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salafisme

  • La leçon turque

    Erdogan a failli se faire renverser par un coup d'état. Le putsch militaire a échoué. L'inspiration kémaliste des opposants, devant le projet islamiste du président derrière lequel se cache un dictateur classique tel que sait en produire à la pelle la politique qui n'a que le Coran comme finalité, a été balayée, à la fois dans le pays, et dans les jugements qui ont été portés par les puissances spectatrices.

    L'Amérique d'Obama s'est empressée d'apporter son soutien au menacé. Oui, Obama, celui qui devait changer le monde, celui dont l'élection fit pleurer des journalistes ignares et des citoyens imbéciles, celui dont le bilan est désastreux, si l'on considère la situation de violence et de pauvreté qui sévit dans les classes les plus populaires de ce pays, à commencer par celles qui vivent dans les ghettos, cet Obama-là, dont il ne fallait pas être grand clerc pour estimer qu'il ne ferait rien d'autre que suivre la ligne américaine définie ailleurs que dans le bureau ovale, a défendu Erdogan. L'Europe a emboîté le pas, et dans l'Europe, les islamo-gauchistes au pouvoir ont évidemment payer leur écot. L'insuffisance présidentielle a applaudi des deux mains à la sauvegarde de la démocratie turque. Et depuis que le sieur Erdogan fait régner la terreur sous prétexte d'une reprise en main, emprisonnant, mettant à pieds, limogeant à tour de bras, c'est le silence radio. La possible élection d'un candidat d'extrême-droite en Autriche les émouvait davantage.

    Nul doute que pour les temps à venir, ils nous resserviront, pour la politique intérieure, le péril brun, la menace lepéniste et leur litanie sur le fascisme qui ne doit pas passer. Sauf s'il est vert. Et puisqu'on parle des Verts, rappelons qu'un cadre de EELV, Jean-Sébastien Herpin, après la tuerie d'Orlando, revendiquée par l'EI : "la différence entre La Manif pour tous et #Orlando ? Le passage à l'acte". On appréciera à sa juste valeur intellectuelle le parallèle entre des manifestants pacifistes, dont tous n'étaient d'ailleurs des catholiques, mais qu'on réduisit souvent à des cathos fachos intégristes, et les terroristes de l'EI. Quand la haine des curés atteint ce degré, il n'y a plus rien à espérer. Mais cet épisode n'est pas, loin s'en faut, une gaffe individuelle. La police fut autrement zélée avec ces manifestants-là et les veilleurs qui leur étaient affiliés qu'avec les imams salafistes et les radicaux du Croissant. Leur couardise devant la montée de l'islamisme est leur fond de commerce.

    Ce terreau-là sert donc à défendre Erdogan et à vouer aux gémonies Marine Le Pen. C'est, en quelque sorte, un anti-fascisme  (ou prétendu tel) à géométrie variable. Cette leçon me suffit pour savoir ce que je dois faire et qui je dois craindre. Il y a peu, c'était en 2012, Valls nous servait la version du loup solitaire et Merah était un "enfant perdu de la République". Le même nous sort aujourd'hui des fiches S par milliers. Mais il ne faudrait surtout pas faire d'amalgame, c'est-à-dire ne pas placer le débat sur le plan politique, surtout pas. Sauf pour les cathos.

    Pour finir sur une note turque, revenons à ce que disait Erdogan en 1996 : « Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants seront nos soldats. » C'est le même que Hollande and co protègent. Dont acte.

  • La République en vente

    Nous avons eu, et d'autres mieux que nous, l'occasion de nous inquiéter de la manière dont la classe dirigeante avait commencé à vendre les bijoux de la nation, considérant qu'il est temps de faire des économies et d'offrir des gages de libéralisme à ceux qui sauront faire d'un monument historique un complexe grand luxe.

    Ce mercantilisme suspect, à la fois moralement (puisque c'est le bien commun qui s'envole) et financièrement (la complaisance politique ne garantissant nullement son intégrité : sur ce point, le passé n'est pas flatteur pour l'engeance élue) n'est pas, loin s'en faut, le seul signe de cet abandon républicain, alors même que les envolées des uns et des autres ne cessent d'affirmer leur attachement à notre histoire. Vaste blague...

    Ce week end, au congrès de l'UOIF, le très sulfureux Tariq Ramadan n'a pas manqué d'air dans la provocation puisqu'il a invité les musulmans à la résistance. J'ai donc attendu, comme tout citoyen français à peu près cérébré, que la classe politique remette cet individu à sa place, l'invite à retourner en Suisse, s'élève contre un propos qui contient les germes d'une guerre civile larvée, et conteste qu'il ait dans ce pays une quelconque chasse aux sorcières touchant les musulmans.

    La droite avait joué les gros bras légitimistes en interdisant, parce qu'elle le pouvait, quatre acharnés de la charia, de l'antisémitisme et du sexisme. Elle avait voulu faire une démonstration électoraliste au profit de son candidat bling-bling qui désirait occuper le champ de la légalité nationale (faut-il écrire nationaliste ?). Mais pour aller plus loin et demander des comptes au sieur Ramadan, plus personne. Que celui-ci place la question sociale à l'aune de son engagement religieux, et qu'il fasse de la République une sorte d'espace crypto-fasciste, qu'il en insulte chacun des membres, visiblement, cela ne dérange personne. Pas en tout cas ceux qui, à l'UMP, chassent sur les terres du FN. Il aurait été pourtant bien venu d'interpeller le sieur Ramadan sur les massacres perpétrés au nom de l'islam devant des églises au Nigéria, sur les brimades et les violences infligées en Égypte aux coptes (lui qui est le petit-fils du fondateur des Frères Musulmans), sur la place de plus en plus réduite des chrétiens et des juifs dans le Maghreb. Il aurait été bon que toute cette bonne conscience national-libéral (Lionnel Lucca, Christian Estrosi et autres bonnimenteurs sans dialectique, hélas) aillent batailler contre celui qui a choisi le camp du communautarisme et de la haine occidentale pour que son message soit ainsi relayé au cœur de la République.

    Mais, pour mener ce combat, il faudrait que les pitoyables rhéteurs de l'UMP aient une vision un peu complexe de ce que sont, entre autres, l'arabe et/ou le musulman. Or, leur posture reste celle du mépris larvé, de l'analyse curieuse d'un phénomène devant lequel ils ne comprennent en fait rien. Ils invitent certes les jeunes gens issus de l'immigration à les rejoindre, à partager avec eux les valeurs qu'ils défendent alors même que toute leur politique consiste à mettre tout le monde dans le même paquet, c'est-à-dire à ne pas soutenir ceux qui, dans les quartiers ou ailleurs, veulent résister au salafisme, au repli identitaire, au communautarisme. On comprend fort bien qu'ils ne puissent pas répondre à Ramadan, parce que le combat des minorités réclamant non pas simplement le droit d'exister mais s'affirmant dans la tradition républicaine ne les intéresse pas. Ils n'y croient pas. Qu'un ministre de la République, à la suite d'une plaisanterie indigne, puisse être condamné sans avoir à démissionner (mais il est vrai qu'en France...), voilà qui nous épargne de longs discours sur le sujet.

    Et la gauche ? La gauche, sur ce plan, est plus encore coupable. Elle manie à la fois la bienveillance stérile et la condescendance habillée des meilleures intentions. Il ne fallait pas s'attendre à ce qu'elle s'opposât à Tariq Ramadan et qu'elle lui demandât des comptes. Eût-il été une langue bien pendue d'un parti fasciste qu'elle aurait envoyé sa plus garde pour jouer les justiciers... Mais un arabe. Car, pour elle, le délit de faciès fonctionne à l'envers. La couleur de la peau, le nom, l'origine fonctionnent comme des passe-droit. Elle n'est pas capable de penser le sujet arabe. Elle ne le cerne que comme un groupe, un attroupement, une foule. Il a un seul visage. Dès lors, sa parole est sacrée, parce qu'à l'aune de l'anti-racisme, du différentialisme, et de la lutte pour la liberté des peuples (laquelle lutte se réduit peu ou prou à la position choisie en fonction du conflit israélo-palestinien), il ne peut qu'être bon et entrer en conflit avec lui serait verser de l'huile sur le feu, le stigmatiser, se lepeniser... Sait-elle qu'il y en a qui se battent pour que l'on sorte de la caricature ? Connaît-elle Abdennour Bidar, Abdelwahad Meddeb ou même Malek Chebel ? De nom, sans doute, mais ils sont trop à l'écart, trop européens...

    À partir de là, plus rien n'est possible, sinon le mutisme. Lorsque les meurtres dans l'école juive de Toulouse se sont déroulés, tout le lundi a servi à une certaine gauche (SOS racisme en tête, royale bouffonnerie sans autre légitimité qu'elle-même) pour monter au créneau et nous annoncer que nous avions sous les yeux la traduction horrible d'une campagne fascisante. Le lendemain, on apprenait qu'il s'appelait Mohamed Merah : ondes coupées et tentatives pitoyables pour rattraper l'affaire. En l'espèce : ne pas faire d'amalgame. Qui avait commencé le premier ? N'empêche : il fallait absolument retourner la situation. C'est le ridicule Manuel Valls (et ses dents qui raient le parquet) qui s'est fendu de la plus belle des sorties : l'assassin est un « enfant perdu de la république ». Comprenons : les assassins, c'est vous, c'est moi, c'est nous. Responsable de ne l'avoir pas compris, de ne pas l'avoir assez aidé, de l'avoir fustigé, stigmatisé, vilipendé, battu peut-être. Je ne suis plus, pour ma part, à une accusation près. Je prends tout, comme on dit. Faudrait-il considérer Goebbels et ses amis pour des « enfants perdus de la République de Weimar » ? Quand on développe ce genre de dialectique rédemptrice, établissant une stricte égalité entre les victimes et le bourreau, on est dans l'ignominie, et ce, de deux manières. Ignominie vis-à-vis des morts, parce qu'ils ne sont plus q'un élément de comptabilité et vous donnez raison à l'assassin. Sur ce plan, Valls se sera lancé dans une entreprise compassionnelle à l'envers tout à fait intéressante. Qu'il soit pressenti comme ministre de l'Intérieur me donne envie de vomir. Ignominie vis-à-vis des jeunes arabes qui ne se reconnaissent pas dans le geste de Merah et à qui on fait l'aumône d'une compréhension paternaliste écœurante. Il s'agit bien de les maintenir dans leur livrée d'indigène, ainsi que le regrettait il y a près de trente ans Alain Finkielkraut.

    Il faut dire que les réticences de la gauche, à l'époque de l'affaire dite du voile, étaient déjà si belles qu'elles nous préparaient à des renoncements autrement plus terribles. Que l'éventuelle premier ministre Aubry ait appliqué durant huit ans des horaires différenciés dans les piscines lilloises pour complaire aux désiderata islamistes, voilà encore de quoi nous réjouir... C'était, dit-on, pour la bonne cause. Laquelle ?

    Dernier exemple : l'empressement du Sénat passé à gauche à faire passer le droit de vote pour les étrangers aux élections locales. Pourquoi aller si vite ? Était-ce l'élément d'urgence en matière de politique ? Que l'on soit ou non favorable à ce choix (1), ce qui surprend, c'est le timing. Mais il s'éclaire lorsqu'on analyse le glissement progressif du discours de gauche, et notamment socialiste, dans le domaine social. Considérant comme perdu, sur le plan démographique, et donc électoral, la classe ouvrière de la vieille Europe, la gauche rose cherche à fidéliser un électorat jeune et porteur. Elle joue l'esprit démocrate quand ses intentions réelles sont de substituer à l'ouvrier retraité (et bientôt mort) le jeune maghrébin dans sa comptabilité des soirs d'élection.

    Le sieur Ramadan a donc de beaux jours devant lui, parce qu'il est clair que les représentants de la République ont pour ceux qui la composent, dans toute leur diversité, pour ceux qui y sont attachés, dans toutes leurs origines, un mépris souverain. L'horreur à venir est évidemment que cela ne finisse selon des règles de violence assez rudes. Il suffit d'apprendre que Marion Le Pen est aujourd'hui en tête des intentions de vote des 18-24 ans, pour voir se dessiner des heures sombres. Peu importe, je crois, aux dirigeants de la droite classique et de la gauche libérale : ils n'attendent qu'une chose. Que se réalise le rêve de la Trilatérale, des Bilderbergers et de Davos, avec un monde en ébullition constante à la base, et qui n'empêche nullement que l'on fasse des affaires, en haut.


    (1)Je suis contre. Je ne dissocie pas droit de vote et nationalité.