usual suspects

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

europe

  • La leçon turque

    Erdogan a failli se faire renverser par un coup d'état. Le putsch militaire a échoué. L'inspiration kémaliste des opposants, devant le projet islamiste du président derrière lequel se cache un dictateur classique tel que sait en produire à la pelle la politique qui n'a que le Coran comme finalité, a été balayée, à la fois dans le pays, et dans les jugements qui ont été portés par les puissances spectatrices.

    L'Amérique d'Obama s'est empressée d'apporter son soutien au menacé. Oui, Obama, celui qui devait changer le monde, celui dont l'élection fit pleurer des journalistes ignares et des citoyens imbéciles, celui dont le bilan est désastreux, si l'on considère la situation de violence et de pauvreté qui sévit dans les classes les plus populaires de ce pays, à commencer par celles qui vivent dans les ghettos, cet Obama-là, dont il ne fallait pas être grand clerc pour estimer qu'il ne ferait rien d'autre que suivre la ligne américaine définie ailleurs que dans le bureau ovale, a défendu Erdogan. L'Europe a emboîté le pas, et dans l'Europe, les islamo-gauchistes au pouvoir ont évidemment payer leur écot. L'insuffisance présidentielle a applaudi des deux mains à la sauvegarde de la démocratie turque. Et depuis que le sieur Erdogan fait régner la terreur sous prétexte d'une reprise en main, emprisonnant, mettant à pieds, limogeant à tour de bras, c'est le silence radio. La possible élection d'un candidat d'extrême-droite en Autriche les émouvait davantage.

    Nul doute que pour les temps à venir, ils nous resserviront, pour la politique intérieure, le péril brun, la menace lepéniste et leur litanie sur le fascisme qui ne doit pas passer. Sauf s'il est vert. Et puisqu'on parle des Verts, rappelons qu'un cadre de EELV, Jean-Sébastien Herpin, après la tuerie d'Orlando, revendiquée par l'EI : "la différence entre La Manif pour tous et #Orlando ? Le passage à l'acte". On appréciera à sa juste valeur intellectuelle le parallèle entre des manifestants pacifistes, dont tous n'étaient d'ailleurs des catholiques, mais qu'on réduisit souvent à des cathos fachos intégristes, et les terroristes de l'EI. Quand la haine des curés atteint ce degré, il n'y a plus rien à espérer. Mais cet épisode n'est pas, loin s'en faut, une gaffe individuelle. La police fut autrement zélée avec ces manifestants-là et les veilleurs qui leur étaient affiliés qu'avec les imams salafistes et les radicaux du Croissant. Leur couardise devant la montée de l'islamisme est leur fond de commerce.

    Ce terreau-là sert donc à défendre Erdogan et à vouer aux gémonies Marine Le Pen. C'est, en quelque sorte, un anti-fascisme  (ou prétendu tel) à géométrie variable. Cette leçon me suffit pour savoir ce que je dois faire et qui je dois craindre. Il y a peu, c'était en 2012, Valls nous servait la version du loup solitaire et Merah était un "enfant perdu de la République". Le même nous sort aujourd'hui des fiches S par milliers. Mais il ne faudrait surtout pas faire d'amalgame, c'est-à-dire ne pas placer le débat sur le plan politique, surtout pas. Sauf pour les cathos.

    Pour finir sur une note turque, revenons à ce que disait Erdogan en 1996 : « Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants seront nos soldats. » C'est le même que Hollande and co protègent. Dont acte.

  • Anti-républicain

    Souvenez-vous... C'était il y a dix ans. Le non à la constitution ultra-libéral des collabos gaucho-centro-verts gagnait avec près de 55 % des voix. En vain.

    Parce que cette même alliance déconfite passait outre et, en congrès, c'est-à-dire en catimini, selon des procédures de république bananière, s'arrogeait de s'asseoir sur ce que nous avions choisi.

    Le débat sur le droit ou non des sarko-traîtres de s'appeler  Républicains m'indiffère et l'acharnement de ses opposants à vouloir lutter contre cette confiscation (ou hégémonie, c'est selon) me fait doucement rire. Je ne suis pas républicain, plus républicain parce que je ne mange pas avec le diable, même avec une grande cuillère. Je conchie la république, purement et simplement. Et tout le battage qui est fait par ses sous-traitants, de droite comme de gauche, de Mélenchon à Juppé, des socio-démocrates aux frondeurs roses (1) est d'un ridicule consommé.

    On comprend fort bien que depuis 2005 toute cette engeance fait du mot "république" son sésame pour dire qui est bon et qui est mauvais. Il s'agit à la fois de masquer le vide démocratique qui la constitue et de mettre au ban ceux et celles qui en contestent ou en dénient la valeur. Être anti-républicain, c'est être fasciste (et pire encore, sans doute, selon l'achèvement de toute discussion au point de Godwin). Il n'y a pas à revenir sur le sujet.

    Et pourtant si ! Je suis anti-républicain puisque cette république depuis dix ans est un coup d'État effectif, un vol démocratique qui a ouvert à cette magnifique prospérité-sécurité-fraternité qu'on nous avait vendue comme un miracle constitutionnel. Être anti-républicain, c'est revendiquer le droit d'exister politiquement et ne pas s'en remettre au temps pour dire que ce qui est passé est passé. On me dira qu'il faut savoir faire avec, aller au delà. Certes, cela pourrait s'envisager si cette même république, cette même claque bouffonne ne remettait sur le tapis le passé de mon pays, sur un mode culpabilisant, dans une langue que l'on doit policer à l'extrême sous peine de procès. Alors, si d'aucuns ont le droit de remonter aux calendes grecques pour demander des comptes à mon pays, il n'est pas interdit de vouloir en demander à ceux qui, toujours en place, nous ont politiquement bafoués.

    Le vote piétiné, le droit de ne rien dire (ou presque) : on aurait compris qu'en d'autres époques cela suffisait pour être anti-fasciste. Être anti-républicain, c'est être un anti-fasciste actuel. Ni plus ni moins. Cela n'a rien à voir avec une quelconque filiation avec l'extrême-droite ou des partis dits radicaux. La question du vote n'a rien à voir avec la présente situation. Le problème tient à ce qu'on ne peut accepter pour du droit ce qui est éthiquement condamnable. Ils n'ont que le droit qu'ils ont su manipuler. Nous avons la légitimité, légitimité suspendue par un procédé inique (mais prévu).

    La souveraineté, disait il y a plus de vingt ans Philippe Séguin, ne se discute pas, ne s'affaiblit pas. Elle est, ou elle n'est pas. Mon anti-républicanisme vient de cette rupture brutale que représente le vote en Congrès, en 2007, du traité de Lisbonne. Et ils y étaient tous, ces gras et gros, ces ventripotents, ces omnipotents qui battent la campagne en nous faisant croire qu'ils s'écharpent, qu'ils se détestent, que la gauche et la droite, ce n'est pas la même chose.

    Mais l'Histoire prouve le contraire, et sans doute cela justifie-t-il que l'on travaille à l'amnésie populaire...

    (1)Lesquels sont les exemples caricaturaux de cette république qu'on veut nous vendre. Rien dans le ventre, rien dans la tête. Mais un art savant de se faire mousser et de jouer à "retenez-moi ou je fais un malheur", art grotesque à quoi se réduit la démocratie formelle de ce monde-là... Les sieurs Paul ou Guedj sont, d'une certaine façon, pires que Valls. Ce sont des faussaires moraux.

     

  • La Terreur social-libérale

    Le nouvel épisode grec est édifiant quant à l'anéantissement politique dans lequel nous a plongés l'aventure européenne. Les Grecs, on le sait, paient au prix fort une déroute économique en partie organisée par des banques d'affaires. La misère et l'absence de perspective ont atteint les limites du supportable. Le diktat des grandes organisations mondialisées qui méprisent les nations et les peuples, qui en veulent la disparition (sinon pour n'être plus que des structures de pur contrôle policier afin de mettre au pas les éventuels contestataires), a rendu exsangue le pays fondateur de la pensée européenne (1).

    Pour que tout aille au mieux des intérêts de ces organismes multinationaux (c'est-à-dire anti-nationaux), il fallait que le pouvoir politique soit à la botte. Il était donc prévu que le président grec soit un ancien commissaire européen, un de ses technocrates qui s'assoient sur la pensée du citoyen et qui obéit à l'idéologie du libéralisme le plus pur. Hélas, l'affaire a capoté et le pays se retrouve devant des élections législatives pour le début de l'année.

    Et l'on ne dira jamais assez combien il est dangereux de s'en remettre à l'électeur parce que celui-ci est par nature idiot, versatile, indocile. Il est le plus souvent le dindon de la farce mais il lui arrive aussi de ne pas faire comme il faut. Tel est le cas présent puisque le favori des sondages est un parti dit de gauche radicale, anti-austérité :  Syriza. Il n'y a rien dans les annonces de cette formation qui puisse l'assimiler à un quelconque groupe révolutionnaire. Le PS des années 70 est, en comparaison, terriblement marxiste-léniniste ! Il souhaite seulement que l'on ne saigne plus impunément les petites gens et que certaines banques arrêtent de se gaver. Mais c'est suffisant pour que le FMI coupe les vivres, que l'Allemand de service (je ne sais plus quel ministre...) dise que les élections ne changeront rien (2). Le nullissime Moscovici vient soutenir les partis responsables face à une dérive qui met en péril l'équilibre européen...

    On remarquera que le parti qui inquiète n'est pas d'extrême-droite. Il n'appartient pas à cette nébuleuse nationaliste qui monte en Europe et dont les socio-libéraux font la caricature, expliquant qu'avec eux le désordre, le chaos, la misère sont au bout du chemin. Ce ne sont pas des chemises brunes prêtes à marche au pas de l'oie. Nullement. Ce sont des gens de gauche, mais d'une gauche irresponsable et quasiment marxiste.

    Qu'est-ce à dire sinon que pour les socio-libéraux (en gros, en France : le PS, l'UMP et l'UDI), rien n'est digne, qui ne soit pas eux, nul n'est responsable qui ne soit pas de leur rang. Le péril brun, l'épouvantail lepéniste est un leurre et il ferait de même si Mélenchon était en passe de prendre le pouvoir. Ils méprisent tout ce qui n'est pas eux. Ils ont la morgue et l'outrance des fascistes. Certes, pas de parti fort, pas de culte du chef, mais un discrédit systématique sur ce qui ne leur convient pas, une chasse aux sorcières contre leurs opposants (pensons à Zemmour), un travail de sape pour anéantir l'expression démocratique. Ils ont retenu les leçons des excès mussoliniens. La force est contre-productive. Il faut agir autrement, par une intimidation larvée, par un contrôle des médias discret mais efficace, par une marginalisation des voix discordantes, par une dramatisation délirante des risques politiques.

    En France, le danger, c'est le FN ; en Grèce, c'est Syriza. Ils ont comme point commun de ne pas vouloir se plier à la doxa. Les premiers sont très à droite, les seconds très à gauche (3). Tout est là, comme dans la démocratie américaine, où l'opposition républicains/démocrates porte sur les modalités d'une doxa libérale que personne ne remet en cause, à commencer par le si attendu Obama (4). La largeur de la route est étroite et il est interdit de prendre des chemins de traverse.

    Ce que cette aventure signifie est simple : il ne faut pas avoir peur d'aller contre eux et ne pas se sentir coupable de lutter contre eux. Ils appellent cela du populisme. Soyons populistes, sans honte et sans peur...

    (1)Le symbole n'est pas rien. Le libéralisme mondialisé est la négation d'une pensée européenne nourrie de philosophie grecque (entre autres). Le FMI est, dans son fondement même, l'effacement de la littérature dont s'est inspiré pendant des siècles tout un continent. Il n'est pas étonnant que la culture soit devenue cette coquille vide et pourtant spectaculaire par quoi brillent des idiots à concept et des affairistes 

    (2)Il y a dans l'Allemand triomphant un éternel souvenir de Bismarck et des aspirations à vouloir tout ramener au modèle teuton. C'est bien là son point commun avec l'Américain : son étonnement à ce que tout le monde ne soit pas comme lui.

    (3)Encore faudrait-il discuter plus longuement de ce "très"...

    (4)Ce qui rend plus fourbe encore le discours médiatique qui nous vend pour un tournant social et politique ce qui n'est qu'une variation dans le casting. Il est toujours curieux d'expliquer à des jeunes Français qu'Obama, en France, serait très à droite (on y revient...).

  • Philippe Séguin, résistant

    De la ratification du traité de Maastricht, il reste, pour ce qui concerne la France, la grandeur politique de Philippe Séguin. Il explique d'une manière imparable le détournement de droit que fut cette ratification. Plus encore, il esquissa avec précision, devant l'Assemblée Nationale, le devenir d'une Europe mortifère, laquelle avait comme fondement l'effacement des nations et la spoliation politique des citoyens. Ceux qui votèrent oui et qui persistent doivent assumer ce coup d'état et arrêter de se retrancher derrière les errements d'une bureaucratie qu'ils ont eux-mêmes cautionnée, ceux qui découvrent aujourd'hui l'horreur avec un air de naïveté, quand ils ont plus de quarante ans, sont consternants. La vidéo qui suit montre avec éclat qu'on ne pouvait pas ignorer...

    En réécoutant, plus de vingt ans après, le dernier homme politique français digne de ce nom, on mesure la multiplicité des effondrements : médiocrité des gouvernants (écoutons la langue et le phrasé de Séguin et comparons au sabir a-syntaxique des Hollande ou des Copé), fatuité des élites, mépris du peuple, soumission aux seuls intérêts économiques (masqués), négation de l'histoire de l'Europe et des européens. Séguin a déjà tout dit. Il a tout dit parce qu'il pense au-delà de lui-même. Ce n'est ni une posture ni une attitude bravache. Il analyse avec lucidité ce que conditionne le traité de Maastricht : l'assujettissement des peuples, le dessaisissement des prérogatives démocratiques au profit des lobbies, la transformation ultime du politique en théâtre d'ombres.

    Ce que Philippe Séguin avait compris, c'est qu'un pays qui renonce à sa monnaie, à son territoire, à sa loi, à ses frontières est un pays occupé. La France est un pays occupé, occupé par l'hydre bruxellois libéral dont le véritable dessein est d'assujettir le vieux continent (comme disait Dominique de Villepin) aux intérêts américains et mondialistes...


  • Ancrage

    Nous ne serons jamais les européens qu'ils veulent, parce que nous voulons rester européens. Et qu'est-ce qu'être européen, si l'on veut bien considérer ce qui a fait l'essence de ce continent, sinon une inconciliable profondeur de la différence ? La vraie différence. Non pas celle du différentialisme compatible avec le libéralisme ultime mais celle par quoi chacun creuse un sillon et reconnaît le sillon de l'autre. Et parfois s'en inspire, patiemment.

    *

    Nous voulons être de quelque part. Nous demandons le droit à la nostalgie, à la mélancolie, à la tristesse, au vagabondage sur les chemins maintes fois arpentés.

    *

    Voulons-nous être des Américains, c'est-à-dire des fuyards éternels, s'en remettant à leur seule énergie spontanée, à cette irascible loyauté envers soi-même comme limite ultime du devenir ? N'être que soi. Tel est l'Américain, lequel croit qu'en chacun de nous sommeille quelqu'un qui lui ressemble, qui peut lui ressembler, qui doit lui ressembler.

    *

    Le vers était dans le fruit quand on nous proposait les États-Unis d'Europe. La formule portait le signe du reniement. 

    *

    Francis Fukuyama a célébré la fin de l'Histoire et d'autres ont embrayé. Et pour faire bonne mesure, dans les salles de classe, plutôt que s'en tenir à la chronologie, on avait déjà enseigné la discontinuité, les thématiques et les fausses similarités. La fin de l'Histoire, elle est dans la tête des gosses qui vivent éternellement dans le présent, et c'est ainsi qu'ils signent, les pauvres, leur aliénation.

    *

    L'Europe, une, entière, homogène est un leurre, et pour effacer les résistances à ce projet de fou, on va, sans vergogne, fonder son verbe dans les tranchées de 14 et les camps de 45. On agite les cadavres d'hier en guise d'argument pour mieux cacher la misère contemporaine grandissante.

    *

     Briser le lien : tel est leur dessein. Que nous ne soyons plus les fils de nos parents, et moins encore les parents de nos enfants.

    *

    "Sortir de l'Europe, c'est sortir de l'Histoire". Au-delà de la bêtise infinie de la formule, il y a l'insulte à l'Histoire elle-même, à l'émotion qu'on trouve dans la chapelle royale de Dreux, dans les Catacombes de Rome, dans les ruines de Tintagel, dans le silence de Saint-Michel de Cuxa, dans la magnificence de la Chapelle palatine, dans l'invraisemblable conque du Campo de Sienne, dans la majesté de la citadelle de Fougères, dans l'escalier à double vis du château de Chambord, dans tout ce qui n'a pas attendu l'hydre bruxellois et la couardise gouvernementale pour exister...

    *

    Plus jamais ça ! Derrière ce cri prétendument humaniste se cache la lâcheté la plus sombre. Il résonnait de la même manière dans les brumes de l'an 40. Le passé n'est pas un moyen de se dérober.

    *

    L'Europe à laquelle je suis attaché est celle des identités qui outrepassent ma propre identité, qui s'en saisissent pour l'éprouver doublement, par ce qui me tente, par ce qui me dérange, tout cela sans détruire le passé légué.

    *

    Nous voulons demeurer des héritiers. De vrais héritiers. Ceux qui ne gagnent rien d'autre qu'une plus grande assise face au monde et une meilleure connaissance d'eux-mêmes. 

    *

    Une monnaie unique, un espace unique, une gouvernance unique... Ce n'est pas un programme, c'est la guerre...

     

     

     

     

  • Appel à la résistance (II)

    Laissons les gommeux socialistes régler leurs affaires de cirage de pompes à l'Hôtel Marigny, petites magouilles qui occupent le champ médiatique se gavant de queues de cerises.

    Écoutons plutôt Frédéric Lordon qui revient sur le massacre de l'euro et surtout, surtout : l'horreur de la perte de souveraineté, la confiscation organisée du droit des individus à contester la politique ultra-libérale.

    Frédéric Lordon est la preuve flagrante qu'on peut être critique sur un système qui nous ruine et nous avilit sans être taxé de populisme (même si, bien sûr, on vient le bassiner avec le FN et le nuisible Bernard Guetta use de la montre pour pouvoir se faire le larbin des doctrinaires ultra-libéraux qui dirigent aujourd'hui l'Europe)


  • Le cirque mémoriel

     

    histoire,france,commémoration,14-18,guerre,violence,politique,europe

     

     

    2014 sera commémoratif. Et donc festif, parce qu'il ne faudra pas que nous nous enfoncions trop dans ce que fut le réel. Les huiles civiles et les baudruches gallonnées se fendront de beaux discours. On y parlera courage, bravoure, vertu, démocratie et liberté. En 2014, on sera patriotes, d'un patriotisme un peu gêné aux entournures, si l'on considère le terrorisme mondialiste ambiant.

    2014 se fera partie dans les tranchées, la larme à l'œil et le sérieux politique à la bouche, pour raconter combien nous devons à ces vaillants petits gars une Europe apaisée et sûre (oui, bien sûr, 39-45, comme continuation ahurissante de la Der des Der... mais ce n'est qu'une péripétie. Il faut considérer l'Histoire sur un temps très large, être un tantinet braudelien...).

    On passera sous silence le cynisme des politiques et l'incompétence militaire. On taira surtout que 14-18 était l'œuvre nécessaire pour changer de vitesse, détruire l'ancienne Europe (et la première victime territoriale fut l'Autriche-Hongrie), promouvoir un discours d'union qui nécessiterait une deuxième couche (et quelques camps de concentration ou d'extermination, dont on savait qu'ils existaient, très tôt, mais que l'on ignora, en leur temps, pour mieux les utiliser, après, dans une logique terrible de soumission des populations (1)), faciliter le démembrement de l'esprit national (en incitant soit au pacifisme ambigu des écolos des années 70 et au mondialisme libertaire, soit au nationalisme exacerbé sur lequel on pouvait jeter le discrédit).

    On taira que 14-18 fut une opération de terreur, pour ceux du front et pour ceux qui virent revenir ceux du front.

    On rendra des hommages comme on sait désormais le faire (l'hommage est devenu dans notre aire pseudo démocratique un exercice de rhétorique, un peu comme la dissertation de Science-Po ou le discours d'accueil à l'Académie : l'articulation plutôt que le fond. Surtout pas de fond...) : en oubliant ou en biaisant le passé. On rendra hommage non pas pour revenir sur le passé mais pour dire merci au présent, et donc neutraliser la violence du présent (car, enfin, soyez raisonnables, que diable : vous n'êtes pas sous les bombes...). On rendra hommage en tuant une deuxième fois, comme on le fait chaque 11 novembre, ceux qui n'avaient rien demandé.

    Sur ces dégoulinantes démonstrations de l'année, il n'y aura rien à dire. La puanteur récupératrice ne mérite pas de mots. Nous nous contenterons, dans les trois prochaines publications de Off-Shore, de laisser la place à une voix autrement plus conséquente que la nôtre, substituant à l'écœurement présent la lucidité passé. Entendre Bernanos et Les Enfants humiliés, n'est-ce pas une manière simple, classique de remettre certains à leur (médiocre) place...

     Photo : Don McCullin

     (1)Ce qui fait que les plus antisémites se trouvent dans le camp de ceux qui instrumentalisèrent la Shoah, qui l'instrumentalisent encore,  l'instrumentalisant si bien que les bonnes âmes, contrites, s'indignent -c'est de mode - sans se poser la question simple : à qui profite le crime ? Au regard de ces fallacieux, les éructations prétendument humoristiques de certains sont relatives. Obscènes mais relatives...

  • De la terreur par la rhétorique (III)


    Les mots ne sont pas les choses. Rien d'original. Ce constat ne vident pas les mots de leur valeur. C'est peut-être même le contraire. Puisque le sens n'est pas en-soi, il est un cheminement, un investissement (au sens d'un objet qui se remplit). Et comme il y a de l'idéologie qui peut s'investir (cette fois, au sens d'une rentabilité espérée) dans ce gouffre, alors on ne s'étonnera pas qu'il existe tout un travail dans le domaine de la (dé)nomination (1). Ce qui est visé représente le même espace, mais la désignation change, à dessein. Un exemple.

    En 1992, ceux qui, comme moi, ont voté contre Maastricht, étaient, disait-on, des euro-sceptiques, teintés d'un esprit nationaliste un peu rigide. On s'en tenait là. Le temps passa et ces mêmes personnes devinrent des anti-européens. On voit déjà l'évolution. Si la première dénomination ne pouvait assurément prendre son sens qu'au regard d'un projet politique : le scepticisme étant alors le signe d'une interrogation, la deuxième portait, elle, une ambiguïté. Laquelle ? Celle d'identifier le projet politique européen à une représentation intrinsèque de l'espace géographique, culturel du continent lui-même. On sent bien que la logique de l'anti-, comme définition, ne porte plus seulement sur la discussion autour d'un contenu en train de s'élaborer mais sur le désir proprement négatif de l'opposant. En devenant anti-européen, celui qui refusait les transformations libérales de la future UE portait en lui les miasmes d'un esprit de dissensions détestables. Il ne répondait pas aux attentes des politiques prenant prétexte d'une nécessaire paix entre les nations après les horreurs de 39-45 (2). Les partisans du projet européen confisquait l'Histoire comme devenir et l'esprit critique devenait une âme étroite, engoncée dans son opposition systématique.

    C'est d'ailleurs sur ce registre que les battus de 2005 hurlèrent comme des loups. Anti-européens, et donc petits penseurs, porteurs de tous les maux que peuvent recenser les grandeurs mondialisées. L'édito de Serge July, dans Libération,  le lendemain du réferendum perdu, reste un modèle du genre.

    Mais, justement, le travail de sape n'avait pas suffi. L'entreprise de culpabilisation avait échoué. Le travail sur le langage n'avait sans doute pas été assez poussé. Et cela est très certain. 

    Ainsi, la semaine dernière, dans Le Monde, un porte-folio magnifique, consacré aux leaders des droites europhobes. Tout est dans l'adjectif. Europhobes. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, il est très secondaire que ce porte-folio soit consacré aux leaders dits d'extrême-droite. Ce qui prime, c'est l'adjectif. Europhobes. Comme il y a des xénophobes, des islamophobes, des homophobes (3). La phobie est la grande affaire de l'époque contemporaine, du moins si l'on en croit l'usage qu'en font la bonne conscience de gauche et ses sicaires journaleux. On comprend ici très vite le stratagème. L'homme qui refuse le modèle européen n'est plus un esprit critique (depuis longtemps), il n'est même plus un esprit étroit, il est un danger. Il participe du délitement de la pensée fraternelle, d'un we are the world crétin au seul profit de la Banque et des affairistes. Peu importe. Sachez que lorsque vous contestez l'Europe de Bruxelles et de Strasbourg, quand vous critiquez l'espace Schengen, quand vous attaquez Barroso et son Barnum, vous êtes un europhobe.

    Cette pratique a un nom : l'amalgame. L'Europe devient une question taboue, un ordre supérieur sur lequel vous ne pouviez rien dire, parce que la moindre réticence fait de vous un potentiel fasciste. -phobe, ou le suffixe de la terreur morale qui s'immisce jusque dans les moindres recoins. Vingt ans d'essoreuse libérale auront servi à défaire le système social européen, à déliter l'esprit national, à libéraliser les esprits. Cela ne pouvait suffire : il fallait encore que les esprits insoumis finissent dans l'opprobre, désignés par ce qu'ils ne sont pas. L'europhobe ou le salaud. Quelque chose d'approchant. 


    (1)Eric Hazan a écrit un bref ouvrage, très intéressant, sur ce phénomène : LQR, la propagande du quotidien, Liber-Raisons d'Agir, 2006

    (2)Ce qui, au passage, montre à quel point la dialectique de l'Europe libérale construite par les politiques de ces trente dernières années instrumentalisait la guerre, la violence nazie et les camps. Ces amoureux de la paix auront tiré un profit maximum de Sobibor, Ravensbruck ou MaIdanek, des bombardements de Dresde et des dérives nationalistes dont leurs prédécesseurs politiques furent pourtant, le plus souvent, les activistes zélés...

    (3)Lesquels sont définis sous le régime de la terreur. Pour faire court : être contre le mariage gay, c'est être homophobe ; vouloir en finir avec les prières de rue, c'est être islamophobe ; refuser une immigration débridée que paient d'abord les plus modestes de la nation, c'est être xénophobe.

  • Grosse ficelle (pour attacher un sifflet)

     

    referendum,europe,pouvoir,république,politique,françois hollande,ayrault,ordre,contestation


    Les sifflets à l'adresse du normal président, lors des cérémonies du 11 novembre, étaient-ils une insulte à la République ? Pour certains cadres (j'aime ce mot...) du PS, il semble que oui. Ils l'écrivent dans une tribune parue dans Libération, mélangeant ces incidents avec d'abjectes insultes effectivement racistes, dans une logique de l'amalgame dont les éduqués troskystes ont depuis longtemps le secret.

    La goutte de trop, devant ces assauts multiples : les fameux sifflets, qui, en quelque sorte, auraient rompu la digue de la convenance républicaine, pour ne pas écrire la bienséance.

    Il y a lieu de s'étonner d'une telle émotion. Le droit de manifester est-il restreint à ce qu'il ne puisse atteindre la personne du chef de l'État ? S'agit-il d'un crime de lèse-majesté dont on ne veut pas dire le mot ? L'heure est de toute évidence à la plus extrême gravité et le premier ministre a emboîté le pas en prévenant le lendemain des incidents que "la justice sera(it) ferme" face aux atteintes "à l'ordre public" et "aux droits de la République". Et d'ajouter que « la circulaire de politique pénale préparée par la garde des Sceaux va partir dans quelques heures, elle s'appliquera partout, dans toutes les régions et pour tous les faits qui portent atteinte aux droits de la République".  Qui, d'ailleurs, vise-t-il ? Les membres du Printemps français ? Les bonnets rouges ? Les contestataires qui s'expriment chaque jour de plus en plus nombreux ? Les manifestants qui sifflent ? Les protestataires qui brûlent des radars ? À l'entendre l'heure est à la mobilisation des forces patriotes. À quand l'appel aux armes  et la scie de la République en danger ?

    Encore faudrait-il que nous y croyions à cette République dont les élites aujourd'hui au pouvoir ont commis un coup d'État en invalidant le referendum de 2005 par une ratification du Congrès en 2007... Je l'ai écrit à de multiples reprises : ce qui se passe aujourd'hui est le retour du refoulé, et le peuple fut, en l'espèce, le refoulé. Ceux qui sifflent sont le fruit de ce pourrissement. Et ce pourrissement fut organisé de conserve par les actuelles majorité et opposition, à commencer par l'actuel normal président. Il faut être d'une mauvaise foi ou d'un aveuglement sans bornes pour ne pas s'en rendre compte (1). Cet affreux détournement du suffrage universel, ce mépris souverain de la représentation nationale (on en a frappé d'indignité pour à peine moins) auraient pu passer si les années qui ont suivi avaient été roses, si le triomphe démocratique et économique avait été un démenti pour ceux qui avaient  voté non. Il n'en est rien. L'expression du refoulé ne fait que commencer, et, ce qui peut effectivement inquiéter, dans une région qui fut longtemps un bastion de la pensée socialo-européenne ...

    Il est néanmoins intéressant de voir un premier ministre vouloir jouer le maréchal en chef d'un retour à l'ordre. Sans doute les sifflets sont-ils un délit dont il peut aisément circonscrire le danger. C'est toujours plus facile que la violence endémique des banlieues, le désarroi des campagnes, les trafics en tous genres et de laisser la République se faire ridiculiser par une écolière qui sèche un jour sur deux. Maréchal en chef est d'ailleurs un titre un peu gonflé. Mais cette soif de circulaires et de directives fait sourire : devant le désarroi, reste le paravent bureaucratique. Encore qu'à ce jeu, on puisse finir par craindre pour nos libertés publiques, à commencer par le droit d'expression.

    La République du quotidien l'attend, elle, sur bien d'autres plans : économique, social, budgétaire... Mais aussi sur la sécurité, le respect de la laïcité, le combat contre le communautarisme. Elle l'attend au tournant. Encore qu'elle en ait déjà assez vu.


    (1)Mais en entendant le premier ministre s'indigner de l'intervention d'un député d'opposition et demander si ce dernier remet en cause la légitimité du normal président et en conséquence la légitimité du suffrage universel, on n'est plus dans la mauvaise foi : on est, étymologiquement, dans l'ignoble. Comme quoi, la majesté républicaine ne vole pas haut...

     

    Photo : Darcy Padilla 

  • Cette social-démocratie qui nous enterre...

     

     

    Il y a quelques jours, sur le blog de l'ami Solko (que je cite décidément beaucoup en cette fin d'année), lequel se gaussait des cris d'orfraie poussés par ceux vouant Depardieu au pilori de la bonne morale patriotique (ce patriotisme qu'habituellement la gauche trouve rance, fascisante, xénophobe, etc.), un remarquable socialiste, le sieur Blachier, s'insurgeait. Je ne commente plus les blogs (1) mais pour le coup je ne pus m'empêcher de réagir pour rappeler à cet esprit encarté que :

    1-l'histrion n'avait fait qu'appliquer les règles de l'espace Schengen et qu'il avait fort raison d'invoquer lors qu'il était européen. Et plutôt deux fois qu'une. Il est dommage qu'on lui en fasse grief de son arrangement avec les frontières quand on n'a rien fait (et les socialistes en premier que l'Europe qu'ils nous ont imposé est notre avenir) pour développer une vraie Europe sociale et fiscale. Depardieu va en Belgique. Il ne s'exile pas dans un paradis des Antilles.

    2-la construction européenne et sa conformation à une logique ultra-libérale est le fruit d'une pensée où les socio-démocrates ont été à la pointe. On se souviendra que dans les années 90, ils étaient majoritaires sur le Vieux Continent. Ils n'ont rien fait qui puisse contrer les délires du marché.

    3-la gauche socialiste française peut se targuer d'avoir ces vingt-cinq dernières fourni une escouade de choc du libéralisme triomphant. Qu'on en juge par la liste suivante :
    1-Jacques Delors, dirigeant la commission européenne (Maastricht and co)
    2-Jacques Attali, dirigeant la BERD
    3-Pascal Lamy, dirigeant l'OMC
    4-Strauss-Khan, dirigeant le FMI.

    En période de crise, il est remarquable de voir à quel point ce parti et cette famille politique hexagonale auront réussi à trouver des boulots en vue à leurs cadres éminents. Au fond, quand il s'agit de saper une certaine idée de la France au profit d'un commerce internationalisé et morbide, rien de mieux qu'un homme du PS.

    Pour développer ce point, cette convergence troublante entre social-démocratie et libéralisme échevelé, je vous invite à vous rendre sur le lien suivant, fort instructif.

    http://www.atlantico.fr/decryptage/grand-paradoxe-exces-europe-neo-liberale-sont-nes-generation-leaders-venus-social-democratie-mathieu-vieira-fabien-escalona-jean-578001.html

     


    (1)Sinon, et c'est fort rare, le très désopilant et subtil Jamais de la vie commis par Depluloin.