usual suspects

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

contestation

  • Grosse ficelle (pour attacher un sifflet)

     

    referendum,europe,pouvoir,république,politique,françois hollande,ayrault,ordre,contestation


    Les sifflets à l'adresse du normal président, lors des cérémonies du 11 novembre, étaient-ils une insulte à la République ? Pour certains cadres (j'aime ce mot...) du PS, il semble que oui. Ils l'écrivent dans une tribune parue dans Libération, mélangeant ces incidents avec d'abjectes insultes effectivement racistes, dans une logique de l'amalgame dont les éduqués troskystes ont depuis longtemps le secret.

    La goutte de trop, devant ces assauts multiples : les fameux sifflets, qui, en quelque sorte, auraient rompu la digue de la convenance républicaine, pour ne pas écrire la bienséance.

    Il y a lieu de s'étonner d'une telle émotion. Le droit de manifester est-il restreint à ce qu'il ne puisse atteindre la personne du chef de l'État ? S'agit-il d'un crime de lèse-majesté dont on ne veut pas dire le mot ? L'heure est de toute évidence à la plus extrême gravité et le premier ministre a emboîté le pas en prévenant le lendemain des incidents que "la justice sera(it) ferme" face aux atteintes "à l'ordre public" et "aux droits de la République". Et d'ajouter que « la circulaire de politique pénale préparée par la garde des Sceaux va partir dans quelques heures, elle s'appliquera partout, dans toutes les régions et pour tous les faits qui portent atteinte aux droits de la République".  Qui, d'ailleurs, vise-t-il ? Les membres du Printemps français ? Les bonnets rouges ? Les contestataires qui s'expriment chaque jour de plus en plus nombreux ? Les manifestants qui sifflent ? Les protestataires qui brûlent des radars ? À l'entendre l'heure est à la mobilisation des forces patriotes. À quand l'appel aux armes  et la scie de la République en danger ?

    Encore faudrait-il que nous y croyions à cette République dont les élites aujourd'hui au pouvoir ont commis un coup d'État en invalidant le referendum de 2005 par une ratification du Congrès en 2007... Je l'ai écrit à de multiples reprises : ce qui se passe aujourd'hui est le retour du refoulé, et le peuple fut, en l'espèce, le refoulé. Ceux qui sifflent sont le fruit de ce pourrissement. Et ce pourrissement fut organisé de conserve par les actuelles majorité et opposition, à commencer par l'actuel normal président. Il faut être d'une mauvaise foi ou d'un aveuglement sans bornes pour ne pas s'en rendre compte (1). Cet affreux détournement du suffrage universel, ce mépris souverain de la représentation nationale (on en a frappé d'indignité pour à peine moins) auraient pu passer si les années qui ont suivi avaient été roses, si le triomphe démocratique et économique avait été un démenti pour ceux qui avaient  voté non. Il n'en est rien. L'expression du refoulé ne fait que commencer, et, ce qui peut effectivement inquiéter, dans une région qui fut longtemps un bastion de la pensée socialo-européenne ...

    Il est néanmoins intéressant de voir un premier ministre vouloir jouer le maréchal en chef d'un retour à l'ordre. Sans doute les sifflets sont-ils un délit dont il peut aisément circonscrire le danger. C'est toujours plus facile que la violence endémique des banlieues, le désarroi des campagnes, les trafics en tous genres et de laisser la République se faire ridiculiser par une écolière qui sèche un jour sur deux. Maréchal en chef est d'ailleurs un titre un peu gonflé. Mais cette soif de circulaires et de directives fait sourire : devant le désarroi, reste le paravent bureaucratique. Encore qu'à ce jeu, on puisse finir par craindre pour nos libertés publiques, à commencer par le droit d'expression.

    La République du quotidien l'attend, elle, sur bien d'autres plans : économique, social, budgétaire... Mais aussi sur la sécurité, le respect de la laïcité, le combat contre le communautarisme. Elle l'attend au tournant. Encore qu'elle en ait déjà assez vu.


    (1)Mais en entendant le premier ministre s'indigner de l'intervention d'un député d'opposition et demander si ce dernier remet en cause la légitimité du normal président et en conséquence la légitimité du suffrage universel, on n'est plus dans la mauvaise foi : on est, étymologiquement, dans l'ignoble. Comme quoi, la majesté républicaine ne vole pas haut...

     

    Photo : Darcy Padilla 

  • già via Porta Ticinese

    PORTA TICINESE (ed SAEMEC).JPG

     

    Dans le centre de Milan, la via Porta Ticinese a un petit côté rebelle. Certes, comme on le sait désormais, la rébellion est plus un jeu qu'autre chose. Elle est une posture possible, sous contrôle et sans réel avenir. C'est une manière de se raconter des histoires et de faire durer le plaisir de la marginalité et de l'adolescence. La via Porta Ticinese a donc ses graffitis, ses tags, ses panneaux revendicatifs, ses murs barbouillés, où quelques récalcitrants, peut-être inspirés pour certains par Basquiat, vitupèrent et font du social.

    Il n'y aurait rien de très mémorable si tout au long de cette rue, sous les plaques municipales qui en rappellent l'identité, un inconnu (ou un groupe) ne l'avait rebaptisée avec un à propos qui dépasse les coups de balais habituels. Ainsi lit-on : via dell'ironia. Non è una conseguenza ma una necessità. Rue de l'ironie. Ce n'est pas une conséquence mais une nécessité.

    On a tant d'appellations en forme d'hommage (Jaurès, de Gaulle, Jeanne d'Arc,...) ou déterminés par l'environnement (l'église, le marché, le pont,...) qu'on remarque cet écart par le choix même du mot : l'ironie. Imaginons que nous introduisions ainsi une réalité moins monumentale, topographique ou historique. Rue de la métaphore, boulevard du mensonge, avenue de la gourmandise, impasse du péché (forcément...), place de la fatigue, allée du courage, square de la soif...

    Pour l'heure, c'est l'intrigant décalage que le commentaire qui fait le sel de l'affaire, puisqu'il oriente l'ironie dans un sens facétieux. Pas une conséquence mais une nécessité. Qu'est-ce à dire ? Qu'il ne faut pas découvrir l'ironie ou en user quand les nuages s'accumulent, que l'inquiétude gagne et que le découragement s'intalle. Si être ironique devient un choix en désespoir de cause, il y a fort à parier que toute parole sera amère. L'ironie sera atrabilaire au pire, mélancolique au mieux. Elle aura à sa façon reconnu, pour qui y recourt, la défaite consommée. Ironique, à ce titre, pointe la paralysie. Elle est un trait d'esprit, quand la matière politique a pris barre sur l'esprit.

    Mais le poète de la via Porta Ticinese voit les choses autrement. L'ironie est une nécessité. Elle est là avant que tout se joue, comme un étai majeur à l'avancée dans la vie. Elle n'est pas une saillie brillante et drôle mais une tournure profonde de l'âme pour neutraliser l'ordre et se faire un chemin dans le labyrinthe de la vie. L'inconnu qui a placardé une telle revendication donne une magnifique leçon d'optimisme.

     

     

    Photo : SAEMEC

  • Subversion/soumission

    publicité,nike,commercialisation de l'espace,politique,branding,swoosh,contestation,11 septembre,tag



  • De l'atonie en milieu tempéré

     

     

    J'ai déjà expliqué l'an dernier l'inquiétude que m'inspire la structure Facebook comme dispositif sournois d'une société de/sous surveillance, forme moderne d'une politique de contrôle qu'avait théorisée Foucault. Ce réseau social -mais il n'est pas unique en son genre- contraint, avec une certaine finesse il faut le reconnaître, les individus (les jeunes surtout), au-delà du conformisme des pratiques qu'on y trouve, à un fichage inavoué/inavouable, prouvant au passage que les listings économiques et sociaux pouvaient s'avérer autrement plus efficace que les fichiers policiers.

    Pour l'heure, néanmoins, mettons un bémol à nos critiques. Les divers observateurs, et les témoignages directs, ont en effet souligné quelle place avait prise Facebook (entre autres, certes) dans la mobilisation populaire, aussi bien en Tunisie qu'en Egypte, dans certains pays du Golfe, et aujourd'hui au Maroc. Le réseau social a facilité les rencontres, les échanges, les rassemblements. Il a été un moyen efficace pour contrer la répression et le contrôle des individus. En permettant aussi d'ouvrir vers l'extérieur une parole étouffée, d'exfiltrer des images qui démentaient l'optimisme des pouvoirs en place, Facebook a pu aider à ces mouvements d'émancipation (dont il n'est pas ici temps d'analyser le futur. Il n'est pas certain que l'avenir soit si magnifique...).

    Cette situation et ce détournement à des fins clairement politiques d'un instrument de pacification, pour ne pas dire de neutralisation, de l'espace public, feront sans doute rêver les observateurs d'une Europe aveugle et sans souffle. L'usage purement festif qui est fait ici de ce réseau social, sa réduction en un outil de pure signalétique existentielle, en disent long sur le manque de vigueur d'une agora politique exsangue. Que Facebook ne soit que l'agenda grotesque d'une société qui compte ses amis, étale ses vacances et bavarde de néant montre à quel point l'entreprise d'acceptation d'un ordre inégal, producteur de misère et de précarité, a réussi. Peut-on imaginer qu'il soit dans l'hexagone une arme structurelle pour une révolte des laissés-pour-compte de l'ultra-libéralisme ? Ne soyons pas naïfs. Dans ce système, chacun cherche désormais son ilôt, son utopie. C'est ainsi que la futilité devient une manière d'être ou, tout du moins, une stratégie d'évitement et de préservation. Croyant que le si peu que nous ayons soit à perdre vaille le coup, nous nous plongeons sans réserve vers une sociabilité dépolitisée. Facebook, en Europe, est pour l'essentiel, un bonheur de bien-nourris (même s'ils sont pauvres...), la signature devenue universelle d'une existence normée/normale. Il est un loisir, une distraction, un divertissement pascalien. Nous ne sommes plus capables, à l'inverse de Tunisiens pour qui le joug était alors insupportable, de mobilisation. Quoique ce ne soit pas tout à fait vrai. Les apéros géants : voilà, semble-t-il, une autre manière de faire de la politique... Il faut donc croire alors que la crise est une illusion, un jeu de miroirs et que tout va très bien. Quand certains luttent, d'autres font la fête. Ce n'est pas tant le médium qui est en cause que leurs utilisateurs. Ici, il n'y a pas d'urgence. Tout va bien, très bien...

     

  • Un jour, la confusion...

     

    Il m'est arrivé l'an dernier d'avoir à passer dans l'enceinte d'une université alors que la gente estudiantine pratiquait la Contestation (oui, pratiquait, comme on le dit d'un sport). Et d'enceinte, il était bien question puisque les Rebelles avaient pris possession des lieux et barricadé toutes les entrées. Me retrouvant un temps dépourvu, je rencontrai un jeune homme qui avait fait près de quatre-vingts kilomètres pour régler, lui aussi, un problème administratif. Aussi avait-il, plus que moi, l'envie d'arriver à ses fins. C'est ainsi que nous nous encourageâmes à escalader un empilement de chaises et de poubelles et pour un instant au sommet de la barricade nous fûmes des Gavroches ridicules dans un petit matin en lutte. Heureusement, il n'y avait derrière nul fusil, nul service d'ordre musclé pour repousser les deux assaillants. On regrette toujours après coup de n'avoir pas à raconter un morceau de bravoure mais il faut être objectif. Néanmoins, le spectacle que j'allais pendant quelques secondes contempler valait le déplacement. Je tombais au bon moment du happening gauchiste tel que je n'en avais plus revu depuis mes années universitaires. Avec trois points que je n'oublierai pas.

    Dans la grande cour intérieure, c'était branle-bas de combat. Une assemblée générale. Les si fameuses AG de l'affirmation d'adultes en devenir (encore que les dernières transformations socio-culturelles du siècle achevé et de celui qui suit inciteraient à penser que nous glissons lentement vers une post-adolescence sans fin assez contradictoire avec l'instauration d'une violence sociale généralisée. Grand écart aux coûts humains exorbitants à long terme, dont nous-mêmes, plus âgés, connaissons déjà le prix, tant nous habite une mélancolie diffuse, mais qui vaudra à nos cadets des effets bien plus lourds, je le crains.). Ne faisant que frôler la fourmilière pensante d'un avenir combatif et militant, j'entendis celui qui devait être un leader, vraisemblable petit trotskyste testant son aura en vase clos (pour vérifier si déjà dans l'œuf il y avait de quoi faire de lui une figure politique capable de faire carrière, plus tard, quand il serait, dirait-il, revenu aux principes de réalité, de faire carrière dans l'annexe institutionnalisée grand format qu'est le Parti socialiste (belle usine à recyclage des lendemains de la Révolution)). Et ce leader, croyez-le lecteur/lectrice, répondant à une sollicitation que je n'avais pas entendue, disait : «ouais, mais non, on peut très bien mettre bourgeois, ouais, bourgeois». Diantre, le mot vulgaire dans sa bouche, pas loin du crachat. Moi qui suis un petit-bourgeois tremblais qu'ils se retournassent devant l'intrus et qu'ils finissent par me lyncher, histoire de se faire la main. Mais, bientôt l'idée me parut saugrenue, quand je contemplai le parterre présent : le code vestimentaire mode, sans trop le faire, la posture étudiée de certaines étudiantes fumant leur cigarette, les rebelles à la mèche surveillée, les skate-boarders de l'arrière-banc. Quelque chose qui me faisait moins penser à une manifestation contestaire qu'à un grand rendez-vous post-bac, pour fêter la réussite à un examen qu'on donne à tout le monde. Sauf que nous n'étions pas en juin. Il faisait plus froid. Donc : bourgeois. Je ne suis pas resté pour savoir ce qu'il allait en faire, de ce vocable honni, de cette entité effroyable derrière laquelle ils devaient, comme un énoncé performatif, signifier l'acte qu'ils étaient, eux, pas bourgeois mais marginaux, en lutte, justes et convaincus. Il n'aurait pas été sans intérêt de leur dire que le bourgeois n'est pourtant plus ce qu'il était, que les temps changent et que les règles du néo-libéralisme se durcissent envers cette partie commune de la population qui inclut les bénéficiaires des époques d'expansion. Ceux-ci commencent aussi à payer le prix des lois du marché. Les écarts de revenus s'accroissent à une vitesse assez impressionnante et la prolétarisation des couches intermédiaires est une réalité qui devrait les faire réfléchir sur le monde dans lequel ils évoluent. Mais il n'est pas sûr que le conformisme moral vers lequel revient la jeunesse ne soit pas le signe masquant une aspiration plus grande encore que fut la nôtre à croire qu'ils finiront bien par se faire un chemin dans la jungle. En attendant, ils en restaient à des classifications soixante-huitardes. Il faut dire que le trotskysme universitaire n'a jamais brillé par sa réactualisation.

    Deuxième étage de la fusée dialectique et révolutionnaire : un grand drap tendu sur lequel était inscrite une citation de Bertold Brecht, sur la liberté. Je n'ai plus souvenir de l'intitulé exact mais la référence suffit, comme une mise en abyme du petit cirque auquel j'assistais. Fallait-il voir dans cet appel à l'homme de la distanciation un clin d'œil au jeu dont ils se faisaient les acteurs ? Brecht. Dramaturge ennuyeux au possible, aux procédés si démonstratifs que l'on se demande comment on peut encore le jouer. Sorte d'éléphant dans un magasin de porcelaine, à l'esthétique militante contre laquelle on échangera trois lignes de Sophocle. Je suppose que ce sont ses faits d'arme politiques, entre autres son Arturo Ui poussif mais tellement efficace (dans le sens où il donne paradoxalement le droit au lecteur -et aux spectateurs- de s'absenter tant l'inquiétude en a été congédiée), qui lui valaient ces honneurs. Il fallait donc que j'en déduise l'urgence du combat, l'imminence insurrectionnelle. Ce grand drap blanc était en quelque sorte l'étendard de leur conscience, la manière effectivement très distanciée de signifier la profondeur de champ de la photographie qu'ils tiraient de la situation présente. Brecht. Exploités du monde, dans la transcendance temporelle, nous nous retrouvons. Nous avons nos hérauts. Brecht. Parce que Marx n'est pas assez littéraire (car l'enceinte était lettrée, j'avais oublié de le préciser) ? Ils auraient pu choisir, s'il leur fallait à tout prix un dramaturge, une citation de Michel Vinaver, d'Edward Bond ou de Lars Norén. Restons-en à Brecht.

    Cela, c'était en quelque sorte la caution historique et culturelle. Mais ils sont aussi de leur temps, conscientisés par les misères du monde, fussent-elles passées au tamis du politiquement correct. Il y avait donc, à côté de la prose brechtienne, deux drapeaux palestiniens. À quoi servaient-ils, que signifiaient-ils ? Bien sûr, lecteur/lectrice, je ne vous cacherai pas mon étonnement (un peu feint, malgré tout. Ils sont tellement prévisibles) devant cette irruption moyen-orientale au milieu d'un débat de réforme universitaire très franco-français. Je m'expliquai alors mieux les barricades. Le pouvoir était dehors et eux, enfermés ici par la volonté d'être libres (je le reconnais, l'effet stylistique est un peu facile), demeuraient dans cet îlot, coupés du monde. Une sorte de bande de Gaza, peut-être. Les gauchistes ont toujours aimé les keffiés.

    Je plaisante mais cela ne me fait pas rire. Les bourgeois et Brecht, c'est du risible. Le drapeau palestinien, c'est consternant (et je reste très en deçà...). C'est pratiquer l'amalgame, le réductionnisme politique jusqu'au point de non-retour. Oui, disons-le : de la connerie brute. C'est, dans un élan de pur (!) sentimentalisme, assimiler sa lutte de petit(e) étudiant(e) nanti(e) à celle d'une population au territoire incertain (évidemment, je peux le dire puisque en se plaçant à l'échelle du monde, ces penseurs magnifiques m'autorisent à toutes les comparaisons, à tous les rapprochements honteux. Je joue le jeu.). Et si je prends alors à la lettre le signifié de leur rapprochement, je dois alors les considérer en fonction de la situation à laquelle ils se réfèrent, et ce n'est plus consternant mais proprement abject. La solidarité, quand elle est déplacée dans son affirmation, est moins un acte de compassion qu'un retournement sans dialectique, nombriliste et pour le coup le fruit d'un esprit petit-bourgeois tel que Flaubert en a recueilli les perles dans son Dictionnaire des idées reçues. Je plains le Palestinien qui souffre des conditions qui lui sont faites là-bas, d'avoir ainsi le soutien de gens qui le mettent à toutes les sauces. Mes conditions d'inscription à la fac, c'est comme les tracas administratifs du Palestinien qui travaille en Israël : il faut une certaine dose de cynisme pour oser poser une telle équation. Je suppose que dans la masse qui était là, beaucoup ne pensaient pas cela mais personne n'avait eu la décence de demander qu'on les décrochât, ces drapeaux, et qu'on les gardât pour des moments plus appropriés.

    D'ailleurs, ceux qui les avaient accrochés (entendons : les quelques-uns qui en avaient vraiment pris l'initiative), quel était leur dessein, sinon celui, rance, et mille fois réactivé, d'un antisémitisme, sous couvert d'un antisionisme de circonstances, et dont il faut dire qu'il n'est pas, loin s'en faut, l'apanage des fascistes de service ? Qu'on ne s'étonne pas que nombre de recrues d'extrême-droite aient fait leurs classes à l'autre bord de l'échiquier politique. Je les ai vus faire jadis. Ils n'ont pas changé. Ils ressortent les mêmes antiennes, trempant parfois leur encre jusqu'au puits du Protocole des sages de Sion. La Palestine est leur leitmotiv. Peu importe les entités qu'on y associe. Non qu'ils se sentent si proches de ceux qui y vivent, non qu'ils en connaissent l'histoire (et pour l'avoir déjà expérimenté, on reste pour le coup abasourdi devant leur cécité quant à l'épisode du septembre noir de 1970, quant aux conditions faites dans certains pays arabes aux travailleurs palestiniens) mais la haine du Juif est telle qu'ils en font l'alpha et l'omega de leur prétendue pensée et qu'ils la mettent en scène dès que l'occasion se présente. Et c'en était une, visiblement.

    Devant ce mélange des genres, je pense à Jarry et à son décervelage ubuesque.