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république

  • La croisée des chemins

    Hier un homme a été tué. Un vieil homme. Il a été martyrisé. Non pas parce qu'il était français, non parce qu'il était un citoyen, mais parce qu'il était catholique. Sa qualité de prêtre accroît pour certains l'indignation ; c'est néanmoins faire de l'habit un faux argument pour évacuer le sens profond de cette abomination. J'aimerais qu'on entende bien en le disant ce que signifie cette phrase : un homme est mort parce qu'il était catholique. Qu'on la dise avec la même intensité que lorsqu'on rappelle qu'un homme est parce qu'il était juif, par exemple. Ainsi articulée, avec la lenteur qu'elle requiert pour chacun des termes qui la composent, on mesure toute la portée de ce qui se trame. L'ennemi profond des islamistes, c'est le christianisme, et plus particulièrement le catholicisme. Il l'est depuis la nuit des temps théologiques. Si l'on ne veut pas entendre toute la portée de cette menace, nous disparaîtrons ou nous serons réduits à l'esclavage. L'Autre, si cher à Lévinas, mais d'abord au message évangélique, sera éradiqué, comme l'ont été les chrétiens d'Orient et du Maghreb (essayez d'être chrétien en Algérie...).

    Mais il ne suffisait pas que le crime se fasse à l'autel, il fallait que la victime soit salie post-mortem. La république maçonnique qui nous gouverne, dont la haine pour le prêtre, est une des pensées majeures, encourageant la déchristianisation de la France, la déshistoricisation de sa population, réduisant notre passé à deux siècles de marchandages, d'obscurantisme positiviste (1), celui-ci a osé, hier soir, par la voix de son maître, affirmer que ce crime, c'était "profaner la République". Profaner ? Comment cela se peut-il ? Qu'y a-t-il de sacré dans ce régime dont l'histoire est un tissu d'inepties, une collection d'ignominies et un tableau de racailles corrompues (2) ? Où y a-t-il une quelconque spiritualité dans le jeu des pouvoirs et d'un régime qu'un profiteur éhonté dont se réclame l'actuel thuriféraire en chef qualifia de coup d'état permanent ? Comment le mépris du peuple par des gens de peu pourrait-il être sacré ? Si, au moins, à défaut de miracles, on avait au sommet de l'état Marc-Aurèle ou Cincinnatus, nous aurions moins de dégoût. Mais ce n'est pas le cas.

    On sent bien la gêne et les tentatives pour déminer le terrain. Mais ce ne sont que de piètres dialecticiens et Valls fait un aveu indirect quand il dit craindre une guerre de religions. Comment est-ce possible dans une République laïque que, paraît-il, le monde entier nous envie sans que nul ne veuille en faire le fondement de sa pensée politique ? Il est vrai que la laïcité en question a d'abord été une arme pour détruire l'église catholique et si elle avait mis autant de zèle à mater ces trente dernières années les exigences politiques de l'islam qu'elle en a mis pour pétrifier la pourpre cardinalice, nous n'en serions sans doute pas là.

    Ceux qui pensent que le chapelet des valeurs républicaines impressionne des engagés qui placent Dieu hors de tout sont des idiots, des fous dangereux. On n'oppose pas à une revendication politique confondue avec des appuis spirituels (dont je ne discute pas ici la pertinence. Ce qui prime, c'est la logique combinatoire) des principes matérialistes et bassement juridiques par lesquels nous nous affaiblissons terriblement (3). Après le Bataclan, le leitmotiv était superbe : "nous retournerons au concert et nous siroterons à nouveau en terrasse." Voilà  de quoi durcir la démocratie, politiser les foules et rendre spirituels le troupeau d'abrutis festifs qui rythment leurs existences avec Facebook, Instagram, Pokemon-Go, les Nuits sonores, Harry Potter, les rails de coke, Adopteunmec et j'en passe, dont le rapport au monde n'excède pas le temps de leur propre mémoire, et qui disent ce qu'ils pensent avec d'autant plus de facilité qu'ils ne pensent rien.

    Nous ne pourrons éternellement nous aveugler, en réduisant la spiritualité à un choix consumériste et prétendument démocratique, où le religieux est soit une grossièreté, soit un paramètre de l'expression individuelle : aujourd'hui bouddhiste, parce que c'est tendance, comme le tatouage, demain animiste, après-demain macrobio ou je ne sais quoi, au gré de l'influence des gens qui comptent ou des progrès de la science qui anéantit l'homme par le biais de la bio-politique (4).

    Il y a un siècle et un peu plus, à des titres divers, Bloy, Barrès, Huysmans, Proust ou Péguy sentaient le gouffre d'un abandon pluri-séculaire. Mais sans doute est-ce déjà Chateaubriand, à la fin des Mémoires, qui sonnait avec ardeur le tocsin, ce cher Chateaubriand dans la prose duquel, pour l'heure, je me réfugie. Voici ce qu'il écrit, dans le quatrième tome de son œuvre majeure. Le chapitre s'intitule "L'idée chrétienne est l'avenir du monde".

     

     

    "En définitive, mes investigations m'amènent à conclure que l'ancienne société s'enfonce sous elle, qu'il est impossible à quiconque n'est pas chrétien de comprendre la société future poursuivant son cours et satisfaisant à la fois ou l'idée purement républicaine ou l'idée monarchique modifiée. Dans toutes les hypothèses, les améliorations que vous désirez, vous ne les pouvez tirer que de l'Evangile.

    Au fond des combinaisons des sectaires actuels, c'est toujours le plagiat, la parodie de l'Evangile, toujours le principe apostolique qu'on retrouve: ce principe est tellement ancré en nous, que nous en usons comme nous appartenant; nous nous le présumons naturel, quoiqu'il ne nous le soit pas; il nous est venu de notre ancienne foi, à prendre celle-ci à deux ou trois degrés d'ascendance au-dessus de nous. Tel esprit indépendant qui s'occupe du perfectionnement de ses semblables n'y aurait jamais pensé si le droit des peuples n'avait été posé par le Fils de l'homme. Tout acte de philanthropie auquel nous nous livrons, tout système que nous rêvons dans l'intérêt de l'humanité, n'est que l'idée chrétienne retournée, changée de nom et trop souvent défigurée: c'est toujours le Verbe qui se fait chair !

     Voulez-vous que l'idée chrétienne ne soit que l'idée humaine en progression ? J'y consens; mais ouvrez les diverses cosmogonies, vous apprendrez qu'un christianisme traditionnel a devancé sur la terre le christianisme révélé. Si le Messie n'était pas venu, et qu'il n'eût point parlé, comme il le dit de lui-même, l'idée n'aurait pas été dégagée, les vérités seraient restées confuses, telles qu'on les entrevoit dans les écrits des anciens. C'est donc, de quelque façon que vous l'interprétiez, du révélateur ou du Christ que vous tenez tout; c'est du Sauveur, Salvator, du Consolateur, paracletus, qu'il nous faut toujours partir; c'est de lui que vous avez reçu les germes de la civilisation et de la philosophie.

    Vous voyez donc que je ne trouve de solution à l'avenir que dans le christianisme et dans le christianisme catholique; la religion du Verbe est la manifestation de la vérité, comme la création est la visibilité de Dieu. Je ne prétends pas qu'une rénovation générale ait absolument lieu, car j'admets que des peuples entiers soient voués à la destruction; j'admets aussi que la foi se dessèche en certains pays: mais s'il en reste un seul grain, s'il tombe sur un peu de terre, ne fût-ce que dans les débris d'un vase, ce grain lèvera, et une seconde incarnation de l'esprit catholique ranimera la société.

    Le christianisme est l'appréciation la plus philosophique et la plus rationnelle de Dieu et de la création; il renferme les trois grandes lois de l'univers, la loi divine, la loi morale, la loi politique: la lois divine, unité de Dieu en trois essences; la loi morale, charité; la loi politique, c'est-à-dire la liberté, l'égalité, la fraternité.

    Les deux premiers principes sont développés; le troisième, la loi politique, n'a point reçu ses compléments, parce qu'il ne pouvait fleurir tandis que la croyance intelligente de l'être infini et la morale universelle n'étaient pas solidement établies. Or, le christianisme eut d'abord à déblayer les absurdités et les abominations dont l'idolâtrie et l'esclavage avaient encombré le genre humain."

     

     

    (1)Je renvoie par exemple au clip de campagne de l'anaphorique présidence pour qui tout commence à la Révolution, à ce moment béni où l'on massacra justement des prêtres...

    (2)Le lecteur aura le loisir de se pencher sur ce que furent les scandales, les compromissions et les basses œuvres du pouvoir depuis 1870. L'exemplarité républicaine à l'aune des III et IVe versions, voilà bien une sinistre escroquerie.

    (3)C'est la ligne de conduite de l'insuffisance présidentielle : ne pas sortir des valeurs de liberté dont nous serions les porteurs universels. Dès lors, pourquoi un état d'urgence ? Pourquoi jouer sur les mots, quand l'état d'exception est, depuis longtemps, la règle, au profit exclusif d'intérêts privés et commerciaux ? Mais je doute fort que l'énarchie au pouvoir ait lu Carl Schmitt, et moins encore Giorgio Agamben.

    Quant à un exemple de faiblesse, sur le plan juridique : une preuve grandiose. La condamnation de la Norvège dans le procès que Breijvik a mené contre ce pays, pour traitement inhumain. Il est certain que c'est inadmissible de vouloir brusquer un individu qui pratique la tuerie collective et le salut hitlérien !

    (4)Dont Foucault (quel paradoxe !) esquissa l'horreur. Mais depuis, il y a mieux à lire : Giorgio Agamben ou Céline Lafontaine., par exemple.

  • Anti-républicain

    Souvenez-vous... C'était il y a dix ans. Le non à la constitution ultra-libéral des collabos gaucho-centro-verts gagnait avec près de 55 % des voix. En vain.

    Parce que cette même alliance déconfite passait outre et, en congrès, c'est-à-dire en catimini, selon des procédures de république bananière, s'arrogeait de s'asseoir sur ce que nous avions choisi.

    Le débat sur le droit ou non des sarko-traîtres de s'appeler  Républicains m'indiffère et l'acharnement de ses opposants à vouloir lutter contre cette confiscation (ou hégémonie, c'est selon) me fait doucement rire. Je ne suis pas républicain, plus républicain parce que je ne mange pas avec le diable, même avec une grande cuillère. Je conchie la république, purement et simplement. Et tout le battage qui est fait par ses sous-traitants, de droite comme de gauche, de Mélenchon à Juppé, des socio-démocrates aux frondeurs roses (1) est d'un ridicule consommé.

    On comprend fort bien que depuis 2005 toute cette engeance fait du mot "république" son sésame pour dire qui est bon et qui est mauvais. Il s'agit à la fois de masquer le vide démocratique qui la constitue et de mettre au ban ceux et celles qui en contestent ou en dénient la valeur. Être anti-républicain, c'est être fasciste (et pire encore, sans doute, selon l'achèvement de toute discussion au point de Godwin). Il n'y a pas à revenir sur le sujet.

    Et pourtant si ! Je suis anti-républicain puisque cette république depuis dix ans est un coup d'État effectif, un vol démocratique qui a ouvert à cette magnifique prospérité-sécurité-fraternité qu'on nous avait vendue comme un miracle constitutionnel. Être anti-républicain, c'est revendiquer le droit d'exister politiquement et ne pas s'en remettre au temps pour dire que ce qui est passé est passé. On me dira qu'il faut savoir faire avec, aller au delà. Certes, cela pourrait s'envisager si cette même république, cette même claque bouffonne ne remettait sur le tapis le passé de mon pays, sur un mode culpabilisant, dans une langue que l'on doit policer à l'extrême sous peine de procès. Alors, si d'aucuns ont le droit de remonter aux calendes grecques pour demander des comptes à mon pays, il n'est pas interdit de vouloir en demander à ceux qui, toujours en place, nous ont politiquement bafoués.

    Le vote piétiné, le droit de ne rien dire (ou presque) : on aurait compris qu'en d'autres époques cela suffisait pour être anti-fasciste. Être anti-républicain, c'est être un anti-fasciste actuel. Ni plus ni moins. Cela n'a rien à voir avec une quelconque filiation avec l'extrême-droite ou des partis dits radicaux. La question du vote n'a rien à voir avec la présente situation. Le problème tient à ce qu'on ne peut accepter pour du droit ce qui est éthiquement condamnable. Ils n'ont que le droit qu'ils ont su manipuler. Nous avons la légitimité, légitimité suspendue par un procédé inique (mais prévu).

    La souveraineté, disait il y a plus de vingt ans Philippe Séguin, ne se discute pas, ne s'affaiblit pas. Elle est, ou elle n'est pas. Mon anti-républicanisme vient de cette rupture brutale que représente le vote en Congrès, en 2007, du traité de Lisbonne. Et ils y étaient tous, ces gras et gros, ces ventripotents, ces omnipotents qui battent la campagne en nous faisant croire qu'ils s'écharpent, qu'ils se détestent, que la gauche et la droite, ce n'est pas la même chose.

    Mais l'Histoire prouve le contraire, et sans doute cela justifie-t-il que l'on travaille à l'amnésie populaire...

    (1)Lesquels sont les exemples caricaturaux de cette république qu'on veut nous vendre. Rien dans le ventre, rien dans la tête. Mais un art savant de se faire mousser et de jouer à "retenez-moi ou je fais un malheur", art grotesque à quoi se réduit la démocratie formelle de ce monde-là... Les sieurs Paul ou Guedj sont, d'une certaine façon, pires que Valls. Ce sont des faussaires moraux.

     

  • Le Bien commun

     

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    Au milieu du discours vide et présidentiel d'un lendemain de déroute électorale, il y a cette phrase : « la République est notre bien commun ». Et comme si elle ne suffisait pas : « Je ne laisserai aucune de ses valeurs être abîmée ou froissée, où que ce soit sur le territoire national. »

    Combien est consternante cette affirmation républicaine (forcément républicaine...) sonne creux, sans doute parce que la petite morale de gauche s'est tellement emparée de la République qu'elle en a vidé la substantifique moëlle. La République n'est pas une essence intangible ; elle n'a pas la vertu d'incarner notre histoire et notre devenir. La République socialo-hollandaise est une parole rétrécie à quelques symboles qui ne fonctionnent plus. En l'évoquant ainsi, il invoque les mannes révolutionnaires, les heures choisies d'une résistance magnifiée et trompeuse. Si la République est notre bien commun, alors notre bien commun est pourri. Elle n'est plus que l'état transitoire d'une vitalité qui devient cadavre. La République n'est pas un en-soi, surtout lorsqu'elle a vu fleurir les comportements mafieux, le népotisme ministériel, l'incurie et l'incompétence. Il n'est même pas nécessaire de donner des exemples : la désaffection des abstentionnistes suffit à définir le dégoût.

    Les républicains, c'est-à-dire ceux qui désormais transforment un régime politique particulier en finalité quasi divine, les mêmes républicains, qui utilisent l'ordre symbolique de la Révolution française pour interdire de penser autrement, ces mêmes républicains sont des cuistres, des vaniteux, des petits-maîtres ridicules.

    La République n'est pas un bien, c'est un instrument, une méthode, et, arrivé au point où nous en sommes, une chaîne. Une chaîne d'autant plus lourde qu'elle est devenue le bien propre de ceux qui s'en prévalent, leur chasse gardée, au point qu'ils s'indignent de leurs revers électoraux.

     

    Mais, pour celles et ceux qui sont pour un temps partis loin de ce pays, ce n'est pas à la République qu'ils pensaient. Eût-elle été une monarchie constitutionnelle ou une simple démocratie populaire qu'ils n'eussent pas éprouvé un sentiment dissemblable à celui qui les animait quand, dans un avion retraversant l'Atlantique, à l'annonce que dans vingt minutes ils atterriraient à Roissy, ils se disaient qu'alors, quoi qu'il advînt (explosion en vol ou crash sur la piste), ils mourraient en France.

    Ce n'était pas la République à laquelle ils demandaient ce sentiment ; ce n'était pas pour elle qu'ils étaient traversés de telles émotions, mais pour le pays, la nation, le sol. Pour cette certitude du lien qui vous fait sentir la limite, la frontière, la différence du bosquet français et de la haie belge, de l'enclos français et de la pâture espagnole, du buron hexagonal et de la cabane transalpine. Pour cette épreuve épidermique que sont les traversées de la Beauce et de la Bourgogne, pour l'ineffable de l'enclos paroissial de Lampaul-Guimiliau, pour l'humide forêt au-dessus de Charleville-Mézières, pour les marais vendéens, pour la montée si douce vers Saint-Agnès, pour la bascule des toitures d'ardoise vers celles de tuiles.

    La vue, le sensible des architectures, les clochers de Martinville, la brume qui se lève sur le mont Aigoual ou les nuages paisibles au-dessus de Trigance, mais aussi les odeurs, le salé de la baie de Cancale ou l'humide automnal du Tronçais ; mais aussi le goût, entre l'andouille de Vire et les tielles sétoises ; mais aussi le rythme, entre l'ennui de la gare de Mézidon et une nuit passée dans un wagon à Chambéry ; mais aussi le bruit craquant du bois qui brûle face à la mer, sur une plage rhétaise ou celui d'une passée aux canards, en Brenne ; mais aussi, mais aussi, mais aussi, jusqu'à ce que l'envie de dormir ne vienne suspendre la présence infinie du territoire, de la nation en sa force magistrale, qu'aucun ordre, fût-il républicain, ne pourrait épuiser.

    Notre bien n'est pas dans la litanie des articles constitutionnels dont se gargarise le locataire éphémère de l'Élysée, lequel locataire devrait se rappeler que l'endroit fut un temps un garde-meubles. Notre bien n'est pas dans la parole vaine d'un petit concierge ensuffragé. Notre bien est dans ce qui ne se dicte pas, mais dans ce qui s'éprouve, dans cette différence qu'on veut nous retirer au profit d'une différence qui anéantit tout, d'un mondialisme dont la République présente est une collaboratrice zélée.

    Notre bien est dans ce par delà l'envie d'être français qui ne se décrète pas, parce qu'il est une part indéfectible de nous-mêmes. La République est devenue pour certains une affaire de papiers, de droits, d'indemnités et de prébendes. La Nation, c'est bien plus...

    Cela sonne évidemment très barrésien, et c'est donc fort suspect (1). Alors soyons suspect... (2)

     

    (1)Pour celles et ceux qui veulent les échos barrésiens d'Off-shore, c'est ici, , , encore, et pour finir, là...

    (2)Mais ce n'est pas moi, au demeurant, qui ai défini Barrès comme le premier intellectuel français. Il faut lire Michel Winock, qu'on ne peut soupçonner de complaisance à l'égard de cet écrivain.

     

    Photo : Yannig Hedel

  • De la terreur par la rhétorique (I)

    Jean-Marc Ayrault ayant gonflé ses pectoraux pour signifier la République en danger et donner des ordres pour châtier les séditieux, Christiane Taubira ayant déterminé les bons et les mauvais Français, selon une logique qui fixe la Révolution française comme étoile unique de l'Histoire nationale, la logorrhée gouvernementale a continué cette semaine avec Peillon, qui, devant la catastrophe de sa réforme des rythmes scolaires et le refus de certains maires, s'est fendu d'un commentaire qui mérite qu'on le cite :

    « Il y a 36 000 maires en France, on a 50 maires qui s'essaient à une petite délinquance civique, j'espère qu'ils vont rapidement reprendre leurs esprits. »

    Tout est aujourd'hui prétexte à l'outrance dramatique, au délire lexical, à la mayonnaise hystérique. C'est l'insulte sous couvert d'une vertu personnelle outragée. La majorité au pouvoir se croit à ce point investi d'une mission que son vocabulaire et les moyens qu'elle met (ou veut mettre) en œuvre signent sa vanité. Ils se dressent ainsi selon un ordre symbolique qui impose une alternative fracassante : eux ou le chaos. Au-delà de l'excès et de la démesure, l'hybris des Grecs, cette posture masque la violence qu'ils cherchent à imposer à une population qui tente encore de réagir. Sous-fifres laborieux d'un libéralisme intégral nécessitant la perte de tous les repères de civilisation et l'inscription territorial et historique, enjoignant un multiculturalisme assassin et nomade comme mode idéal du marché, ils forcent le pas et tous leurs opposants sont immédiatement assimilés à des dangers qu'il faut éradiquer. Cinquante radars brûlés et c'est la mobilisation générale, une grossièreté sur internet et la France devient un pays honni, cinquante maires contestant une réforme absurde et ce sont des délinquants, des voyous. Contester Peillon ou trafiquer de la coke, une simple nuance d'objet...

    Le propre des régimes fascisants tient à ce que ceux-ci désincarnent le moindre opposant pour le métamorphoser en ennemi ; le propre des régimes fascisants est de fonder leur légitimité non sur le suffrage universel mais sur celle du tout ou rien, du eux ou nous, et du nous, évidemment, un nous hypertrophié et délirant. Voilà où nous en sommes. Et puisqu'il faut choisir, entre eux et le chaos, je choisis le chaos...

  • Grosse ficelle (pour attacher un sifflet)

     

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    Les sifflets à l'adresse du normal président, lors des cérémonies du 11 novembre, étaient-ils une insulte à la République ? Pour certains cadres (j'aime ce mot...) du PS, il semble que oui. Ils l'écrivent dans une tribune parue dans Libération, mélangeant ces incidents avec d'abjectes insultes effectivement racistes, dans une logique de l'amalgame dont les éduqués troskystes ont depuis longtemps le secret.

    La goutte de trop, devant ces assauts multiples : les fameux sifflets, qui, en quelque sorte, auraient rompu la digue de la convenance républicaine, pour ne pas écrire la bienséance.

    Il y a lieu de s'étonner d'une telle émotion. Le droit de manifester est-il restreint à ce qu'il ne puisse atteindre la personne du chef de l'État ? S'agit-il d'un crime de lèse-majesté dont on ne veut pas dire le mot ? L'heure est de toute évidence à la plus extrême gravité et le premier ministre a emboîté le pas en prévenant le lendemain des incidents que "la justice sera(it) ferme" face aux atteintes "à l'ordre public" et "aux droits de la République". Et d'ajouter que « la circulaire de politique pénale préparée par la garde des Sceaux va partir dans quelques heures, elle s'appliquera partout, dans toutes les régions et pour tous les faits qui portent atteinte aux droits de la République".  Qui, d'ailleurs, vise-t-il ? Les membres du Printemps français ? Les bonnets rouges ? Les contestataires qui s'expriment chaque jour de plus en plus nombreux ? Les manifestants qui sifflent ? Les protestataires qui brûlent des radars ? À l'entendre l'heure est à la mobilisation des forces patriotes. À quand l'appel aux armes  et la scie de la République en danger ?

    Encore faudrait-il que nous y croyions à cette République dont les élites aujourd'hui au pouvoir ont commis un coup d'État en invalidant le referendum de 2005 par une ratification du Congrès en 2007... Je l'ai écrit à de multiples reprises : ce qui se passe aujourd'hui est le retour du refoulé, et le peuple fut, en l'espèce, le refoulé. Ceux qui sifflent sont le fruit de ce pourrissement. Et ce pourrissement fut organisé de conserve par les actuelles majorité et opposition, à commencer par l'actuel normal président. Il faut être d'une mauvaise foi ou d'un aveuglement sans bornes pour ne pas s'en rendre compte (1). Cet affreux détournement du suffrage universel, ce mépris souverain de la représentation nationale (on en a frappé d'indignité pour à peine moins) auraient pu passer si les années qui ont suivi avaient été roses, si le triomphe démocratique et économique avait été un démenti pour ceux qui avaient  voté non. Il n'en est rien. L'expression du refoulé ne fait que commencer, et, ce qui peut effectivement inquiéter, dans une région qui fut longtemps un bastion de la pensée socialo-européenne ...

    Il est néanmoins intéressant de voir un premier ministre vouloir jouer le maréchal en chef d'un retour à l'ordre. Sans doute les sifflets sont-ils un délit dont il peut aisément circonscrire le danger. C'est toujours plus facile que la violence endémique des banlieues, le désarroi des campagnes, les trafics en tous genres et de laisser la République se faire ridiculiser par une écolière qui sèche un jour sur deux. Maréchal en chef est d'ailleurs un titre un peu gonflé. Mais cette soif de circulaires et de directives fait sourire : devant le désarroi, reste le paravent bureaucratique. Encore qu'à ce jeu, on puisse finir par craindre pour nos libertés publiques, à commencer par le droit d'expression.

    La République du quotidien l'attend, elle, sur bien d'autres plans : économique, social, budgétaire... Mais aussi sur la sécurité, le respect de la laïcité, le combat contre le communautarisme. Elle l'attend au tournant. Encore qu'elle en ait déjà assez vu.


    (1)Mais en entendant le premier ministre s'indigner de l'intervention d'un député d'opposition et demander si ce dernier remet en cause la légitimité du normal président et en conséquence la légitimité du suffrage universel, on n'est plus dans la mauvaise foi : on est, étymologiquement, dans l'ignoble. Comme quoi, la majesté républicaine ne vole pas haut...

     

    Photo : Darcy Padilla 

  • La République en vente

    Nous avons eu, et d'autres mieux que nous, l'occasion de nous inquiéter de la manière dont la classe dirigeante avait commencé à vendre les bijoux de la nation, considérant qu'il est temps de faire des économies et d'offrir des gages de libéralisme à ceux qui sauront faire d'un monument historique un complexe grand luxe.

    Ce mercantilisme suspect, à la fois moralement (puisque c'est le bien commun qui s'envole) et financièrement (la complaisance politique ne garantissant nullement son intégrité : sur ce point, le passé n'est pas flatteur pour l'engeance élue) n'est pas, loin s'en faut, le seul signe de cet abandon républicain, alors même que les envolées des uns et des autres ne cessent d'affirmer leur attachement à notre histoire. Vaste blague...

    Ce week end, au congrès de l'UOIF, le très sulfureux Tariq Ramadan n'a pas manqué d'air dans la provocation puisqu'il a invité les musulmans à la résistance. J'ai donc attendu, comme tout citoyen français à peu près cérébré, que la classe politique remette cet individu à sa place, l'invite à retourner en Suisse, s'élève contre un propos qui contient les germes d'une guerre civile larvée, et conteste qu'il ait dans ce pays une quelconque chasse aux sorcières touchant les musulmans.

    La droite avait joué les gros bras légitimistes en interdisant, parce qu'elle le pouvait, quatre acharnés de la charia, de l'antisémitisme et du sexisme. Elle avait voulu faire une démonstration électoraliste au profit de son candidat bling-bling qui désirait occuper le champ de la légalité nationale (faut-il écrire nationaliste ?). Mais pour aller plus loin et demander des comptes au sieur Ramadan, plus personne. Que celui-ci place la question sociale à l'aune de son engagement religieux, et qu'il fasse de la République une sorte d'espace crypto-fasciste, qu'il en insulte chacun des membres, visiblement, cela ne dérange personne. Pas en tout cas ceux qui, à l'UMP, chassent sur les terres du FN. Il aurait été pourtant bien venu d'interpeller le sieur Ramadan sur les massacres perpétrés au nom de l'islam devant des églises au Nigéria, sur les brimades et les violences infligées en Égypte aux coptes (lui qui est le petit-fils du fondateur des Frères Musulmans), sur la place de plus en plus réduite des chrétiens et des juifs dans le Maghreb. Il aurait été bon que toute cette bonne conscience national-libéral (Lionnel Lucca, Christian Estrosi et autres bonnimenteurs sans dialectique, hélas) aillent batailler contre celui qui a choisi le camp du communautarisme et de la haine occidentale pour que son message soit ainsi relayé au cœur de la République.

    Mais, pour mener ce combat, il faudrait que les pitoyables rhéteurs de l'UMP aient une vision un peu complexe de ce que sont, entre autres, l'arabe et/ou le musulman. Or, leur posture reste celle du mépris larvé, de l'analyse curieuse d'un phénomène devant lequel ils ne comprennent en fait rien. Ils invitent certes les jeunes gens issus de l'immigration à les rejoindre, à partager avec eux les valeurs qu'ils défendent alors même que toute leur politique consiste à mettre tout le monde dans le même paquet, c'est-à-dire à ne pas soutenir ceux qui, dans les quartiers ou ailleurs, veulent résister au salafisme, au repli identitaire, au communautarisme. On comprend fort bien qu'ils ne puissent pas répondre à Ramadan, parce que le combat des minorités réclamant non pas simplement le droit d'exister mais s'affirmant dans la tradition républicaine ne les intéresse pas. Ils n'y croient pas. Qu'un ministre de la République, à la suite d'une plaisanterie indigne, puisse être condamné sans avoir à démissionner (mais il est vrai qu'en France...), voilà qui nous épargne de longs discours sur le sujet.

    Et la gauche ? La gauche, sur ce plan, est plus encore coupable. Elle manie à la fois la bienveillance stérile et la condescendance habillée des meilleures intentions. Il ne fallait pas s'attendre à ce qu'elle s'opposât à Tariq Ramadan et qu'elle lui demandât des comptes. Eût-il été une langue bien pendue d'un parti fasciste qu'elle aurait envoyé sa plus garde pour jouer les justiciers... Mais un arabe. Car, pour elle, le délit de faciès fonctionne à l'envers. La couleur de la peau, le nom, l'origine fonctionnent comme des passe-droit. Elle n'est pas capable de penser le sujet arabe. Elle ne le cerne que comme un groupe, un attroupement, une foule. Il a un seul visage. Dès lors, sa parole est sacrée, parce qu'à l'aune de l'anti-racisme, du différentialisme, et de la lutte pour la liberté des peuples (laquelle lutte se réduit peu ou prou à la position choisie en fonction du conflit israélo-palestinien), il ne peut qu'être bon et entrer en conflit avec lui serait verser de l'huile sur le feu, le stigmatiser, se lepeniser... Sait-elle qu'il y en a qui se battent pour que l'on sorte de la caricature ? Connaît-elle Abdennour Bidar, Abdelwahad Meddeb ou même Malek Chebel ? De nom, sans doute, mais ils sont trop à l'écart, trop européens...

    À partir de là, plus rien n'est possible, sinon le mutisme. Lorsque les meurtres dans l'école juive de Toulouse se sont déroulés, tout le lundi a servi à une certaine gauche (SOS racisme en tête, royale bouffonnerie sans autre légitimité qu'elle-même) pour monter au créneau et nous annoncer que nous avions sous les yeux la traduction horrible d'une campagne fascisante. Le lendemain, on apprenait qu'il s'appelait Mohamed Merah : ondes coupées et tentatives pitoyables pour rattraper l'affaire. En l'espèce : ne pas faire d'amalgame. Qui avait commencé le premier ? N'empêche : il fallait absolument retourner la situation. C'est le ridicule Manuel Valls (et ses dents qui raient le parquet) qui s'est fendu de la plus belle des sorties : l'assassin est un « enfant perdu de la république ». Comprenons : les assassins, c'est vous, c'est moi, c'est nous. Responsable de ne l'avoir pas compris, de ne pas l'avoir assez aidé, de l'avoir fustigé, stigmatisé, vilipendé, battu peut-être. Je ne suis plus, pour ma part, à une accusation près. Je prends tout, comme on dit. Faudrait-il considérer Goebbels et ses amis pour des « enfants perdus de la République de Weimar » ? Quand on développe ce genre de dialectique rédemptrice, établissant une stricte égalité entre les victimes et le bourreau, on est dans l'ignominie, et ce, de deux manières. Ignominie vis-à-vis des morts, parce qu'ils ne sont plus q'un élément de comptabilité et vous donnez raison à l'assassin. Sur ce plan, Valls se sera lancé dans une entreprise compassionnelle à l'envers tout à fait intéressante. Qu'il soit pressenti comme ministre de l'Intérieur me donne envie de vomir. Ignominie vis-à-vis des jeunes arabes qui ne se reconnaissent pas dans le geste de Merah et à qui on fait l'aumône d'une compréhension paternaliste écœurante. Il s'agit bien de les maintenir dans leur livrée d'indigène, ainsi que le regrettait il y a près de trente ans Alain Finkielkraut.

    Il faut dire que les réticences de la gauche, à l'époque de l'affaire dite du voile, étaient déjà si belles qu'elles nous préparaient à des renoncements autrement plus terribles. Que l'éventuelle premier ministre Aubry ait appliqué durant huit ans des horaires différenciés dans les piscines lilloises pour complaire aux désiderata islamistes, voilà encore de quoi nous réjouir... C'était, dit-on, pour la bonne cause. Laquelle ?

    Dernier exemple : l'empressement du Sénat passé à gauche à faire passer le droit de vote pour les étrangers aux élections locales. Pourquoi aller si vite ? Était-ce l'élément d'urgence en matière de politique ? Que l'on soit ou non favorable à ce choix (1), ce qui surprend, c'est le timing. Mais il s'éclaire lorsqu'on analyse le glissement progressif du discours de gauche, et notamment socialiste, dans le domaine social. Considérant comme perdu, sur le plan démographique, et donc électoral, la classe ouvrière de la vieille Europe, la gauche rose cherche à fidéliser un électorat jeune et porteur. Elle joue l'esprit démocrate quand ses intentions réelles sont de substituer à l'ouvrier retraité (et bientôt mort) le jeune maghrébin dans sa comptabilité des soirs d'élection.

    Le sieur Ramadan a donc de beaux jours devant lui, parce qu'il est clair que les représentants de la République ont pour ceux qui la composent, dans toute leur diversité, pour ceux qui y sont attachés, dans toutes leurs origines, un mépris souverain. L'horreur à venir est évidemment que cela ne finisse selon des règles de violence assez rudes. Il suffit d'apprendre que Marion Le Pen est aujourd'hui en tête des intentions de vote des 18-24 ans, pour voir se dessiner des heures sombres. Peu importe, je crois, aux dirigeants de la droite classique et de la gauche libérale : ils n'attendent qu'une chose. Que se réalise le rêve de la Trilatérale, des Bilderbergers et de Davos, avec un monde en ébullition constante à la base, et qui n'empêche nullement que l'on fasse des affaires, en haut.


    (1)Je suis contre. Je ne dissocie pas droit de vote et nationalité.

  • Approximations bretonnes

     

    Le voyageur qui, entrant en Bretagne par la route, décide avant d'aller sur les côtes (nord de préférence, plus que sud, moins bétonnées) de s'arrêter dans la capitale régionale aura la surprise de tomber sur le panneau suivant

     

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    Encore que la surprise qu'on lui suppose n'existe-t-elle que s'il connaît un peu les singularités culturelles et linguistiques des lieux. Pour qui les ignore (et ce n'est pas une tare) cette double nomination de la ville sonne comme un hommage arraché de haute lutte par les défenseurs d'une identité bretonne bafouée par les siècles d'un jacobinisme terroriste. Ils eurent leur moment de gloire, dans les années 70, ces politiques breizh, quand ils firent sauter ça et là quelques pierres, quelques véhicules ou l'antenne-relais de Roc'hTrédudon. Il y avait parmi eux des agités chevelus porte-voix d'une cause un peu floue dans son programme idéologique, naviguant entre des revendications libertaires (ils se voyaient à l'extrême-gauche...) et d'autres identitaires (n'ayant sans doute pas totalement digéré le passé pétainiste de leurs prédécesseurs). Ils furent folkloriques, pour être franc, et un peu ridicules. Mais pour le moins avaient-ils des raisons de vouloir sauvegarder une langue, un patrimoine qu'ils sentaient menacés et jusque dans des limites excédant de beaucoup la géographie de l'Hitoire.

    C'est sur ce point que, devant ce panneau, le voyageur connaissant le trompe l'œil qu'est la dénomination Bretagne sourit. En effet, nul n'a jamais parlé breton à Rennes. Ja-mais. Cette région était, sur le plan linguistique, scindée en deux.Traçant pour faire simple une ligne de Lannion à Vannes,  on dira que la partie orientale parlait breton ; la partie occidentale, c'est le pays gallo. Ce double panneau est donc un contresens historique, une relecture stupide du territoire car il n'y a pas plus de raison de doubler le nom du chef-lieu régional en breton que de le faire pour toutes les villes et tous les villages de France et de Navarre. Et si l'on veut pousser l'absurdité à son comble, il faudrait d'urgence demander aux Polonais, aux Italiens et aux Portugais, entre autres, de se mettre à la page et de contacter Diwann pour que l'injustice qui est faite à la bretonnitude soit réparée.

    On se demande alors ce qui peut justifier un tel révisionnisme historique. Car c'en est un que d'imposer, même symboliquement, une langue à ceux qui ne l'ont jamais parlée. On me retorquera que voilà un bien grand émoi pour un si petit abus et qu'il faut raison garder. Il n'en est rien. Je comprendrais fort bien que des autonomistes, jusque dans l'excès d'appropriation, peinturlurent ces panneaux pour y ajouter par dessus leur langue. Vandalisme mis à part, je conçois cette mauvais foi, parce qu'aussi stupide soit cet acte, il se pose comme un acte de lutte. Il est en revanche inconcevable que des représentants élus dans le cadre de la République française falsifient à ce point la réalité d'un territoire, pour céder au diktat de quelques régionalistes et à l'air du temps qui veut que l'on assimile la dite République à une structure purement oppressive (ce que là aussi je comprendrais fort bien si ceux-là même qui la salissent ne l'invoquaient pas à tort et à travers, en particulier en temps électoraux).

    Il s'agit sans doute d'une affaire d'image, de se donner un air de repentance, sous prétexte que le breton aurait été imposé à coup de triques (ce que démentait il y a près de trente ans un chercheur gallois, si je me souviens bien, lequel fit scandale dans le Landerneau de la bretonnitude). C'est derrière cela l'idée d'une unité, fût-elle artificielle, pour un espace politique qui n'en a pas forcément, et ressusciter d'une manière grotesque l'étendue du duché de Bretagne. Mais il faudrait alors revoir toute la composition des régions françaises et ramener Nantes dans l'espace politique et culturel qui fut le sien. Rendre à cette ville sa place première au détriment de Rennes.

     

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    Il en fut question un temps et la rivalité entre les deux cités s'exacerba, ayant des relents de guerre symbolique où l'Ancien Régime aurait dû céder devant l'esprit républicain. Pour Nantes, l'Histoire, le château des Ducs, Anne de Bretagne, la légitimité aristocratique. Pour Rennes, la République, le peuple, la légitimité morale. C'est sans doute pour parer à toute menace qu'en une époque hésitante le conseil municipal rennais décida à la vitesse de l'éclair de débaptiser la place du Palais pour qu'elle devînt la place du Parlement de Bretagne (qui a sa plaque bilingue, évidmment), lieu même où siège le Palais de justice qui brûla en 1994. Il n'est pas difficile d'interpréter la signification de ce changement. Entre le château et le parlement, la modernité ne pourrait faire que le choix du second. Cela serait bien vrai si le Parlement dont il est question correspondait à l'idée que tout à chacun peut s'en faire. Il n'en est rien. Le Parlement de Bretagne n'était une assemblée élective mais une cour de justice et que l'on pût y venir plaider et veiller à ses droits ne changent rien à l'affaire. Ce parlement-là n'avait rien à voir avec l'idée qui a cours aujourd'hui mais on comprend qu'agir ainsi relève d'un enjeu  stratégique bâti là encore au mépris de la réalité historique.

    C'est pure escroquerie que de vendre une acception pour une autre, un mot pour un autre. Comme de substituer gratuitement une langue à une autre. Cela pourrait n'être que des détails, des pécadilles dont s'amusent (ou se désolent) les esprits qui n'ont pas grand chose à faire. Il me semble pourtant correspondre à une pratique particulièrement tendancieuse alliant le mépris du passé et l'altération du présent, à cette propension très actuelle de vouloir instrumentaliser le monde et les sens qu'il porte, la concrétion qu'il représente au profit d'une politique factice, clientéliste et vide de toute inscription dans la réalité de l'Histoire.