda, you'll go waltzing
    Matilda with me
     


     

    (1)Tom Waits fait référence à une très ancienne chanson australienne. La chanson se trouve sur l'album Small Change sur lequel jouent Jim Hughart (qui accompagna Joe Pass) à la basse et Shelly Manne à la batterie. (batteur qui aura joué avec les plus grands : de Bill Evans à Chet Baker en passant par Sonny Rollins ou Art Pepper). On peut la trouver sur Youtube. Il y a un arrangement de cordes qui atténue la rudesse de la voix. C'est du studio. J'ai préféré la version concert, plus âpre et plus jazzy.

  • Le phrasé

    Ferré, Barbara, Brel ou Brassens, ne sont pas des poètes, n'en déplaise à la doxa du tout-se-vaut commercial et abrutissant (qui permet ensuite de célébrer n'importe quel guignol qui aligne deux mots). Il suffit de lire leurs textes pour mesurer ce qui les sépare d'un Bonnefoy, d'un du Bouchet par exemple. Ils écrivent des chansons. Et ce qui nous habite tient autant aux mots et aux images avec lesquels ils travaillent qu'à ce phrasé par quoi ils habitent eux-mêmes ce qu'ils écrivent. Ferré, Barbara, Brel ou Brassens, pensent la langue à travers leur corps, leur souffle, leur voix. Telle est la limite de leur entreprise. Limite qui n'est pas sans beauté : il faut entendre le désastre des reprises qu'on fait de leurs chansons, dont des prétentieux et des vaniteuses ont cru qu'il suffisait de savoir lire pour pouvoir les chanter, pour se rendre compte de leur supériorité. Ils appartiennent à un monde révolu. Nous sommes désormais aux temps des crécelles, des sottes, des scansions rappées, de la vulgarité, des gros bras et des adolescents montés en graines. Ils sont faciles à reconnaître....


     



     


  • Barbara, tout simplement

     

    Barbara n'est pas la plus grande chanteuse française. C'est la seule. Elle a tout : la voix, le phrasé, l'élégance, la présence, l'art de créer un monde en quelques minutes. Beaucoup la trouvent sombre. Soit. Mais elle sait si bien être drôle, ironique, et plutôt que de se morfondre en attendant le vingtième anniversaire de sa disparition, précédons les vains hommages médiatiques par une chanson savoureuse. 


     

     

  • Miossec, inattendu

    Les reprises, en pop ou ailleurs, c'est souvent une vaste fumisterie, un ratage complet, sans parler d'une escroquerie morale et artistique (quand Bruel, par exemple, ose chanter Barbara. J'en connais que cela écœure au plus haut point et je les comprends). 

    Quand Miossec reprend Joe Dassin, c'est pour clore le  très beau film de Laurence Ferreira Barbosa, J'ai horreur de l'amour, sorti en 1997 dans lequel Jeanne Balibar en médecin généraliste séduit encore, Laurent Lucas, patient séropositif, montre la grandeur de son talent et Jean-Quentin Châtelain effraie de toute son hypocondrie. Certes il ne chante pas, le finistérien, (de toute manière, il n'a jamais vraiment chanté...), mais c'est justement dans l'impossibilité de placer sa voix, de la monter ou de la descendre qu'on sent qu'il colle au sujet...


     

  • "Tout va bien"

     

    Au tournant des années 80, Jean Guidoni chante des textes de Pierre Philippe qui, pour une partie, explore des moments peu glorieux de notre histoire. Visite ironique et acide dont les plus belles vignettes trouvent leur plénitude dans un double album aujourd'hui difficilement accessible : l'Olympia 83. Outre qu'ils savent évoquer la nuit, le sordide et la souffrance des gens à part, Guidoni et Philippe aiment semer le trouble dans les mythologies contemporaines, ce qui n'est pas rien, lorsqu'on s'en tient à la chanson (mais il est vrai que Guidoni appartient à la queue de comète de ce qu'on appellera la tradition de la chanson française, celle-ci étant alors à mille kilomètres des niaiseries actuelles, où l'on vous ferait passer Calogero, Benabar et Olivia Ruiz pour des artistes à texte...). De Guidoni, il faut écouter Djémila, Midi-minuit, Chez Guitte, Je marche dans les villes..., mais comme l'époque est à l'optimiste, ce sera Tout va bien.