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  • Mort de Montaigne

     

     

    À la suite d'un extrait des Essais, publié dans un manuel scolaire destiné à des lycéens, on trouve la très belle mention suivante : Mise en français moderne par... Peu importe le nom de celui qui s'y est attelé, à cette histoire de modernisation. Retenons néanmoins ceci : il ne s'agit nullement de s'en tenir à une simple correction orthographique permettant d'unifier/uniformiser un texte écrit dans une époque de plus grande liberté en la matière, ou de gommer des lettres étymologiques qui masqueraient le mot venu jusqu'à nous avec un visage un peu différent. Il s'agit bien plutôt d'un exercice de dénaturation de Montaigne au nom d'une lisibilité affadissante et traitresse (car ce serait réduire la difficulté de Montaigne à une question de pure forme. Où l'on voit le ridicule de la chose). Exercice de traficotage qui touche à la fois le vocabulaire et la syntaxe. Ainsi, Montaigne écrit, dans le Livre II, chapitre X :

    Quant à mon autre leçon, qui mesle un peu plus de fruit au plaisir, par où j'apprens à renger mes humeurs et mes conditions, les livres qui m'y servent, c'est Plutarque, dépuis qu'il est François, et Sénèque. (collection Quadrige chez PUF)

    La version du manuel donne ceci :

    Quant à mes autres lectures qui ajoutent au plaisir davantage de profit, et où j'apprends à plier mon caractère et mes états d'âme, les auteurs qui m'enseignent et m'enrichissent sont Plutarque, depuis qu'il est traduit en français, et Sénèque.

    Substitution de mots, ajouts, bouleversement de la syntaxe (et donc du phrasé de Montaigne) : la mise en français moderne est peu ou prou une traduction ! Cela signifie que Montaigne est un auteur traduit, et admis comme tel par l'institution censée défendre l'histoire de la langue et de la littérature de ce pays. Il est ni plus ni moins qu'un auteur étranger ! Il n'est pas le seul à qui l'on fasse subir le même châtiment. Rabelais y a droit. Le XVIe siècle français est donc tout à coup rejeté dans un temps si lointain qu'il devient un pays lointain, une contrée exotique. En procédant ainsi, c'est la pensée même de l'auteur que l'on trahit. Tous les arguments pédagogiques du monde ne peuvent suffire à justifier un tel traitement, à commencer par celui de l'accès facilité au texte. C'est d'abord un acte de renoncement. Un renoncement parmi d'autres sans doute. La simplification bienveillante (mais il faut toujours se méfier de la bienveillance) entérine soit la bêtise de la jeunesse, soit le refus d'un pays de maintenir, quel qu'en soit le prix, le lien avec une partie d'elle-même. Plutôt que Montaigne vivant, on choisit Montaigne empaillé, momifié. Plutôt que le souffle perpétué, le tombeau.

    Cette situation va bien au delà de la question du niveau intellectuel des individus (qui monte ou descend ?). Elle trace l'avenir sombre de la littérature, son effacement comme style, c'est-à-dire comme marque, différence, singularité. Elle nous alerte sur notre rapport à l'Histoire. Alors, on imagine subitement ce que deviendrait un Racine modernisé (tâche compliquée car il a écrit des monuments avec un vocabulaire fort restreint. Des mots simples, qui reviennent, qu'il manie infiniment jusqu'à les épuiser. Pour le coup, je crois qu'il est voué à disparaître). On se prend à rêver d'un Proust, dont on reverrait la ponctuation, parce que ses phrases sont décidément trop longues (un peu comme on corrige une copie d'élève à qui l'on dirait : très bien, jeune homme, mais faites plus simple parce que, parfois, on s'y perd.)

    Tout cela sent le mépris, et pour les écrivains, et pour les potentiels lecteurs. Et lorsque la France institutionnelle en vient à renier Montaigne, que d'aucuns doivent juger aussi ennuyeux que La Princesse de Clèves, une certaine mélancolie vous gagne. Alors, on décide de se taire et de lui laisser la parole, parole pleine et entière, telle qu'on la trouve dans le Livre III, chapitre XIII, pour méditer sur la vanité des vacations farcesques de certains :

    Esope ce grand homme vid son maistre qui pissoit en se promenant : «Quoy donq, fit-il, nous faudra-il chier en courant ?» Mesnageons le temps; encore nous en reste-il beaucoup d'oisif et mal employé. Nostre esprit n'a volontiers pas assez d'autres heures à faire ses besongnes, sans se desassocier du corps en ce peu d'espace qu'il luy faut pour sa necessité. Ils veulent se mettre hors d'eux et eschapper à l'homme. C'est folie; au lieu de se transformer en anges, ils se transforment en bestes; au lieu de se hausser, ils s'abbattent. Ces humeurs transcendantes m'effrayent, comme les lieux hautains et inaccessibles; et rien ne m'est à digerer fascheux en la vie de Socrates que ses ecstases et ses demoneries, rien si humain en Platon que ce pourquoy ils disent qu'on l'appelle divin. Et de nos sciences, celles-là me semblent plus terrestres et basses qui sont les plus haut montees. Et je ne trouve rien si humble et si mortel en la vie d'Alexandre que ses fantasies autour de son immortalisation. Philotas le mordit plaisamment par sa responce; il s'estoit conjouy avec luy par lettre de l'oracle de Jupiter Hammon, qui l'avoit logé entre les Dieux : «Pour ta consideration, j'en suis bien ayse, mais il y a de quoy plaindre les hommes qui auront à vivre avec un homme et luy obeyr, lequel outrepasse et ne se contente de la mesure d'un homme.» Diis te minorem quod geris, imperas.(1)

    La gentille inscription dequoy les Atheniens honnorerent la venue de Pompeius en leur ville, se conforme à mon sens :

    D'autant es tu Dieu, comme
    Tu te recognois homme.

    C'est une absolue perfection, et comme divine, de sçavoir jouyr loiallement de son estre. Nous cherchons d'autres conditions, pour n'entendre l'usage des nostres, et sortons hors de nous, pour ne sçavoir quel il y fait. Si, avons nous beau monter sur des eschasses, car sur des eschasses encores faut-il marcher de nos jambes. Et au plus eslevé throne du monde, si ne sommes nous assis que sus nostre cul.

     

    (1)"C'est en te soumettant aux dieux que tu règnes sur le monde." (Horace, Odes, III, VI, V)

     

    PUF, collection Quadrige

     

  • Le ridicule

    La déliquescence politique de l'heure et des deux années à venir n'incite pas à sourire. Quoique...

    L'appareillage médiatico-politique s'est mis en place pour préparer l'électeur au chevalier Juppé sauveur de la France. Le torchon des Inrocks fait sa une sur le bordelais. C'est dire que le moment est grave.

    La cinquième puissance mondiale n'a donc pas trouvé mieux que ce raté prétentieux sanctionné par la justice pour nous épargner le dragon lepéniste.

    Mon cynisme jubile, évidemment, en pensant à tous ces électeurs de gauche qui, nourris d'un anti-sarkozysme bas de plafond, ont été idiots jusqu'à voter Hollande, et seront lâches jusqu'à aller élire le meilleur d'entre nous au nom d'un républicanisme bidon dont ils sont, il est vrai, les promoteurs aphasiques. Après avoir été cocus, ils seront rampants.

    Tout compte fait, l'époque peut être drôle...

  • Les Petits inspirés

     

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    C'est en apprenant l'abdication de Juan Carlos au profit de son fils Felipe que m'est revenu à l'esprit un propos paternel concernant Jean-François Copé.

    Celui-ci est empétré dans l'affaire Bygmalion, énième version affairiste de la politique dont on ne s'étonnera d'ailleurs pas puisqu'il serait fort naïf de croire que le pouvoir est un territoire où l'argent, le cynisme et les (petits) arrangements ne seraient pas des clés pour en comprendre l'esprit. Pour l'heure, l'homme qui prend un retour de bâtons est le pauvre Jean-François. Il est contraint de démissionner et comme il convient en ce genre d'occasion, les notices biographiques du bla-bla médiatique ont des allures de nécrologie. Copé n'abandonne pas seulement la tête de l'UMP, il est mort. Et cette mortalité brutale et politique apparaît plus encore spectaculaire que les multiples portraits qu'on lui consacre insistent sur l'ambition fougueuse de l'intéressé. Devant le désastre de la normalité, il avait pris tous les risques pour être l'homme de 2017. La réussite ne sera pas au rendez-vous. Il en rêvait pourtant et depuis longtemps. C'et alors que sort la confidence paternelle : la première fois qu'il se serait vu en président, il avait sept ans. Un précoce ardent : la chute est plus dure encore.

    Cette anecdote est-elle vraie ou participe-t-elle de la mythologie au rabais des temps contemporains ? La question n'est pas là ; sa vraisemblance nous suffit. Elle nous suffit parce qu'elle induit tout un cadre social et culturel rendant une telle nouvelle non seulement crédible mais acceptable, par quoi le père Copé ne passe ni pour un prétentieux ni pour un bavard sénile.

    Le goût enfantin et présidentiel de JFC (il a dû regretter de ne pas s'appeler Kopé. C'eût été un signe imparable) fait ressurgir deux autres figures, peut-être moins précoces, mais tout aussi centrées sur les fastes élyséens : Sarkozy et Valls. En voilà trois qui ont donc cru très tôt en leur étoile, en leur destin, ou pour mieux dire : qui se sont cru un destin, ce qui revient à être l'auto-promoteur de son exception. Et l'on voit bien l'évolution même de la notion de destin, comment cet élément du tragique, très grec, quand le héros ne peut échapper à une œuvre qui le dépasse, n'a plus aucune signification aujourd'hui. L'histoire s'étant étrangement absentée dans les bénéfices de la paix européenne et de la confiscation bureaucratique, il n'y a plus rien de décisif. C'est sans doute un des traits majeurs de l'époque, le signe de son épuisement et de sa décrépitude.

    Imagine-t-on de Gaulle ou Pompidou se rêver, dans une cour de récréation, en maître de la France ? L'un était avant tout un militaire, l'autre un lettré. Les envisager dans cette posture, c'est sentir le ridicule du propos. Pour VGE, MItterrand et Chirac, l'opportunité a dû assez vite mûrir dans leur esprit, et pour les deux derniers le trône républicain fut un hochet obsessionnel dont ils ne surent rien faire : le premier parce qu'il vivait avec la hantise de la mort, le second parce qu'il n'a jamais rien pensé ni fait... Avec ceux qui leur succèdent et qui s'agitent, un pas a été franchi dans l'esprit démocratique.

    Au marché commercial du politique s'ajoute sa déréalisation sublimée dans le rêve d'enfant. La démocratie ou la confusion des âges. À la vacuité des pouvoirs correspond, comme un symptôme, la justification fantasmagorique. Ce ne sont pas des adultes qui nous gouvernent (ou veulent nous gouverner) mais des adolescents convaincus d'eux-mêmes, et seulement d'eux-mêmes (1). Pathétique, sans doute, mais fallait-il espérer autre chose d'un ordre politique réduit à la soumission aux marchés et la spectacularisation médiatique. Il ne faut pas négliger l'impact du passage à l'écran qui rend la carrière politique semblable à celle des stars de cinéma (2). Sans ce miroir existentiel, la compensation narcissique à la vacuité politique n'aurait pas une telle occasion de se répandre.

    Si le pouvoir est désormais fait pour ceux qui se croient destinés, déduisons que celui-ci est une baudruche et la démocratie un simple parcours d'obstacles pour obstinés et chanceux. Ce ne sont plus les événements qui déterminent les hommes, mais la configuration puérile d'un système forcément dévalué. Copé y croyait, s'y croyait. On en rirait presque si un peu de lucidité ne nous forçait à conclure que son échec (définitif ?) est moins le fait de sa médiocrité que d'un manque de précaution. 

    L'effet de croyance est telle qu'à l'heure où j'écris ce billet je découvre la dernière phrase historique de ce cher Sarkozy, qui sent qu'il va devoir revenir en politique parce qu'"on n'échappe pas à son destin". Petit pitre recalé qui se croit une lumière. Et quelle lumière, que de répondre aux appels au secours de l'ami Hortefeux et de la si sotte Morano. On voit bien à quel niveau se situe alors le destin : sauver un parti, sauver des places, jouer des coudes, avec en arrière-plan le pays, la crise et une certaine idée de soi à défaut de pouvoir/vouloir affirmer une "certaine idée de la France."

    Telle est la réalité : l'histoire n'est plus. Reste le fait divers, que les médias travaillent pour lui donner un semblant de consistance. La loterie démocratique tourne au manège, quand certains petits prétentieux pensent qu'à eux seuls est promise la queue du Mickey.

    Ainsi revenons-nous  à ce cher Felipe, qui n'eut jamais ces mesquineries narcissiques, puisqu'il devait être roi. En vertu de cette désignation, que d'aucuns jugeront injuste, illégitime, quand ils ont fondé l'histoire française à partir d'une exécution en place de Grève, le successeur de Juan Carlos est infiniment plus précieux pour son pays que ne le seront jamais nos roitelets autoproclamés en culottes courtes. Paradoxalement, son héritage l'oblige à savoir où il est et ce qu'il doit à son passé. Il ne pourra jamais, lui, avoir la vanité centrée sur son seul mérite. Il ne peut pas faire outre le protocole, l'ordre qui le précède et l'ordre qu'il doit transmettre. Il est à la fois lui-même et un autre (3) quand nos pantins arrogants sont des ectoplasmes (4)

    Ce constat ne signifie nullement qu'il y aurait une puissance génétique de l'aristocrate et que tous les hommes ne soient pas également estimables. Nous laissons évidemment de côté les considérations de sang bleu et autres balivernes à particule. La question est ailleurs. La démocratie est une belle idée, sans doute, mais elle tourne de plus en plus, en ce début de XIXe siècle, à la farce, une farce qui n'a même plus la discrétion des IIIe et IVe Républiques. La démocratie désormais n'est plus une pensée, une perspective mais un job. Un job de prestige pour des âmes communes...

     

    (1)Un ami qui a passé quelques années à Science-Po m'expliquait un jour que cette école (funeste, ô combien funeste, de par son endogamie intellectuelle) pullulait de futurs présidents qui fixaient déjà l'année de leur élection. Des présidents partout, riait-il...

    (2)Sur ce point, la victoire de Reagan sonne la charge des confusions. Elle est bien plus significative que de voir Shirley Temple nommer à un poste d'ambassadeur.

    (3)Selon l'analyse des deux corps du roi de Kantorowicz

    (4)À commencer par l'actuel locataire de ce qui fut en des temps révolutionnaires un garde-meubles. Une prémonition, en somme...

     

    Photo : Otto Steinert

     

  • Un siècle nouveau de lumières

     

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    René Magritte, L'Empire des lumières, 1954

    Dans le cœur de l'été, j'apprends par quelques lignes journalistiques que le normal président ne dédaigne pas les séjours à la résidence de la Lanterne.

    Ce lieu était dans la Ve République dévolu au plaisir du premier ministre avant que l'incroyable bling-bling n'en fasse son pré carré. Démesure, hypertrophie du moi, mépris envers Fillon ? Au choix. Les plumitifs qui avaient réduit la politique à un règlement de compte ad hominem ne manquèrent pas de glousser. L'affaire, anecdotique en soi (il y a bien pire et plus urgent) avait nourri la caricature sarkozyenne. L'homme qui veut tout, qui ose tout, qui prend tout.

    Il faut croire que le normal président qui pérora anaphoriquement sur sa différence, dans le comportement, a entériné la vanité de son prédecesseur. Ce qui s'appelle endosser l'habit... Ce n'est qu'un mensonge de plus dans le contrat électoral pour lequel des millions de naïfs ont signé et dont je paie, parmi d'autres, la note morale et politique. On aimerait de la critique face à cela, mais rien ne vient (ou si peu).

    En attendant, je repense au clip de campagne du triste sire (Hollande en majesté...), quand il faisait commencer l'histoire de France à la Révolution, et me revient en tête un chant célèbre, le sourire aux lèvres :

    "ah ça ira, ça ira, ça ira

    Les aristocrates à la lanterne

    Ah ça ira, ça ira, ça ira

    Les aristocrates on les pendra"

  • Du danger de l'insignifiance.

     

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    Fallait-il se contraindre à écouter pérorer télévisuellement le si normal président de la République, hier soir ? Certes non. Il suffisait d'attendre les comptes rendus du lendemain pour vérifier une fois de plus que rien n'en était sorti. Il en eût été autrement que je m'en fusse étonné.

    François Hollande est comme un livre grand public. Le nom de l'auteur et le titre sont une invitation au pays des songe-creux. La quatrième de couverture et on en a fait le tour. Encore serait-il hâbleur, orateur vaguement sophiste que l'on pourrait passer un agréable moment de spectacle. Mais, sur ce plan-là aussi, il est terriblement mauvais, avec une articulation et un phrasé désastreux. Sa victoire de juin 2012 est le fruit d'un malentendu, c'est-à-dire une situation qui renvoyait à deux paramètres distincts mais complémentaires :

    1-du point de vue de Hollande lui-même, la vacuité en trompe l'œil de son programme (vacuité au sens où il ne différait en rien, sur les principes économiques notamment, de celui de Sarkozy, et il faut être bête comme un journaliste de Libération pour poser ce matin la question « Hollande est-il encore de gauche ? ». Il ne l'a jamais été !)

    2-du point de vue de Sarkozy, la cristallisation du rejet de sa personne.

    Tout cela est une affaire de bruit, de parasitage, comme dirait Shannon. L'égocentrisme sarkozyen, la suffisance de l'hyper-président (1), l'auto-glorification et la vulgarité du bling-bling ont été les vrais indices de l'orientation démocratique, ce qui en dit long sur la santé de la démocratie hexagonale. Sarkozy était le point nodal de l'équilibre politique et de ses variations. Grenouille hypertrophiée, il apparaissait à toute heure, en toutes circonstances, pour n'importe quel sujet. Il fallait donc que tout se fît face à/contre lui. Il était un signe plein. Ce constat ne suppose nullement que ce signe qu'il était avait un sens précis, cohérent, valable, tant il est vrai que désormais le « faire-signe » suffit à créer de la valeur politique (comme il y a une valeur marchande).

    Sarkozy était un signe plein, voire débordant. Il occupait le terrain ; il nous occupait, à défaut de s'occuper de nous (2) ; il nous préoccupait. Ce tir de barrage qu'il entretenait, en vue de sa victimisation, et qu'entretenaient ses ennemis socialistes, en vue de leur réussite électorale, a masqué l'abandon du politique qui nous guettait. L'histrionisme sarkozyen a été un spectacle ; il a été le spectacle auquel ont participé les parties prenantes politiques et sociales du pays, parce qu'elles y trouvaient leur compte, présent ou à venir.

    Ce signe plein a concentré tous les maux/mots du moment. Il était la tension même de l'espace politique français et sans lui, jamais Hollande n'aurait été élu. Jamais il n'aurait pu jouer sur le registre de l'homme normal. Jamais monsieur Hollande n'aurait fait son entrée à l'Élysée. Cette normalité n'avait rien à voir avec la common decency d'Orwell. Elle n'était qu'un artifice communicationnnel, une posture, un positionnement marketing. L'affaire a réussi. De peu ! Oui, de peu, car il faut avoir un esprit sévèrement encarté pour ne pas voir que les 48,5% de Sarkozy sont un exploit qui en dit long sur l'illusion Hollande, dès le départ. La normalité avait déjà des limites. Sa vocation (?) à être monsieur tout le monde pouvait tenir comme slogan électoral, tant que le signe plein entrait dans le processus combinatoire. Mais après...

    De la normalité du corrézien, il a vite fallu déchanter. Il ne va pas au Fouquet's ; il n'est pas l'ami de Bolloré, mais on trouve chez lui un souci de l'État socialiste, du copinage et des équilibres partisans qu'on en revient vite. Sa normalité de preneur de train et d'aviateur en lignes régulières, elle ferait rire s'il n'y avait pas du tragique à l'horizon.

    La normalité, c'était, face au signe plein, l'exaltation de l'axe moral. Hollande imposait un semblant d'éthique face à l'arrogance. Une fois le signe plein sarkozyen parti se refaire la cerise on ne sait où, restait le roi nu.

    L'illisibilité de la ligne politique, la composition d'un gouvernement d'ectoplasmes (3), l'absence d'idées force, la permanente cacophonie inter-ministérielle,... Voilà ce qu'est Hollande. Ce qui nous avait été vendu pour un retour à un État humble, responsable, travailleur et moral tourne à la farce autour d'un personnage sans prise sur le monde.

    Et pourquoi cela ? Certains qui ont, comme moi, moqué la candidature Hollande le faisaient souvent au regard de l'historique de sa carrière politique. L'homme fut sans doute une brillante bête à concours (Sciences-po, HEC, et l'ENA) mais c'est à peu près tout. Il ne fut jamais ministre. Il fut le premier secrétaire de deux défaites électorales (dont un désastre, celui de 2002), sans que jamais ne l'effleurât l'idée de sa démission. Insubmersible apparatchick d'un parti sans âme, sans valeur, sans projet, sans ambition, tel apparaissait Hollande. Il était non seulement un personnage sans relief, mais aussi un homme sans idées et sans vision. Il était insignifiant.

    Insignifiant : passe-partout, capable de se fondre dans le décor, d'épouser les formes que prendront les opportunités. Ce qui lui réussît fort bien tant qu'il fallait manier la barque socialiste et jouer des différents courants qui formaient l'équipage. Mais lorsqu'il fut question du pays, de la France, qu'il n'y avait plus que lui face à lui-même, qu'avons-nous vu ? Rien.

    Insignifiant : le vide. Qui ne signifie rien, en somme. Après le bruit sarkozyen, l'aphasie hollandienne. Le signe vide. Du bavardage inaudible et de l'ankylose. La normalité s'est très vite transformée en un terrible silence. Hollande est là où, peut-être, comme Sarkozy, il avait rêvé d'être. Comme Sarkozy, à ceci près que chez ce dernier demeurait cette intime conviction de l'exception qu'il représentait. Et cette exaspérante nécessité de remplir le vide, d'aller au devant des choses, même pour ne pas faire grand chose, avait une vertu, oui, une vertu. Elle attirait vers elle la crispation sociale et politique qui traverse depuis de nombreuses années le pays.

    Il n'est pas très agréable de le dire ainsi mais tel est, me semble-t-il, la dimension salvatrice de l'hypertrophie sarkozyenne : en signe plein qu'il était, le président bling-bling phagocytait une partie du délitement social et politique. Contrairement à ce qu'on aura entendu pendant un quinquennat, ce n'est pas ses accointances supposées avec le FN, la promotion de la ligne Buisson, qui expliquaient le maintien des aspirations lepénistes et des replis identitaires dans certaines limites. C'était le rapport que Sarkozy avait imposé aux autres politiques qui amoindrissaient les extrêmes (et par effet de transfert donnaient de l'air aux socialistes qui auront, comme toujours depuis trente ans, été les vrais bénéficiaires du lepénisme, ce qui explique pourquoi ils ne veulent nullement l'éradiquer).

    Avec l'insignifiance hollandienne, il en va tout autrement, et la mise en examen de Sarkozy est peut-être la pire des nouvelles qui soient pour les élections à venir. L'UMP s'étant ridiculisé, le PS ne pouvant se désolidariser d'un pouvoir dirigé par l'insignifiance, un boulevard s'ouvre pour Marion et ses copains, parce qu'il n'est pas possible, c'est un principe fondateur de la politique lorsqu'en régime démocratique son expression est structurée par la concurrence, qu'un espace vide ne soit pas comblé.

    La présidence d'Hollande, dans son déroulement, dans le délitement progressif qu'il consacre de la politique active mise au rebut au profit d'un mensonge permanent (ne jamais prononcer le mot rigueur, ne jamais avouer que trois mois auront suffi pour mettre au placard les quelques promesses de campagne, ne pas avouer que le mariage pour tous devait être un cache-misère et que même la réaction du pays n'avait été prévu), dans l'abandon de toute volonté ambitieuse au profit d'une gestion au jour le jour, dans la promotion, même bidon, d'une gouvernance normale alors que la Ve République est conçue pour l'affirmation d'une personnalité, cette présidence Hollande est une catastrophe. Non pas en considération de ce qui n'a pas été fait, mais de ce qui est à venir.

    La preuve la plus belle de cette insignifiance est sans doute à prendre dans ce duo gouvernemental que l'homme normal a adoubé. Taubira à la Justice, Valls à l'Intérieur. Peut-on faire plus insignifiant ? C'est-à-dire, ici, significatif. Significatif de celui qui cherche à ce que tout s'annule, à ce que deux son discordants finissent par se neutraliser et que ce soit le silence.

    Il faudrait lui dire que, paradoxalement, si l'on peut être maître de ses paroles et responsables de ses actes, on n'est jamais maître du silence et de l'immobilité. Et surtout pas en politique. Parce que le silence et l'immobilité vous effacent, de toute manière. Quand le pays aura fait le tour de la normalité réduite au radotage incantatoire du président, il est à craindre qu'il veuille chercher raison du côté de la force et de l'affrontement. La montée de l'argumentaire identitaire dans toute l'Europe est un signe. vrai, celui-là. Une réalité sensible. Une perspective. Une aspiration. Il est urgent d'y réfléchir.

     

    (1)Une fumisterie de plus. Hyper ? Où ? Quand ? Comment ? On a confondu le pouvoir et la mise en scène de soi. On a identifié la capacité de faire à la turbulence médiatique.

    (2)Sauf si l'on veut bien comprendre l'expression ainsi : « je vais m'occuper de vous », soit : « je vais vous faire votre fête ». Et sur ce point, Sarkozy n'a pas menti. Il faut un efficace liquidateur.

    (3)Ayrault n'existe pas. Émergent, qu'on les apprécie ou non, Taubira, Valls et Montebourg. Pour le reste, un théâtre d'ombres. Le gouvernement le plus grotesquement nul de toute la Ve République. Malgré la parité...


    Photo : Olivier X.

  • La République en vente

    Nous avons eu, et d'autres mieux que nous, l'occasion de nous inquiéter de la manière dont la classe dirigeante avait commencé à vendre les bijoux de la nation, considérant qu'il est temps de faire des économies et d'offrir des gages de libéralisme à ceux qui sauront faire d'un monument historique un complexe grand luxe.

    Ce mercantilisme suspect, à la fois moralement (puisque c'est le bien commun qui s'envole) et financièrement (la complaisance politique ne garantissant nullement son intégrité : sur ce point, le passé n'est pas flatteur pour l'engeance élue) n'est pas, loin s'en faut, le seul signe de cet abandon républicain, alors même que les envolées des uns et des autres ne cessent d'affirmer leur attachement à notre histoire. Vaste blague...

    Ce week end, au congrès de l'UOIF, le très sulfureux Tariq Ramadan n'a pas manqué d'air dans la provocation puisqu'il a invité les musulmans à la résistance. J'ai donc attendu, comme tout citoyen français à peu près cérébré, que la classe politique remette cet individu à sa place, l'invite à retourner en Suisse, s'élève contre un propos qui contient les germes d'une guerre civile larvée, et conteste qu'il ait dans ce pays une quelconque chasse aux sorcières touchant les musulmans.

    La droite avait joué les gros bras légitimistes en interdisant, parce qu'elle le pouvait, quatre acharnés de la charia, de l'antisémitisme et du sexisme. Elle avait voulu faire une démonstration électoraliste au profit de son candidat bling-bling qui désirait occuper le champ de la légalité nationale (faut-il écrire nationaliste ?). Mais pour aller plus loin et demander des comptes au sieur Ramadan, plus personne. Que celui-ci place la question sociale à l'aune de son engagement religieux, et qu'il fasse de la République une sorte d'espace crypto-fasciste, qu'il en insulte chacun des membres, visiblement, cela ne dérange personne. Pas en tout cas ceux qui, à l'UMP, chassent sur les terres du FN. Il aurait été pourtant bien venu d'interpeller le sieur Ramadan sur les massacres perpétrés au nom de l'islam devant des églises au Nigéria, sur les brimades et les violences infligées en Égypte aux coptes (lui qui est le petit-fils du fondateur des Frères Musulmans), sur la place de plus en plus réduite des chrétiens et des juifs dans le Maghreb. Il aurait été bon que toute cette bonne conscience national-libéral (Lionnel Lucca, Christian Estrosi et autres bonnimenteurs sans dialectique, hélas) aillent batailler contre celui qui a choisi le camp du communautarisme et de la haine occidentale pour que son message soit ainsi relayé au cœur de la République.

    Mais, pour mener ce combat, il faudrait que les pitoyables rhéteurs de l'UMP aient une vision un peu complexe de ce que sont, entre autres, l'arabe et/ou le musulman. Or, leur posture reste celle du mépris larvé, de l'analyse curieuse d'un phénomène devant lequel ils ne comprennent en fait rien. Ils invitent certes les jeunes gens issus de l'immigration à les rejoindre, à partager avec eux les valeurs qu'ils défendent alors même que toute leur politique consiste à mettre tout le monde dans le même paquet, c'est-à-dire à ne pas soutenir ceux qui, dans les quartiers ou ailleurs, veulent résister au salafisme, au repli identitaire, au communautarisme. On comprend fort bien qu'ils ne puissent pas répondre à Ramadan, parce que le combat des minorités réclamant non pas simplement le droit d'exister mais s'affirmant dans la tradition républicaine ne les intéresse pas. Ils n'y croient pas. Qu'un ministre de la République, à la suite d'une plaisanterie indigne, puisse être condamné sans avoir à démissionner (mais il est vrai qu'en France...), voilà qui nous épargne de longs discours sur le sujet.

    Et la gauche ? La gauche, sur ce plan, est plus encore coupable. Elle manie à la fois la bienveillance stérile et la condescendance habillée des meilleures intentions. Il ne fallait pas s'attendre à ce qu'elle s'opposât à Tariq Ramadan et qu'elle lui demandât des comptes. Eût-il été une langue bien pendue d'un parti fasciste qu'elle aurait envoyé sa plus garde pour jouer les justiciers... Mais un arabe. Car, pour elle, le délit de faciès fonctionne à l'envers. La couleur de la peau, le nom, l'origine fonctionnent comme des passe-droit. Elle n'est pas capable de penser le sujet arabe. Elle ne le cerne que comme un groupe, un attroupement, une foule. Il a un seul visage. Dès lors, sa parole est sacrée, parce qu'à l'aune de l'anti-racisme, du différentialisme, et de la lutte pour la liberté des peuples (laquelle lutte se réduit peu ou prou à la position choisie en fonction du conflit israélo-palestinien), il ne peut qu'être bon et entrer en conflit avec lui serait verser de l'huile sur le feu, le stigmatiser, se lepeniser... Sait-elle qu'il y en a qui se battent pour que l'on sorte de la caricature ? Connaît-elle Abdennour Bidar, Abdelwahad Meddeb ou même Malek Chebel ? De nom, sans doute, mais ils sont trop à l'écart, trop européens...

    À partir de là, plus rien n'est possible, sinon le mutisme. Lorsque les meurtres dans l'école juive de Toulouse se sont déroulés, tout le lundi a servi à une certaine gauche (SOS racisme en tête, royale bouffonnerie sans autre légitimité qu'elle-même) pour monter au créneau et nous annoncer que nous avions sous les yeux la traduction horrible d'une campagne fascisante. Le lendemain, on apprenait qu'il s'appelait Mohamed Merah : ondes coupées et tentatives pitoyables pour rattraper l'affaire. En l'espèce : ne pas faire d'amalgame. Qui avait commencé le premier ? N'empêche : il fallait absolument retourner la situation. C'est le ridicule Manuel Valls (et ses dents qui raient le parquet) qui s'est fendu de la plus belle des sorties : l'assassin est un « enfant perdu de la république ». Comprenons : les assassins, c'est vous, c'est moi, c'est nous. Responsable de ne l'avoir pas compris, de ne pas l'avoir assez aidé, de l'avoir fustigé, stigmatisé, vilipendé, battu peut-être. Je ne suis plus, pour ma part, à une accusation près. Je prends tout, comme on dit. Faudrait-il considérer Goebbels et ses amis pour des « enfants perdus de la République de Weimar » ? Quand on développe ce genre de dialectique rédemptrice, établissant une stricte égalité entre les victimes et le bourreau, on est dans l'ignominie, et ce, de deux manières. Ignominie vis-à-vis des morts, parce qu'ils ne sont plus q'un élément de comptabilité et vous donnez raison à l'assassin. Sur ce plan, Valls se sera lancé dans une entreprise compassionnelle à l'envers tout à fait intéressante. Qu'il soit pressenti comme ministre de l'Intérieur me donne envie de vomir. Ignominie vis-à-vis des jeunes arabes qui ne se reconnaissent pas dans le geste de Merah et à qui on fait l'aumône d'une compréhension paternaliste écœurante. Il s'agit bien de les maintenir dans leur livrée d'indigène, ainsi que le regrettait il y a près de trente ans Alain Finkielkraut.

    Il faut dire que les réticences de la gauche, à l'époque de l'affaire dite du voile, étaient déjà si belles qu'elles nous préparaient à des renoncements autrement plus terribles. Que l'éventuelle premier ministre Aubry ait appliqué durant huit ans des horaires différenciés dans les piscines lilloises pour complaire aux désiderata islamistes, voilà encore de quoi nous réjouir... C'était, dit-on, pour la bonne cause. Laquelle ?

    Dernier exemple : l'empressement du Sénat passé à gauche à faire passer le droit de vote pour les étrangers aux élections locales. Pourquoi aller si vite ? Était-ce l'élément d'urgence en matière de politique ? Que l'on soit ou non favorable à ce choix (1), ce qui surprend, c'est le timing. Mais il s'éclaire lorsqu'on analyse le glissement progressif du discours de gauche, et notamment socialiste, dans le domaine social. Considérant comme perdu, sur le plan démographique, et donc électoral, la classe ouvrière de la vieille Europe, la gauche rose cherche à fidéliser un électorat jeune et porteur. Elle joue l'esprit démocrate quand ses intentions réelles sont de substituer à l'ouvrier retraité (et bientôt mort) le jeune maghrébin dans sa comptabilité des soirs d'élection.

    Le sieur Ramadan a donc de beaux jours devant lui, parce qu'il est clair que les représentants de la République ont pour ceux qui la composent, dans toute leur diversité, pour ceux qui y sont attachés, dans toutes leurs origines, un mépris souverain. L'horreur à venir est évidemment que cela ne finisse selon des règles de violence assez rudes. Il suffit d'apprendre que Marion Le Pen est aujourd'hui en tête des intentions de vote des 18-24 ans, pour voir se dessiner des heures sombres. Peu importe, je crois, aux dirigeants de la droite classique et de la gauche libérale : ils n'attendent qu'une chose. Que se réalise le rêve de la Trilatérale, des Bilderbergers et de Davos, avec un monde en ébullition constante à la base, et qui n'empêche nullement que l'on fasse des affaires, en haut.


    (1)Je suis contre. Je ne dissocie pas droit de vote et nationalité.

  • Génération Grand Bleu

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    Du personnage, nous ne parlerons pas. Il n'est pas nécessaire de parler du figurant (1), surtout quand il se prend le droit, ce petit figurant au regard vitreux, d'être seul et d'avoir une place disproportionnée. Où l'on se rend compte que ce figurant a vraiment la grosse tête, comme dit le peuple (2).

    Reste le reste, si j'ose dire.

    Commencons par le slogan. Peu de chose à vrai dire. D'abord une sorte de truisme qui fait sourire, une sorte de formule à la Bigard (qui est, je crois, un ami du figurant). La France forte. Imaginez deux minutes un candidat prônant la France faible. On comprend bien l'objectif : ne pas vouloir ramener la parole au destin du figurant, à son nombril. Évidemment, un flop, puisque l'on sait depuis cinq ans qu'il n'a comme seul principe que le titre d'un livre du délicieux José Arthur : Parlez de moi, il n'y a que ça qui m'intéresse. Dès lors que Narcisse se tait, ce sont les portes ouvertes que l'on enfonce. Je suppose que des pontes de la com' ont planché sur le sujet. Même la moyenne (et j'ai quelques notions sur la question). La France forte. Voilà qui est porteur, alors que le figurant nous avait promis 5% de chômeurs (ce qui, pour ceux qui ont fait un peu d'économie, revient à un chômage purement conjoncturel, quasiment technique) et l'éradication de la pauvreté, avec comme principe d'arracher chaque point de croissance avec les dents (un peu comme Poutine nettoyant la Tchétchénie jusque dans les chiottes). Mais La France forte, c'est en filigrane Franc(e) Fort(e). Une sorte de message sublimal merkelien, ce qui est d'un torride échevelé comme avenir (3) Tellement animé d'un volontarisme politique qui n'est que mimétisme, oubliant que chaque territoire de l'Europe a son histoire, le figurant projette sur l'hexagone l'idéal d'un modèle trouvant son aboutissant sur la place économique du territoire allemand : Francfort et l'indice Daxx. N'est-ce pas magnifique...

    D'ailleurs, La France forte n'est pas en soi un slogan qui relève d'une mythologie territoriale, politique, culturelle. Ce n'est que la féminisation (4) d'un programme économique axé sur un hypothétique franc fort. Une sorte d'anachronisme en forme de lapsus, d'aveu inconscient d'un désordre prévisible et voulu, au profit des seules grandes fortunes du continent (et du monde). Il n'y a plus rien qui puisse nous river à une idée véritablement sérieuse de la nation. Elle n'est plus q'une étiquette commerciale dans le concert du marché mondial dont le figurant est un des apôtres. La France forte, cela signifie la France qui exporte, qui comble ses déficits, qui obéit aux lois sacro-saints du marché, qui se plie devant Standard's and Poors, devant Moody's. Ce n'est qu'une étiquette, un tampon. Parce que le leurre est là : La France forte n'exclut nullement la pauvreté, la misère, la précarité, l'exclusion, la stigmatisation, le délit de faciès, le reniement de la république, la compromission avec les fanatiques de tous bords, l'abandon de la souveraineté la plus élémentaire... La France forte signifie plus de déréglementation, plus de liberté aux puissants, plus de solitude, plus de peurs,... C'est le modèle américain...

    Et pour que le modèle américain s'installe, pour qu'il puisse s'épanouir dans toute sa simplicité mortifère, que vienne l'oraison funèbre de la moindre solidarité et de la moindre histoire (entendons : une histoire qui s'incrit dans le temps, qui porte à la fois les vivants et les morts, à la manière dont en ont parlé Barrès, Péguy, Giono et Bernanos, entre autres (5)), il faut un lieu, non un espace. Le lieu, rappelait Marc Augé, à la suite de Michel de Certeau, n'est pas l'espace. Telle est la différence entre le stable (les esprits modernes, et postmodernistes diront l'inertie) et le mouvant, l'arrêt et le passage.

    Et justement... Quelle belle affiche ! Pour ceux qui sont déjà vieux comme moi, il y a des réminiscences de Grand Bleu. Une sorte de philosophie bessonnienne qui lobotomisa une partie de la population (6). Toute une jeunesse s'extasiant du langage des dauphins, de la mer à perte de vue et du jeu minimaliste (c'est pour être gentil) de Jean-Marc Barr et de Rosanna Arquette, toute une jeunesse qui commençait à brader la moindre idée politique pour se réfugier dans l'eau salée, l'apnée (il faudrait s'arrêter un instant sur ce point mais je n'ai pas le temps) et le désir de solitude, toute une jeunesse qui allait l'année suivante s'éclater parce qu'un professeur démago les incitait à monter sur les tables, à sentir la fleur de la littérature à l'instinct : Le Cercle des poètes disparus. C'était en 1989. Deux ans, deux films, pour l'enterrement symbolique de toute dialectique politique. Le programme subliminal du figurant est là : la liberté face à la tradition (dont on ne discute plus la rhétorique, pour s'y frotter et la combattre : on la jette à la poubelle), le désir d'un ailleurs sans limite, peut-être, sans lieu, surtout.

    Et le lieu, justement, importe. Affiche sans terre, affiche d'un sans terre. La France n'est plus une terre, plus un territoire. Que le figurant ait invoqué, pour justifier sa candidature, la métaphore du capitaine n'est pas un hasard. Ce n'est plus l'oikos grec, la maison, mais le navire. Ce n'est plus la fondation mais le sillage. Affiche sans paysage, parce que le paysage, identifiable à une particularité, est l'ennemi de la doctrine libérale. La mer n'est qu'une métaphore de la disneyfication du monde. Que tout soit semblable partout, qu'il n'y ait rien qui puisse nous rattacher au passé, qu'il n'y ait rien qui puisse nous signifier que nous sommes là (en clair que plus rien ne nous signifie tout court). Le territoire est la haine même de cet apatride repu qu'est le capitaliste. Non pas celui qui finit, par vide juridique, dans le no man's land des aéroports pendant des années mais celui qui vit off-shore (7), fiscalement off-shore. C'est ainsi que je regarde la mer et le ciel se rejoindre (ou presque) comme des coutures de l'indifférencié, malgré le jaune pisseux qui voudrait donner un sens à l'horizon (8). La France a beau avoir des milliers de kilomètres de côtes et mon atavisme breton des souvenirs multiples du soleil tombant sur le bleu intense qui prépare les tempêtes, la mer infinie n'est pas la France. C'est bien d'ailleurs une des leçons de ceux qui auront lu Braudel (mais je doute fort que la culture figuranesque ait atteint ces contrées) (9). La disparition de la terre est une terreur. Chateaubriand, citant Byron, l'a avec magnificence exprimé. Mais nous n'en sommes plus là. Il faut que nous nous perdions, que nous soyons cosmopolites, marins à fond de cale du libéralisme triomphant, nouveaux esclaves de l'ordre idéal de la City, métèques (et les Grecs le comprennent aujourd'hui) d'une Polis financière.

    Le bleu dominant de l'affiche n'est pas celle de l'énergie d'orgone dont parlait Wilhem Reich ; elle n'est pas cette étrangeté de fond qui ornait les tableaux flamands de Brueghel. Il a la puissance putrescible de l'escroquerie artistique d'un Yves Klein qui déposa comme une marque sa recherche chromatique. Elle est ce commun dénominateur du goût avec lequel le dernier des idiots peut jouer (10), une sorte de "mathématique bleue dans cette mer jamais étale" (11). Tel est l'avenir figuranesque : une affaire de liquidité(s). La vulgate du libéralisme le plus achevé est là, à perte de vue.

     

    Le plus désolant n'est pas qu'une telle option politique existe et que l'histrionisme parkinsonien triomphe. La démocratie doit tout tolérer : c'est bien là sa faiblesse. Le problème tient à ce qu'il n'y a rien en face.

     

     

     

    (1)Je sais qu'un tel propos n'est pas très délicat, qu'il n'est pas très peuple, très politiquement correct, parce qu'il porte en soi le mépris du petit bourgeois que je suis. Erreur grave : c'est le politiquement correct, et ses précautions oratoires qui véhiculent le mépris. Le peuple dont il est tant question pour cette présidentielle n'est qu'une surface rhétorique. Il est d'ailleurs clair qu'on en parle aujourd'hui comme d'une antiquité, d'une figure muséifiée. Je ne méprise nullement les figurants : j'en suis un. Je ne méprise nullement le peuple (sans avoir non plus envie de le magnifier comme ceux qui habitent place des Vosges) : je l'ai connu, le peuple : il se levait à quatre heures du matin pour me permettre d'être le premier bachelier de toute la famille...

    (2)Cf note 1.

    (3)Aussitôt les chiennes de garde bondissent. Vous attaquez Merkel sur son physique ! Vous êtes un affreux machiste, une pourriture sexiste. Soyons clair : j'ai la faiblesse de trouver les femmes qui me sont proches belles, séduisantes et intelligentes. Pas Merkel, dont je conchie la politique (n'ayant pas l'esprit du sacrifice européen au Saint Empire germanique, ce qui ne signifie nullement que je sois animé d'un anti-germanisme primaire : j'ai une admiration inconditionnelle pour Jean-Paul, Novalis, Walter Benjamin, Hannah Arendt, Joseph Roth, Arthur Schnitzler, Thomas Mann, Peter Handke,... Ne parlons pas de Bach, Schumann, Brahms, Bruckner, Mahler et Mozart. Quant à Schiele, Beckman, Dix, sans parler de Holbein, Dürer,...), je suis désolé.

    (4)Cf note 3.

    (5)Prévenons les âmes sensibles qui verraient dans la référence à Barrès poindre le masque du fasciste antisémite. La plupart de ceux qui vomissent sur cet auteur ne l'ont jamais lu (ce qui n'est pas mon cas. Je le connais fort bien...). Il faut donc faire une distinction. Barrès fut un anti-dreyfusard peu digne, ayant longtemps hésité. Je pourrais ici produire nombre de citations qui noircissent (et le mot est faible) l'écrivain (ce qu'il serait bien difficile à faire pour nombre de ses contempteurs qui n'en ont jamais lu une ligne), des propos qui révulsent (mais qui ne sont pas plus odieux que les gerbes céliniennes dont tout le monde s'accommode, à commencer par les beaux parleurs de gauche). Il a néanmoins eu le mérite de poser, parfois avec beaucoup de didactisme et de lourdeur, j'en conviens, la question du lieu, de ce que nous devons à l'endroit qui nous a vu naître, à l'héritage que nous ont laissé nos ancêtres. Il ne pouvait être que maudit par les tenants d'une déterritorialisation deleuzienne, lesquels n'ont même pas compris, idiots qu'ils sont, que c'est là une des armes du libéralisme politique. Voilà ce qui arrive quand on confisque un Engels dialectique au profit d'un marxisme (jusque dans sa critique) qui se fait à Normale Sup ou à Vincennes...

    (6)C'était en 1988 et je n'étais pas si vieux, pas assez pour que l'on me soupçonnât de gâtisme ou de « nostalgisme » que l'on prête à ceux qui ont passé quarante ans.

    (7)Mais le off-shore de ce blog n'est nullement, on s'en doute, libéral. Il a des racines lusitaniennes et bretonnes, plus particulièrment malouines (et jusqu'à Rothéneuf, à la pointe de la Varde). Cet off-shore n'est pas le refus de la terre mais son appel incessant, sa légitime approche, sa véracité d'exil qui nous fait lien. Je penserai avec toute la dérision qui lui est due à cette affiche la prochaine fois que je m'inclinerai au grand Bé et que je regarderai les vagues bataillant de la Manche.

    (8)Et de penser à ce qui différencie une affiche putassière de campagne électorale et la coupure brutale et heurtée d'une œuvre de Rothko. On ne me dira : aucun rapport. Justement : aucun rapport.

    (9)Certains (des figuratistes?) diront que c'est là un trait de mépris qui s'ajoute aux précédents et que c'est un peu facile. J'en conviens. J'ai longtemps pensé comme La Rochefoucauld qu'«il [fallait] être économe de son mépris, il y a tant de nécessiteux». C'est un tort. En cela, ainsi que pour le reste, il faut être prodigue...

    (10)On lira avec jouissance Michel Pastoureau, Bleu, Paris, Seuil, 2002.

    (11)Détournement malhonnête et pleinement assumé de la chanson de Ferré La Mémoire et la Mer.

     

     

  • Vanités démocratiques

    Adoncques le peuple de gauche s'est choisi son chevalier. Le citoyen Hollande portera hautement les couleurs socialistes. Hollande contre Sarkozy... La médiocrité d'il y a cinq ans n'était pas un hasard malheureux mais le résultat tendanciel d'une dérive démocratique consacrant la bêtise et l'inculture.

    Et de repenser soudain à la statue équestre sise au Campidoglio, celle de l'empereur Marc-Aurèle, sur la place dessinée par Michel-Ange, où il est si bon de passer un après-midi entier à ne rien faire, le dos appuyé contre une colonne, saluant ce temps perdu d'une rêverie qui se nourrit des toitures romaines.

    http://www.insecula.com/PhotosNew/00/00/07/35/ME0000073549_3.JPG.

     

    Marc-Aurèle, l'empereur philosophe, ne rirait pas de ce qui nous arrive. Et de le relire avec joie et profit, en pensant à ces imposteurs de la politique médiatique, dont on n'imagine pas une minute qu'ils pussent écrire une ligne approchant ce qui suit...

    "XLVIII. - Considère sans cesse combien de médecins sont morts, après avoir tant de fois froncé les sourcils sur les malades ; combien d'astrologues, après avoir prédit, comme un grand événement, la mort d'autres hommes ; combien de philosophes, après s'être obstinés à discourir indéfiniment sur la mort et l'immortalité ; combien de chefs, après avoir fait périr tant de gens; combien de tyrans, après avoir usé avec une cruelle arrogance, comme s'ils eussent été immortels, de leur pouvoir de vie ou de mort ; combien de villes, pour ainsi dire, sont mortes tout entières : Hélice, Pompéi, Herculanum, et d'autres innombrables ! Ajoutez-y aussi tous ceux que tu as vus toi-même mourir l'un après l'autre. Celui-ci rendit les derniers devoirs à cet autre, puis fut lui-même exposé par un autre, qui le fut à son tour, et tout cela en peu de temps ! En un mot, toujours considérer les choses humaines comme éphémères et sans valeur : hier, un peu de glaire ; demain, momie ou cendre. En conséquence, passer cet infime moment de la durée conformément à la nature, finir avec sérénité, comme une olive qui, parvenue à maturité, tomberait en bénissant la terre qui l'a portée, et en rendant grâces à l'arbre qui l'a produite".

                                                                Pensées pour moi-même, livre IV

  • L'insignifiant et son signifié

     

    Paris, 1974 (Ph. D. Boudinet)

    Lu ce matin sur le site du Monde.fr : notre intellectuel président a, mercredi 28 septembre, remis l'ordre du mérite à la très révolutionnaire Julia Kristeva. À cette occasion, il a prononcé un discours dans lequel Roland Barthes est devenu Roland Barthesse. Rappelons qu'il n'y a pas de faute (au sens classique du terme) sur les noms propres. Soit, mais une certaine idée que l'on se fait de la culture induit que des maladresses de ce genre signent l'étendue d'une ignorance crasse. Le président en exercice est pour le moins digne des ridicules flaubertiens (ou des cuirs de Françoise dont le narrateur proustien se délectait avec une cruauté condescendante).

  • Sans idéologie (groupe prépositionnel)

    Le communisme de type stalinien et le nazisme, outre les horreurs dont ils sont directement responsables, nous ont laissé un héritage politique qui a mis à un certain pour éclore mais dont la puissance a en quelque sorte procédé du temps qu'il a pris pour accoucher. Il aurait sans doute été catastrophique que la Révolution russe échouât rapidement dans les premiers revers de la NEP et que Marx pût demeurer un auteur dissociable du goulag. Heureusement Joseph le Géorgien a mise les petits plats dans les grands et la liquidation fut sanglante à souhait. Comme, en plus, il eut le bon goût de s'allier ouvertement avec Hitler (ce qui est, cynisme pour cynisme, un courage qu'on doit lui reconnaître : celui de ne pas avoir fait semblant, comme tant d'autres, Anglais et Américains en tête, lesquels savaient depuis longtemps le sort qu'on réservait aux Juifs, aux Tziganes, sans plus d'émotion), il permit de faire un trait d'union entre les deux horreurs et de faire de Marx, mort en 1883, la statue du Commandeur des désastres sibériens, et cela n'est pas sans conséquence (1).

    Je ne suis pas marxiste. Pas en tout cas sur le modèle crispé et douteux d'un Badiou, par exemple. Mais il me semble que le travail d'effacement qui concerne certaines de ses analyses quant aux antinomies radicales et violentes d'une société en mode libéral est suspect, pour le moins... Les antagonismes qu'il mettait en lumière entre la classe dirigeante et la classe ouvrière (inutile d'entrer dans le détail d'une société qui avait créé suffisamment de strates intermédiaires pour consolider le système) n'ont pas, me semble-t-il, disparu. Mais il est clair que l'histoire du XXe siècle peut aussi se concevoir comme celle d'une lente acceptation de l'ordre libéral sous couvert d'une liturgie du progrès (sur laquelle on reviendra sous peu parce que W. Benjamin a écrit de fort intéressantes choses sur ce point). Tout le monde constatant que sa situation s'améliorait, ou pouvait s'améliorer, ce qui n'est pas tout à fait identique, chacun a déduit que l'humanité allait dans le bon sens (et il y aurait à gloser sur la polysémie de cette expression, parce qu'elle permet de plaquer sur la flèche de l'histoire une morale donnée comme une quasi évidence...).


    L'effondrement du communisme, la chute du Mur de Berlin, le discrédit jeté sur l'analyse marxiste ont pris du temps et cette lenteur a permis que le  libéralisme nouveau visage puisse prendre l'allure de l'évidence et de s'interpréter, dans une hypocrisie qu'il faut dire remarquable, non seulement comme l'inversion radicale de l'interventionnisme étatique, mais aussi comme une idéologie en négatif, celle qui, plutôt que de forcer la nature (et du monde, et des hommes) se ralliait à l'évidence des faits. L'idéologie a ainsi pris la forme du pragmatisme. Pas n'importe quel pragmatisme, bien sûr ! Celui d'une approche comptable et inégalitaire (sur ce plan, on a avec subtilité substitué l'équité à l'égalité...) qui impose aux individus de s'en remettre à une lecture imparable du monde. C'est ainsi que toutes les réformes allant dans le sens du libéralisme radical, depuis plus de vingt ans, ont été faites selon le principe d'un nécessité impérieuse, presque la mort dans l'âme pour ceux qui s'en chargeaient, comme s'il ne pouvait en être autrement. Telle est la teneur du sans idéologie dont on nous rebat les oreilles désormais pour réformer les retraites, le code du travail, le système social et hospitalier, les indemnisations chômage, le système scolaire, la fiscalité des entreprises, etc., etc., etc.. Il faut avoir entendu nos hommes politiques de gauche comme de droite masquer leur soumission aux marchés (la crise des subprimes et les problèmes de la dette en sont des exemples flagrants) derrière le souci d'un traitement efficace (pour qui ?) des difficultés de la société contemporaine pour se convaincre que leur pragmatisme est d'abord un discours contre l'égalité.

    Prétendre que les choix qui ont été faits depuis le déclin soviétique (n'oublions pas que la résistance afghane, dont les talibans, furent largement financés par l'Occident, les Américains qui voyaient là une occasion d'amener les communistes au cimetière...) relève d'une logique de bon sens, d'une gestion quasi domestique des problèmes est une belle escroquerie (et l'on a ressorti avec bonheur que l'économie (2) venait étymologiquement de l'oikos, de la maison, et d'une façon pourtant fort brutale, la gestion domestique est devenue une référence : être responsable, c'est penser en père de famille entreprenant).  Encore fallait-il, pour que l'escroquerie marchât, que l'idéologie, comme mot, fût discréditée et que son identification à la terreur la plus noire fût sûre... Les plus staliniens ne sont pas forcément ceux qu'on croit.

    L'analyse structuraliste aura au moins eu le mérite de poser comme principe que l'absence n'était pas rien, qu'elle pouvait être signifiante, qu'elle prenait place et sens dans un cadre défini. Si l'on accepte ce principe, le sans idéologie est un avatar discursif de l'idéologie. L'évolution des modèles européens en porte la trace. Il y eut dans le milieu des années 90 une majorité de gauche parmi les dirigeants politiques des pays concernés. Cela ne changea pas grand chose (pensons à Blair. et à Jospin...). Et si la prochaine élection présidentielle française a un sens, dans la mesure même où ses deux finalistes présumés (Sarkozy et Hollande) se veulent des pragmatiques, c'est celui d'un choix libéral plus ou moins nuancé (et plutôt moins). Ce n'est plus une opposition droite-gauche mais, selon les anciennes distinctions, un choix droite-droite. Il est certain que l'électeur, à ce titre, peut aller voter sans idéologie. D'ailleurs, depuis le référendum sur la Constitution, on aura compris qu'on ne lui demande plus vraiment son avis...

     

    (1)Il est maintenant de bon ton de railleur le pauvre Karl. Mais on est toujours d'une indulgence nauséabonde avec le père Heiddegger. Il est vrai que pour certains de ses défenseurs, ils ont un passé qui plaide en faveur de leur bêtise radicale.

    (2)L'économie a aujourd'hui, pourrait-on dire, deux sens antagonistes. Dans une visée mondialisée, dans une vision globale et anonymé (comme quand on dit : l'économie française, ou chinoise, ou américaine, va bien) c'est l'expansion à outrance. Pour le quidam, à un niveau microcosmique,  c'est subir l'économie, lui apprendre à faire des économies (non pour qu'il en est réellement mais pour que les coûts de production diminuent à ses dépens).