Ferré, Barbara, Brel ou Brassens, ne sont pas des poètes, n'en déplaise à la doxa du tout-se-vaut commercial et abrutissant (qui permet ensuite de célébrer n'importe quel guignol qui aligne deux mots). Il suffit de lire leurs textes pour mesurer ce qui les sépare d'un Bonnefoy, d'un du Bouchet par exemple. Ils écrivent des chansons. Et ce qui nous habite tient autant aux mots et aux images avec lesquels ils travaillent qu'à ce phrasé par quoi ils habitent eux-mêmes ce qu'ils écrivent. Ferré, Barbara, Brel ou Brassens, pensent la langue à travers leur corps, leur souffle, leur voix. Telle est la limite de leur entreprise. Limite qui n'est pas sans beauté : il faut entendre le désastre des reprises qu'on fait de leurs chansons, dont des prétentieux et des vaniteuses ont cru qu'il suffisait de savoir lire pour pouvoir les chanter, pour se rendre compte de leur supériorité. Ils appartiennent à un monde révolu. Nous sommes désormais aux temps des crécelles, des sottes, des scansions rappées, de la vulgarité, des gros bras et des adolescents montés en graines. Ils sont faciles à reconnaître....