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  • La décomposition

    Les dernières élections européennes, et dans une mesure assez proche, en fait,les municipales, quoiqu'avec un léger trompe l'œil, intéressent moins par le résultat brut du FN que par la répartition sociologique de son implantation.

    Il est en effet remarquable que ce parti qu'on voudrait assimiler à une droite purement réactionnaire, de nantis passéistes, larmes aux yeux à l'évocation de Pétain et de l'OAS, ce parti, donc, s'épanouit surtout dans les contrées populaires, dans les espaces de misère, dans les aires de relégation héritières d'une tradition industrielle mise à mal par la mondialisation. Mais cela n'est pas vraiment nouveau. Le FN a récupéré ceux que la gauche social-libérale avait depuis le milieu des années 80 sacrifié à son idéologie multiculturaliste, que le think tank Terra Nova a ensuite théorisée, en décrétant que Dupont, bien blanc, ouvrier de base, était bon à passer à la moulinette électorale, quand l'avenir démographique des banlieues se trouvait dans la captation de Mohamed et de Mamadou. Tous les efforts socialistes se sont concentrés, sous la bannière de la repentance et de la multiplication des célébrations mémorielles, flagellation et plaintes, sur ce travail de fond qui devait renouveler le cheptel des votants. La bête ouvrière laissait sa place à la bête immigrée.

    Et si je parle de cheptel et de bête, ce n'est nullement par mépris, bien au contraire. Il s'agit simplement de ramener les apparences d'un combat politique articulé vers/pour les déshérités à une machine à gagner des votes. Un cynisme pur et dur, rien de plus. D'une certaine manière, le rapport ne changeait pas vraiment. Le PS, et ses caciques bourgeois et trotskos, ne variait pas dans son escroquerie : on ne trouvait dans les années 90 pas plus d'arabes dans ses hautes instances que de métallurgistes trente ans auparavant (1). Il ne faut pas confondre la plèbe et l'aristocratie, la valetaille et les maîtres. De nombreux ouvrages ont été publiés sur cette fausse ouverture d'esprit de la gauche de gouvernement, bourgeoise et vaniteuse.

    Ce qui est remarquable, dans le fond, tient à ce que cette fumisterie grossière ait un temps marché, si bien que les baleines roses de la rue Solférino, traînant dans tous les couloirs du pouvoir, de l'Élysées aux grandes villes, en passant par les deux assemblées et les conseils régionaux, ont cru que tout leur était dû, que l'impunité leur était assuré, et que nul n'y verrait que du feu. Cela leur a permis, somme tout, de basculer ouvertement dans le libéralisme le plus sauvage, d'être les bons élèves sournois de la déréglementation, y compris lorsque l'Europe avait majoritairement des gouvernements de gauche au pouvoir, comme ce fut le cas dans les années 90.

    Chez les Grecs, on appelle ce phénomène l'hybris. La démesure, ce qui vous fait oublier le réel pour croire que le monde se plie à vos désirs. Le florentin Mitterrand était, sur ce plan, le plus doué, c'est-à-dire le moins ridicule, le plus cultivé, et à sa façon, le moins dangereux. Il avait encore une certaine nostalgie du monde qui l'avait éduqué. Sa progéniture, dont Hollande est en quelque sorte la formule basse et dérisoire, ne s'est pas gênée pendant ces vingt dernières années de pratiquer le mépris et l'outrecuidance à tour de bras. Inutile de revenir sur les nominations scandaleuses, les amitiés douteuses et le vaudeville à répétition. Tout est permis aux bien-nés pourvu qu'ils aient la bonne carte. Il suffit de les voir s'indigner depuis dimanche sur les résultats qui démolissent non seulement leur représentativité mais toute la structuration d'un socialisme localisé, ancré dans le territoire pour mieux jouer les pères protecteurs à coup de financement aux associations permettant de récupérer un électorat captif.

    Mais à trop tirer sur la corde, elle finit par se rompre. Je n'ai guère entendu de commentateurs avisés (les commentateurs sont toujours avisés) soulever le problème (si c'est un problème...) de l'élargissement de la base électorale frontiste. Quand on va puiser ça et là des résultats dans des communes de diverses tailles, et dans divers endroits du territoire ; quand on voit certains scores en banlieue ou dans des espaces où l'immigration a été importante depuis quarante ans, on remarque des chiffres élevés. Le Nord-Pas-de-Calais est à ce titre exemplaire. Les imbéciles de gauche peuvent essayer de se rassurer en réduisant la montée en flèche du parti de Marion Le Pen à une épidémie atteignant les derniers vestiges d'une civilisation blanche rancie et fascisante (2). En l'espèce, ils ont tort. Je crois que l'inquiétude de certains petits roses solfériniens vient de ce qu'une part de leur électorat leur échappe, jusque dans les populations immigrées qui soit votent FN (et à Hénin-Beaumont, quand on connaît l'endroit, et les scores du FN, personne là-bas n'a de doute), soit s'abstiennent quand bien même on leur agite le chiffon noir de la peste brune. Tel est le danger majeur qui les fait frémir : d'imaginer que ce sont aussi des noirs et des arabes, promis pourtant à être éternellement de gauche, qui sonnent la charge d'une réaction nationale devant le désastre de l'Europe. Car le paradoxe serait là aussi : leur devenir français ne peut se situer dans les parages d'une déstructuration sociale et culturelle, telle que la propose le PS, comme en témoigne son forcing sur le mariage pour tous. Sur ce point, d'ailleurs, ce parti a déjà commencé à payer la note : l'exemple de Marseille aux municipales est parlant. Leur devenir français, puisqu'ils sont français et doivent être reconnus comme tels (3), passe par une revendication sociale qui inclut l'espace national (4). Une telle évolution n'est pas faite pour rassurer la gauche. Cela n'est peut-être qu'un début et l'agonie sera longue...

     

     

    (1)Mais cette escroquerie ne touche pas que les ténors du parti. Le militant de base et l'électeur socialiste de base lui aussi a souvent un double discours. Pour en avoir côtoyé de quoi remplir un stade depuis des dizaines d'années, je sais combien ils aiment les arabes de loin, comme l'électeur du FN. De là à en faire leur gendre ou leur belle-fille...

    (2)Car il faut bien mettre des mots sur le différentialisme. S'il y a des civilisations exotiques, c'est qu'il y a une civilisation propre au Vieux Continent, civilisation dont, d'ailleurs, ses ennemis n'osent jamais déterminer le genre (c'est pourtant dans leur panoplie, le genre...) : européenne, blanche, caucasienne, chrétienne ? Les différentialistes ont retourné le problème épineux de la différence tel qu'il a été construit il y a cent cinquante ans. Ce sont eux, les héritiers des considérations raciales d'un XIXe siècle puant. La seule précaution qu'ils ont prise est de déplacer le problème vers des revendications culturelles qui commencent, malgré tout, par l'exaltation des origines. Inutile de revenir sur le délire d'un X ou d'un Y qu'il faut absolument définir comme un anglo-argentino-libano-indien. La haine de la souche n'est que le volet réversible d'une crispation sur la même souche. 

    (3)Cette situation explique notamment que des Français d'origine immigrée (quelle détestable appellation) soient farouchement contre le vote des étrangers aux élections locales. Là aussi, les socialistes devraient réfléchir avant de lancer des idées prétendument révolutionnaires pour les remballer aussitôt, comme c'était le cas cette dernière semaine.

    (4)C'est ce que n'a pas compris l'usurpateur Mélenchon. Il peut chanter « Va ma France... ». Mais il chante faux, en thuriféraire du (presque) géant socialiste qu'il demeure. Il fait le coq, mais va à la soupe.

     

  • De la terreur par la rhétorique (II)

    L'art de la terreur en matière de rhétorique peut prendre deux formes en apparence un peu contradictoires mais dont l'usage combiné biaise (ou devrait biaiser) l'appréhension de l'événement par celui qui en prend connaissance. Ce n'est pas à proprement parler de la désinformation mais du formatage, de l'orientation idéologique.

    Prenons l'affaire de la semaine : le tireur parisien (1). L'individu fait irruption chez BFM pour proférer des menaces. Quelques jours plus tard, il entre dans le hall de Libération. Il tire. Un blessé grave. C'est à ce moment que l'histoire s'emballe (et qu'on emballe, comme un produit, l'histoire : tout est affaire de packaging). Les politiques condamnent fermement l'attentat. Devant trois douilles et une flaque de sang, Manuel Valls parle aussitôt de scène de guerre. Libération choisit la grandiloquence pour sa une.

     

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    Il y a en effet grandiloquence, quand on confronte la réalité à sa représentation (théâtralisée). Deux tirs de fusil ne font pas une scène de guerre. Deux tirs de fusil ne sont pas une bombe ou un cocktail molotov. Libération n'est pas Charlie Hebdo. Le superfétatoire Demorand, qui dirige le journal, en rêve pourtant, et avec lui toute son équipe. C'est le sens du "Nous continuerons", qui se veut une sorte de No pasaran démocratique du pauvre. Derrière la formule, il y a le péril fasciste, la peste brune, Marion Le Pen etc, etc, etc. Demorand se voit en Jeanne d'Arc combattant la purulence identitaire (encore que Jeanne d'Arc, non : ça sent le cureton à plein nez et Libération déteste tellement le catholicisme...). La tentation est tellement grande : les premiers éléments sur le tireur sont très bons. Type européen, 30-40 ans. On a compris.

    On a compris que c'est une revanche masquée de l'affaire Merah dont il est question. Souvenons-nous : l'affaire Merah et ses premières heures, quand la gauche ignorante et pourrie invoquait le climat nauséabond entretenu par le FN. L'affaire Merah et cette gauche tentant de récupérer comme d'autres (Bayrou...) le malheur des victimes dont elle aurait espéré faire un plus grand profit. La gauche lâche et charognarde... Elle espérait prendre sa revanche.

    Pas de chance. Le tireur n'est pas de type européen. Il s'appelle Abdelhakim Dekhar. Il vient de l'utra-gauche. Un vrai problème. Une deuxième tentative de récupération qui échoue en un peu plus d'un an. 

    On lira alors le papier de Libération de ce jour. Le lecteur pourra imaginer ce qu'eût été le défouloir si l'incriminé s'était appelé Leroy et qu'il eût possédé une carte dans je ne sais quel groupuscule fascisant. Là, on trouverait une volonté sous-jacente de minimiser, de relativiser, d'expliquer. Celui que le même journal voulait combattre a droit à un papier à moitié compassionnel. Il faut sauver les apparences.

    D'une certaine manière, Demorand et Marion Le Pen ont un point commun : l'arabe est une part de leur fonds de commerce. Un fonds de commerce tout aussi puant, pour des objectifs diamétralement opposés. Comme dans l'affaire Merah, le désir de jeter sur un camp précis la suspicion s'avère contre-productif, parce qu'en l'espèce, elle ne fait que conforter les crispations identitaires. Mais c'est là où nos deux personnages se rejoignent : l'une au nom d'un nationalisme mal dégrossi, l'autre au nom d'un muliticulturalisme teinté de culpabilité.



    (1)Même si la dite affaire fut étrangement mise en veille médiatique le temps que onze footeux offrent à la France (rien de moins) une leçon de courage et de volonté et au normal président les moyens d'un laïus pro domo très risible. Il fallait bien faire tourner la machine. Trop d'intérêts en jeu...

  • La gauche libérale (IV) : le vote

    La gauche libérale se préoccupe beaucoup depuis son retour aux affaires des questions électorales, et pour être plus précis, du corps électoral, de sa constitution, de son évolution, et pour être clair : de sa transformation pour qu'il puisse au moins pour un temps lui être favorable.

    Elle a d'abord envisagé d'accorder aux étrangers extra-communautaires le droit de vote aux élections locales. Mais, elle y a renoncé, sentant que l'affaire n'était pas jouée et que l'opinion n'était pas prête (comme on dit, pour ne pas traiter la dite opinion d'idiote). Puis, cette semaine, une inutile gouvernementale a lancé l'idée du droit de vote à 16 ans.

    Il y a évidemment un rapport étroit entre ces deux méthodes d'élargissement, même si on essaie de les dissimuler. Dans le premier cas, il s'agissait de s'assurer le vote des immigrés dans l'espace communal, notamment dans la périphérie des grandes villes, là d'où, comme le rappelle Christophe Guilluy le souligne, les classes moyennes ont fui pour que ces territoires deviennent des espaces communautaires (1). L'objectif était d'entériner ce que d'aucuns ont souligné depuis longtemps : l'abandon de la classe ouvrière par la gauche, le calcul d'un moindre intérêt des classes populaires d'origine européenne au profit d'une montée démographique des populations immigrés africaines. Mais ce n'était que l'effet le plus immédiatement visible d'un électoralisme nauséabond qui cachait une idée bien plus fallacieuse. En découplant le principe du vote avec celui de la nationalité (2), le but est aussi d'invalider le principe de la nation et de lui substituer une logique du local dont on sait qu'elle est, sous couvert de générosité, de responsabilité et de participation, une des nouvelles formes administratives des nouveaux principes managériaux analysés par Boltanski et Chiappello (3). Or, la nation, et l'inscription des individus dans le territoire, commence par cette problématique du local, de l'espace restreint. En autorisant des personnes à voter ici, tout en étant d'ailleurs, on vide le contenu de l'ici pour en faire un ailleurs perpétuel, c'est-à-dire un espace déterritorialisé. Cette déterritorialisation est un des fondements du libéralisme dans sa forme ultime : soit rendre les individus orphelins du lieu auquel ils étaient attachés (et c'est la forme : faites cinq cents kilomètres ou plus pour trouver du boulot, délocalisez-vous...), soit rendre les individus schizophrènes d'une double appartenance politique qui finira par les destituer de toute légitimité où qu'ils soient.

    C'est par ce biais que l'on voit la gauche libérale œuvrée sournoisement pour que nul ne s'y retrouve et soit livré en pâture au diktat du marché qui souhaite ardemment que les gens soient et mobiles, et coupés de toute structure cohérente. Car il est faux de penser qu'une telle décision faciliterait les ententes entre les personnes venues d'horizons différents. La question de la légitimité des uns et des autres serait posée et ne pourrait que renforcer les raideurs communautaires, voire les ghettos. Mais les ghettos sont-ils un problème pour l'épanouissement du libéralisme intégral ? Les exemples anglais ou américains montrent que non. On peut s'accommoder d'un tel délitement national. Il y a même à parier que la ghettoïsation se combine très bien avec une démarche commerciale multipliant les cibles et les niches. On rétorquera qu'il est fort curieux que la droite s'offusque d'un tel projet, y compris les plus libéraux. Foutaise électorale pour se donner bonne conscience car il est certain qu'un tel projet voté ne serait plus remis en question.

    L'incertitude nationale (4) est une nécessité pour la donne mondialisée. Il faut donc que les individus puissent ne plus se sentir chez eux, ou qu'ils ne puissent pas se sentir tout à fait chez eux, même quand ils sont dans un endroit depuis longtemps. Le droit de vote aux étrangers, c'est une incitation à ne pas se poser la question pour ceux qui en bénéficieront du devenir français. C'est couper tout chemin vers l'interrogation sur soi et le désir d'appartenance. On ne s'étonnera donc pas que parmi les plus réticents, on trouve des étrangers eux-mêmes (5). En fait, il ne faut pas que chacun s'interroge sur sa place et sur la volonté de s'inscrire dans le lieu : il faut lui donner l'illusion du droit, qui masque et neutralise la volonté, comme acte individuel. De ce point de vue, l'individualisme libéral ne repose absolument pas sur une émancipation de la personne mais sur l'incitation à sa participation au jeu du marché, le marché étant compris comme l'espace unique de l'existence. Faire que nous puissions, selon le gré de nos pérégrinations, voter ici ou là, c'est-à-dire ne s'attacher nulle part ferait le bonheur ultime du rêveur libéral.

    Mais, répétons-le, cette option semble pour l'heure au placard. Pas assez sûre... Est donc venu à l'esprit embrumé de Madame Bertinotti, ministre de la Famille (?), l'idée du droit de vote à 16 ans. On pourrait là encore, selon des logiques démographiques implacables s'appliquant dans certaines banlieues, montrer qu'il s'agit de récupérer des voix. À défaut d'avoir celles des pères, ils auront celles des fils et des mairies seront sauvées. Cette analyse se fonde de toute évidence sur l'idée qu'une partie de l'électorat, en fonction des origines géographiques et confessionnelles par exemple, représente un vivier de voix non négligeable. L'enquête d'OpinionWay, à la suite des présidentielles, montrant le vote massif des musulmans en faveur de Hollande n'est pas sans conséquence. L'objectif est donc bien de pérenniser un avantage, certain ou supposé, et d'envisager de facto une partie de la population comme un électorat captif dont la gauche libérale au pouvoir serait la grande bénéficiaire. On appréciera ce qu'un tel calcul porte en lui de mépris pour ceux que des propositions prétendument modernes cherchent à flatter...

    Ce ne sont pas tant ces arguties électoralistes qui désolent que l'aveu du marchandage citoyen derrière tout cela. L'indigence politique de la jeunesse française, son ignorance crasse des réalités intellectuelles structurant la réflexion politique sont les premières bornes qui rendent un tel projet absurde, quasiment kafkaïen. Alors même que l'on ne cesse de materner une jeunesse inquiète, qu'on ne cesse d'infantiliser des lycéens et des étudiants dans la perspective d'une adulescence qui n'en finit pas, on vient nous chanter l'air de la responsabilité électorale, du droit à l'expression et à la décision. Je n'ai pas souvenir d'une démagogie aussi faramineuse. À ce titre, madame Bertinotti mérite le respect : elle a placé la barre très haut. Au delà de sa petite personne, il y a la révélation d'une transformation même du vote. Vidé en partie de son contenu depuis l'affaire du référendum de 2005, le droit de vote devient une variable marchande d'un deal où le jeune se métamorphose en prescripteur impénitent. Il l'était déjà sur le plan commercial. Il devient l'acteur de son devenir pas encore advenu. Il a le droit et le droit fait tout. Le droit de vote à 16 ans, c'est une dilution supplémentaire du pouvoir électoral. C'est le triomphe de ceux qui n'ont pas (encore) à rendre compte pour le profit de ceux, élus, qui ne rendent que fort peu de compte.

    L'inutilité de l'apparat démocratique s'affiche par cette dernière plaisanterie funeste. Il s'agit de liquider la démocratie, en ne lui accordant qu'un vil prix. Le vote à 16 ans, c'est le plat de lentilles d'un pouvoir social-libéral qui joue les liquidateurs. Ce n'est pas un gadget mais une œuvre de longue haleine tendant à nous rendre étrangers à nous-mêmes, à nous rendre tous, quelle que soit notre nationalité, étrangers aux droits qu'on nous laisse en les ayant vidés de leur effectivité.

    Tout cela révèle un mépris profond de ce pouvoir pour ceux qu'ils sont censés gouverner. Mépris pour les citoyens de plein droit dont on estime, évalue la rentabilité électorale ; mépris pour les étrangers qui ne sont là que comme variable d'ajustement des réélections futures, d'un jeu de chaises musicales qui cachent de plus en plus mal la réalité d'un espace politique sans consistance, sans pouvoir, quand la classe politique vit bien, et même très bien...

    (1)Prenons pour preuve l'exemple de Pantin, ville de plus de 50 000 habitants où il n'est plus possible aujourd'hui de trouver la moindre boucherie qui ne soit pas halal. Les petits vieux n'ont qu'à prendre le bus et se bouger pour acheter leur côte de porc. Une mienne connaissance, un peu cynique et libérale, commente elle de la manière suivante le problème : c'est la loi de l'offre et de la demande. Voilà qui a le mérite d'être clair : le communautarisme est un marché...

    (2)Pour ne laisser la moindre ambiguïté sur le sujet, précisons de suite que je suis contre le droit de vote des européens communautaires. La question ne porte nullement sur l'origine des individus mais sur la reconnaissance du lien national avec le droit à l'expression politique. Et pour faire bonne mesure, c'est selon le même principe que je n'ai jamais compris le sens de la double nationalité, qui permet à certains de pouvoir à la fois dedans et dehors. La nation est inclusive, et dans une certaine mesure, exclusive. Je conçois que l'on ne soit absolument pas d'accord avec cette position intransigeante. Mais, en ce cas, il serait bon que ceux qui ne veulent plus des nations le disent, et clairement, ce qui n'est jamais le cas (sinon les comiques de l'extrême-gauche...)

    (3)Christiant Boltanski et Ève Chiappello, Le Nouvel Esprit du capitalisme.

    (4)Lequel national n'a absolument rien à voir avec le nationalisme étroit de l'extrême-droite, à moins que l'adjectif national soit une tache, comme l'est devenu le mot populiste.

    (5)Comme on trouvait des homosexuels attérés devant le spectacle du mariage pour tous.

     

  • La gauche libérale (III) : la langue

     

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    Bossuet, fontaine saint-Sulpice, Paris VIe


    Ainsi en a décidé le gouvernement socialo-libéral : le français n'est plus la langue nationale (et donc unique) de l'enseignement en France. Il y a désormais l'anglais. C'est, paraît-il, une manière de s'ouvrir. S'ouvrir encore. C'est leur formule, à ces fossoyeurs nauséabonds.

    Une telle démarche n'est pas sans conséquences sur les moyen et long termes, nul ne peut en douter, et l'on pourrait s'arrêter sur la question du déclin de notre culture. Je me contenterai d'évoquer un effet immédiat, une forme insidieuse de terrorisme intellectuel dont ces gens-là savent user. À protester devant une décision aussi funeste, on passe illico pour un nationaliste (et le nationaliste n'est plus, désormais, dans la doxa contemporaine que le stade ultime du facho de base...). L'affaire est bien jouée, qui réduit la pensée critique au retranchement muet et/ou à la promiscuité lepéniste, parce qu'alors il ne reste guère de choix : ou se taire, ou feindre de ne pas comprendre l'amalgame. De toutes les manières, dans cette configuration, vous êtes un salaud qui n'aime pas le monde puisque vous ne voulez pas de la langue d'autrui, et que vous vous insurgez.

    Il en va de la gauche libérale comme de l'engeance trotskyste dont elle a nourri sa jeunesse : une haine de l'Histoire nationale et un goût effroyable pour la manipulation.

    Mais brisons-là et plutôt que déverser de notre fiel plus avant, citons Richard Millet, dans Le Sentiment de la langue, qui écrit si justement que «nous ne sommes menacés que de l'intérieur». L'écrivain évoque par fragments le classicisme dont l'enseignement internationalisé de l'OCDE voudrait qu'on s'en débarrassât parce que trop français.

    *

    « Affaire purement française, le classicisme ne fait question qu'en temps de détresse. Qui l'interroge s'inquiète bien plus que d'esthétique ou d'écoles : il y va de la langue -donc de l'identité française »

     

    « La haine du « classicisme » : l'éternel procès fait à la langue par ceux qui, ayant perdu la leur, n'ont de cesse qu'ils ne soient avec elle perdus dans des vertiges et des flamboiements douteux »

    *

    « Un jardin d'acclimatation : telle je comprends la langue. J'entre dans ce jardin, je regarde le ciel, je marche : en moi la langue remuée comme des frondaisons automnales : je deviens, en parlant, homme-jardin, druide et guerrier. En moi la sève de France par la langue sourdant, telle une sueur millénaire. »

  • L'arbre et la forêt (suite)

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    Je raconte à une mienne connaissance qui est dans le droit comme on dit les belles amitiés extrême-droitières du maçon rose Cahuzac. Des amis, vraiment ? me dit-elle. J'évoque la SCI des affaires péruviennes et aussitôt son œil s'illumine. Des amis, aucun doute. Et d'embrayer. La SCI (société civile d'investissement) est une structure où l'individu s'engage intuitu personae. C'est-à-dire ? Un engagement où elle se porte garant des dettes de ceux avec qui il contracte. En clair, une prise de risque conséquente qu'on ne fait qu'avec des liens de confiance. C'est, ajoute-t-elle, la forme privilégié dans des engagements de couples ou de familles. Pas le genre de chose que tu fais avec des rencontres fortuites ou de vagues connaissances. Elle conclut : Cahuzac, les gudards, c'était des potes, des vrais, des purs, des durs...


    Photo : X

     

  • L'arbre et la forêt...

     

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    Au delà du mensonge et de la fraude, l'affaire Cahuzac charrie une autre boue dont la gauche socialiste essaie de ne pas trop se couvrir. Il ne suffisait pas un ministre du Budget de planquer de l'argent en Suisse puis à Singapour. Il fallait encore que l'histoire fasse ressortir ses embarrassantes amitiés.

    Non seulement Cahuzac a fait appel à un proche de Marion Le Pen pour ouvrir le compte qui aujourd'hui le met au ban de la société politique (mais avec une nuance qui fait sourire : tout le vocabulaire et la compréhension, y compris à droite, pour l'homme à terre qu'il est devenu, l'homme blessé, l'homme meurtri, etc, etc. Ou quand, à la vindicte morale de façade on substitue la compassion entre nantis. On aimerait évidemment que les politiques aient autant d'indulgence personnelle pour la petite délinquance, le voyou de quartier, ou le voleur pauvre), non seulement il a fait appel à un avocat fiscaliste qui fricote avec le FN, mais on apprend qu'il a eu depuis longtemps des amitiés certaines avec des gudards avérés qui n'ont jamais renoncé à leur sensibilité politique.

    Pour plus de clarté : le GUD (Groupe Union Défense) est un syndicat étudiants d'extrême-droite dont l'idéologie et les méthodes sont à tout le moins musclés. Le Monde révèle que dans les années 90, Cahuzac fréquente beaucoup Philippe Péninque (le fameux avocat qui l'aide) et Jean-Pierre Eymié, lui-même avocat. Ce ne sont pas des amitiés de jeunesse, des accointances de fin d'adolescence. Ce sont des hommes mûrs qui se retrouvent et qui s'apprécient.

    En clair, Jérôme Cahuzac, adhérent au PS en 1977, aspirant à des responsabilités politiques dans le sérail socialiste, ne s'interdit pas de côtoyer des hommes dont les options idéologiques sont celles-là même qu'est censé combattre sa famille politique. Le journal précise que «la petite bande se retrouve régulièrement depuis la fac, autour d'un golf, à Vaucresson ou à la Baule. Ou encore dans la jolie maison du cap Benat, près du Lavandou, dans le Var, chez les Eymié. Jerôme Cahuzac se met à la boxe et au vélo, comme ses deux amis.» Mieux : elle investit dans une affaire au Pérou via une société, une SCI La Rumine.

    Alors que le PS fait ses choux gras d'un discours huilé et intéressé sur le FN, qu'il nous sort à la moindre occasion le couplet du cordon sanitaire ou celui de l'arc républicain, un homme appelé à une belle carrière commence à frauder et s'enrichit avec des copains d'extrême-droite. Pour faire simple : le riche socialiste a le droit de s'accommoder de l'esprit frontiste, quand l'électeur qui glisse, à tort ou à raison, son bulletin lui aussi frontiste dans l'urne, a le droit d'être traité de facho. Ce qui pourrait sembler un acte isolé, un choix individuel avec lequel il n'est pas possible de tirer le moindre enseignement est au contraire un symptôme de plus de la duplicité des socialistes vis-à-vis du FN et des idées d'extrême-droite. Ils s'en arrangent parce qu'elles les arrangent. Elles leur permettent de fonder leur légitimité morale à peu de frais (on en voit encore les restes aujourd'hui : les pires saloperies dont ils sont responsables ne les empêchent pas d'avertir le bon peuple que celui-ci n'a pas le droit d'aller voir ailleurs et que ce serait péché que de finir dans les filets de Marion and co. Toujours la même antienne : demander encore plus de vertu aux pauvres). Elles leur offrent une virginité sans cesse recommencée.

    Cahuzac n'est pas qu'un cynique économique, qu'un moralisateur indexé à l'optimisme suisse (sur un compte bloqué...) ; il est un mensonge politique, une vacuité nauséabonde du politique.

    Or, si l'on veut bien admettre, pour l'aspect financier, la ridicule ignorance de l'exécutif, la capacité de dissimulation du ministre du Budget, il n'est pas pensable, parce que, sur un tel homme, les RG ont obligatoirement des fiches, il n'est pas pensable que ce même exécutif n'ait pas su, qu'il n'ait pas connu, et donc compris, les amitiés fortes de ce dernier pour des gens d'extrême-droite.

    C'est donc une faute politique que cette nomination, une complaisance ignoble que cette célébration de Cahuzac avant sa chute.

    Les 600 000 euros sont mesquins eu égard à sa richesse et à sa fonction. Il est cupide. Il a menti pour quelques billets (encore que ces billets, bien des malheureux voudraient pouvoir les sentir dans leurs poches, pour manger, se loger, s'habiller).

    Les amitiés non sanctionnées de Cahuzac sont pires encore. Et bien plus révélatrice de l'héritage mitterrandien dont les gouvernants d'aujourd'hui sont les rejetons pourris. De même que le Florentin avait son Bousquet, les socialistes du moment ont leur nationaliste des beaux quartiers. La classe, quoi !

    À partir de là, qu'ajouter ? Rien, et se taire, faute de mieux, devant les prochaines échéances, quand Marion et sa clique viendront rafler la mise. Cela peut faire peur sans doute, mais disons-le sans détour : rien, absolument rien, ne me détournera de l'abstention. J'ai déjà donné en 2002...

  • Du danger de l'insignifiance.

     

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    Fallait-il se contraindre à écouter pérorer télévisuellement le si normal président de la République, hier soir ? Certes non. Il suffisait d'attendre les comptes rendus du lendemain pour vérifier une fois de plus que rien n'en était sorti. Il en eût été autrement que je m'en fusse étonné.

    François Hollande est comme un livre grand public. Le nom de l'auteur et le titre sont une invitation au pays des songe-creux. La quatrième de couverture et on en a fait le tour. Encore serait-il hâbleur, orateur vaguement sophiste que l'on pourrait passer un agréable moment de spectacle. Mais, sur ce plan-là aussi, il est terriblement mauvais, avec une articulation et un phrasé désastreux. Sa victoire de juin 2012 est le fruit d'un malentendu, c'est-à-dire une situation qui renvoyait à deux paramètres distincts mais complémentaires :

    1-du point de vue de Hollande lui-même, la vacuité en trompe l'œil de son programme (vacuité au sens où il ne différait en rien, sur les principes économiques notamment, de celui de Sarkozy, et il faut être bête comme un journaliste de Libération pour poser ce matin la question « Hollande est-il encore de gauche ? ». Il ne l'a jamais été !)

    2-du point de vue de Sarkozy, la cristallisation du rejet de sa personne.

    Tout cela est une affaire de bruit, de parasitage, comme dirait Shannon. L'égocentrisme sarkozyen, la suffisance de l'hyper-président (1), l'auto-glorification et la vulgarité du bling-bling ont été les vrais indices de l'orientation démocratique, ce qui en dit long sur la santé de la démocratie hexagonale. Sarkozy était le point nodal de l'équilibre politique et de ses variations. Grenouille hypertrophiée, il apparaissait à toute heure, en toutes circonstances, pour n'importe quel sujet. Il fallait donc que tout se fît face à/contre lui. Il était un signe plein. Ce constat ne suppose nullement que ce signe qu'il était avait un sens précis, cohérent, valable, tant il est vrai que désormais le « faire-signe » suffit à créer de la valeur politique (comme il y a une valeur marchande).

    Sarkozy était un signe plein, voire débordant. Il occupait le terrain ; il nous occupait, à défaut de s'occuper de nous (2) ; il nous préoccupait. Ce tir de barrage qu'il entretenait, en vue de sa victimisation, et qu'entretenaient ses ennemis socialistes, en vue de leur réussite électorale, a masqué l'abandon du politique qui nous guettait. L'histrionisme sarkozyen a été un spectacle ; il a été le spectacle auquel ont participé les parties prenantes politiques et sociales du pays, parce qu'elles y trouvaient leur compte, présent ou à venir.

    Ce signe plein a concentré tous les maux/mots du moment. Il était la tension même de l'espace politique français et sans lui, jamais Hollande n'aurait été élu. Jamais il n'aurait pu jouer sur le registre de l'homme normal. Jamais monsieur Hollande n'aurait fait son entrée à l'Élysée. Cette normalité n'avait rien à voir avec la common decency d'Orwell. Elle n'était qu'un artifice communicationnnel, une posture, un positionnement marketing. L'affaire a réussi. De peu ! Oui, de peu, car il faut avoir un esprit sévèrement encarté pour ne pas voir que les 48,5% de Sarkozy sont un exploit qui en dit long sur l'illusion Hollande, dès le départ. La normalité avait déjà des limites. Sa vocation (?) à être monsieur tout le monde pouvait tenir comme slogan électoral, tant que le signe plein entrait dans le processus combinatoire. Mais après...

    De la normalité du corrézien, il a vite fallu déchanter. Il ne va pas au Fouquet's ; il n'est pas l'ami de Bolloré, mais on trouve chez lui un souci de l'État socialiste, du copinage et des équilibres partisans qu'on en revient vite. Sa normalité de preneur de train et d'aviateur en lignes régulières, elle ferait rire s'il n'y avait pas du tragique à l'horizon.

    La normalité, c'était, face au signe plein, l'exaltation de l'axe moral. Hollande imposait un semblant d'éthique face à l'arrogance. Une fois le signe plein sarkozyen parti se refaire la cerise on ne sait où, restait le roi nu.

    L'illisibilité de la ligne politique, la composition d'un gouvernement d'ectoplasmes (3), l'absence d'idées force, la permanente cacophonie inter-ministérielle,... Voilà ce qu'est Hollande. Ce qui nous avait été vendu pour un retour à un État humble, responsable, travailleur et moral tourne à la farce autour d'un personnage sans prise sur le monde.

    Et pourquoi cela ? Certains qui ont, comme moi, moqué la candidature Hollande le faisaient souvent au regard de l'historique de sa carrière politique. L'homme fut sans doute une brillante bête à concours (Sciences-po, HEC, et l'ENA) mais c'est à peu près tout. Il ne fut jamais ministre. Il fut le premier secrétaire de deux défaites électorales (dont un désastre, celui de 2002), sans que jamais ne l'effleurât l'idée de sa démission. Insubmersible apparatchick d'un parti sans âme, sans valeur, sans projet, sans ambition, tel apparaissait Hollande. Il était non seulement un personnage sans relief, mais aussi un homme sans idées et sans vision. Il était insignifiant.

    Insignifiant : passe-partout, capable de se fondre dans le décor, d'épouser les formes que prendront les opportunités. Ce qui lui réussît fort bien tant qu'il fallait manier la barque socialiste et jouer des différents courants qui formaient l'équipage. Mais lorsqu'il fut question du pays, de la France, qu'il n'y avait plus que lui face à lui-même, qu'avons-nous vu ? Rien.

    Insignifiant : le vide. Qui ne signifie rien, en somme. Après le bruit sarkozyen, l'aphasie hollandienne. Le signe vide. Du bavardage inaudible et de l'ankylose. La normalité s'est très vite transformée en un terrible silence. Hollande est là où, peut-être, comme Sarkozy, il avait rêvé d'être. Comme Sarkozy, à ceci près que chez ce dernier demeurait cette intime conviction de l'exception qu'il représentait. Et cette exaspérante nécessité de remplir le vide, d'aller au devant des choses, même pour ne pas faire grand chose, avait une vertu, oui, une vertu. Elle attirait vers elle la crispation sociale et politique qui traverse depuis de nombreuses années le pays.

    Il n'est pas très agréable de le dire ainsi mais tel est, me semble-t-il, la dimension salvatrice de l'hypertrophie sarkozyenne : en signe plein qu'il était, le président bling-bling phagocytait une partie du délitement social et politique. Contrairement à ce qu'on aura entendu pendant un quinquennat, ce n'est pas ses accointances supposées avec le FN, la promotion de la ligne Buisson, qui expliquaient le maintien des aspirations lepénistes et des replis identitaires dans certaines limites. C'était le rapport que Sarkozy avait imposé aux autres politiques qui amoindrissaient les extrêmes (et par effet de transfert donnaient de l'air aux socialistes qui auront, comme toujours depuis trente ans, été les vrais bénéficiaires du lepénisme, ce qui explique pourquoi ils ne veulent nullement l'éradiquer).

    Avec l'insignifiance hollandienne, il en va tout autrement, et la mise en examen de Sarkozy est peut-être la pire des nouvelles qui soient pour les élections à venir. L'UMP s'étant ridiculisé, le PS ne pouvant se désolidariser d'un pouvoir dirigé par l'insignifiance, un boulevard s'ouvre pour Marion et ses copains, parce qu'il n'est pas possible, c'est un principe fondateur de la politique lorsqu'en régime démocratique son expression est structurée par la concurrence, qu'un espace vide ne soit pas comblé.

    La présidence d'Hollande, dans son déroulement, dans le délitement progressif qu'il consacre de la politique active mise au rebut au profit d'un mensonge permanent (ne jamais prononcer le mot rigueur, ne jamais avouer que trois mois auront suffi pour mettre au placard les quelques promesses de campagne, ne pas avouer que le mariage pour tous devait être un cache-misère et que même la réaction du pays n'avait été prévu), dans l'abandon de toute volonté ambitieuse au profit d'une gestion au jour le jour, dans la promotion, même bidon, d'une gouvernance normale alors que la Ve République est conçue pour l'affirmation d'une personnalité, cette présidence Hollande est une catastrophe. Non pas en considération de ce qui n'a pas été fait, mais de ce qui est à venir.

    La preuve la plus belle de cette insignifiance est sans doute à prendre dans ce duo gouvernemental que l'homme normal a adoubé. Taubira à la Justice, Valls à l'Intérieur. Peut-on faire plus insignifiant ? C'est-à-dire, ici, significatif. Significatif de celui qui cherche à ce que tout s'annule, à ce que deux son discordants finissent par se neutraliser et que ce soit le silence.

    Il faudrait lui dire que, paradoxalement, si l'on peut être maître de ses paroles et responsables de ses actes, on n'est jamais maître du silence et de l'immobilité. Et surtout pas en politique. Parce que le silence et l'immobilité vous effacent, de toute manière. Quand le pays aura fait le tour de la normalité réduite au radotage incantatoire du président, il est à craindre qu'il veuille chercher raison du côté de la force et de l'affrontement. La montée de l'argumentaire identitaire dans toute l'Europe est un signe. vrai, celui-là. Une réalité sensible. Une perspective. Une aspiration. Il est urgent d'y réfléchir.

     

    (1)Une fumisterie de plus. Hyper ? Où ? Quand ? Comment ? On a confondu le pouvoir et la mise en scène de soi. On a identifié la capacité de faire à la turbulence médiatique.

    (2)Sauf si l'on veut bien comprendre l'expression ainsi : « je vais m'occuper de vous », soit : « je vais vous faire votre fête ». Et sur ce point, Sarkozy n'a pas menti. Il faut un efficace liquidateur.

    (3)Ayrault n'existe pas. Émergent, qu'on les apprécie ou non, Taubira, Valls et Montebourg. Pour le reste, un théâtre d'ombres. Le gouvernement le plus grotesquement nul de toute la Ve République. Malgré la parité...


    Photo : Olivier X.

  • Addendum à "Cette social-démocratie qui nous enterre..."

    Pour une confirmation de ce que le vers est dans le fruit et la rose politique  un leurre, l'ouvrage suivant qui sort cette semaine. Bertrand Rothé est professeur d'économie et on pourra lire une interview de lui ici. (1)

    Bertrand Rothé.jpg

     

    (1)Et l'épisode des escapades ministérielles pendant les vacances de Noël est, sans qu'il y paraisse, une belle illustration de ce mépris. Passons sur le fait qu'il dévoile ce que l'on savait déjà : Hollande est dépourvu d'autorité... En fait, il est assez significatif de voir prendre leurs aises avec les ordres présidentiels (et donc avec une prétendue idée que le président se ferait de l'intérêt général, même pendant la trêve des confiseurs), et de se trouver ainsi réunis, l'arrogant bourgeois Fabius dont on se souvient qu'il roula un temps en 2 CV pour faire peuple, et la parvenue Filippetti qui use régulièrement de ses origines prolétaires (jusqu'à commettre des textes de mauvaise prose), de son ascendance émigrée et mineure, en Lorraine, pour essayer de masquer toute la soif de gloriole motivant sa démarche. Que ces deux-là se retrouvent pour une semblable actualité people est fort savoureux...

  • Cette social-démocratie qui nous enterre...

     

     

    Il y a quelques jours, sur le blog de l'ami Solko (que je cite décidément beaucoup en cette fin d'année), lequel se gaussait des cris d'orfraie poussés par ceux vouant Depardieu au pilori de la bonne morale patriotique (ce patriotisme qu'habituellement la gauche trouve rance, fascisante, xénophobe, etc.), un remarquable socialiste, le sieur Blachier, s'insurgeait. Je ne commente plus les blogs (1) mais pour le coup je ne pus m'empêcher de réagir pour rappeler à cet esprit encarté que :

    1-l'histrion n'avait fait qu'appliquer les règles de l'espace Schengen et qu'il avait fort raison d'invoquer lors qu'il était européen. Et plutôt deux fois qu'une. Il est dommage qu'on lui en fasse grief de son arrangement avec les frontières quand on n'a rien fait (et les socialistes en premier que l'Europe qu'ils nous ont imposé est notre avenir) pour développer une vraie Europe sociale et fiscale. Depardieu va en Belgique. Il ne s'exile pas dans un paradis des Antilles.

    2-la construction européenne et sa conformation à une logique ultra-libérale est le fruit d'une pensée où les socio-démocrates ont été à la pointe. On se souviendra que dans les années 90, ils étaient majoritaires sur le Vieux Continent. Ils n'ont rien fait qui puisse contrer les délires du marché.

    3-la gauche socialiste française peut se targuer d'avoir ces vingt-cinq dernières fourni une escouade de choc du libéralisme triomphant. Qu'on en juge par la liste suivante :
    1-Jacques Delors, dirigeant la commission européenne (Maastricht and co)
    2-Jacques Attali, dirigeant la BERD
    3-Pascal Lamy, dirigeant l'OMC
    4-Strauss-Khan, dirigeant le FMI.

    En période de crise, il est remarquable de voir à quel point ce parti et cette famille politique hexagonale auront réussi à trouver des boulots en vue à leurs cadres éminents. Au fond, quand il s'agit de saper une certaine idée de la France au profit d'un commerce internationalisé et morbide, rien de mieux qu'un homme du PS.

    Pour développer ce point, cette convergence troublante entre social-démocratie et libéralisme échevelé, je vous invite à vous rendre sur le lien suivant, fort instructif.

    http://www.atlantico.fr/decryptage/grand-paradoxe-exces-europe-neo-liberale-sont-nes-generation-leaders-venus-social-democratie-mathieu-vieira-fabien-escalona-jean-578001.html

     


    (1)Sinon, et c'est fort rare, le très désopilant et subtil Jamais de la vie commis par Depluloin.


  • Le courage catholique

     

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    Monseigneur André Vingt-Trois, évêque de Paris, dans son discours d'ouverture à l'assemblée des évêques, a rappelé son opposition au mariage homosexuel, que l'actuel gouvernement veut instituer. Il reprend la ligne que Monseigneur Barbarin, primat des Gaules, avait déjà définie.

    Il faut être d'une inculture sidérante pour s'étonner que la hiérarchie catholique soit réticente devant un tel projet. Celle-ci peut-elle, en toute bonne foi, et selon un principe pluriséculaire, en héritage d'ailleurs d'une tradition antérieure à l'établissement du christianisme et de la chrétienté, rappeler autre chose que cette évidence : le mariage consacre une union hétérosexuelle ? Évidemment non. Faire le procès de cette position en établissant directement, comme le font les progressistes patentés de la gauche (mais on sait ici ce que je pense de l'invocation du progrès en matière politique), qu'il s'agit là d'une attitude homophobe relève du procès en sorcellerie, d'une pratique stalinienne courante. L'acharnement de ces trente dernières années contre le catholicisme est à ce point constant qu'il en est caricatural. Mais il fallait bien que les promoteurs des gender studies, des cultural studies et autres supercheries où tout se mesure à l'aune d'un discours minoritaire creux (1) établissent la hiérarchie des peines, des manquements et des responsabilités. En braves soldats de la doctrine foucaldienne, ils ont désigné le principal acteur de leur misère : l'église catholique et son cortège inquisiteur. En ce cas-là, spécifiquement, l'histoire est utile. Elle sert les intérêts du requérant. L'homosexuel, qu'on n'appelait pas encore gay, mais sodomite, inverti, pédéraste, a payé au tribunal de Dieu ses pratiques. Contester ce point serait complètement idiot. Mais se focaliser sur ce seul élément historique, je veux dire : sur ce seul axe de l'Histoire, est un peu court. Les délires médicaux sur l'anormalité des homosexuels n'avaient pas besoin de l'Église. Les aspirations positivistes et le goût des classifications suffisaient.

    Qu'il y ait, dans l'épiscopat, une certaine hypocrisie vis-à-vis de l'homosexualité, comme de la sexualité en général, n'est pas douteux. Mais, en l'espèce, il ne s'agit pas tant de cela que de définir l'ordre de la relation au mariage, jusques et y compris, dans sa définition administrative. L'invocation du mariage pour tous (2) fait sourire, quand l'institution qu'il représente se détermine d'abord dans une perspecive familiale et de protection de la progéniture (et les homosexuels ne peuvent pas avoir d'enfant, c'est un fait). Sur ce point, il aurait déjà fallu que les progressistes analysent de quoi étaient faits les textes du Code Civil. Les évêques ne vont même pas aussi loin dans la critique, et c'est un grand tort. Ils s'en tiennent à la seule contestation (très rétrograde, non?) de la famille, avec un père et une mère...

    C'est pour cela qu'on leur tombe dessus à bras raccourcis. Encore ont-ils, eux, le courage d'afficher leur position ! Car, l'une des plus remarquables abérations du moment, c'est le silence des autres confessions monothéismes, lesquelles ne peuvent, sur ce point, qu'être en accord avec les catholiques. Faut-il, en effet, penser que le silence du Consistoire juif, du CFCM et des autorités protestantes a valeur de consentement ? Il est bien curieux que ces institutions, si chatouilleuses sur leurs prérogatives, si regardantes sur les pratiques que l'on encadre quand elles entachent l'espace public d'une expression ostentatoire de l'appartenance religieuse, il est bien curieux que, sur ce point, elles se taisent toutes. Bizarre, vraiment, que les intégristes de ce coin-là, qui ne manquent jamais de rappeler ce que Dieu, ses prophètes et ses commenteurs ont dit, écrit, prescrit, ne viennent sur le devant de la scène nous avertir qu'il y a là une loi scélérate, indigne et tout à fait contraire aux préceptes religieux. On devrait leur savoir gré d'avoir ainsi modéré, voire changé, leur position. Il est évident qu'il n'en est rien. C'est d'ailleurs, par exemple, parce que le rejet massif de l'homosexualité par les jeunes maghrébins est un fait que certains s'inquiètent du glissement nationaliste, voire d'extrême-droite, d'une frange de la communauté gay.

    De fait, il est bien agréable, et facile, de voir la hiérarchie catholique monter en première ligne et de faire que les éternels geignards du minoritaire (en particulier ceux qui voient de l'islamophobie partout : CFCM en tête) puissent se taire sans montrer qu'à leur tour ils pourraient désigner d'autres minoritaires. Le choix catholique a au moins le mérite de la clarté et de l'honnêteté. Il se définit dans la plénitude d'une position affichée qui n'exclut en rien le dialogue avec les homosexuels. La question du mariage est épineuse mais, au moins, devant une loi qui lui semble contestable et dangereuse, monseigneur André Vingt-Trois ne fait pas semblant. Il ne cherche pas à s'attirer les bonnes grâces de la doxa ambiante ; il ne cherche pas à feindre et à tromper ; il ne se cache pas. Il choisit le choc frontal. Sans doute parce que la position qu'il défend est plus importante que l'estime temporaire d'une médiatisation qui voudrait à tout prix la modernité. Il est seul à prendre cette voie, au risque d'enfoncer un peu plus l'Église catholique dans la crise, au risque de donner du grain à moudre à ceux qui voient en lui l'incarnation du mal.

    Ces derniers font un calcul petit, minable et dangereux. Trop contents d'avoir l'adversaire qu'ils s'étaient choisis depuis longtemps, et lui seul, car les autres sont tapis dans l'ombre, ils pavanent. Ils seront heureux de brandir la loi, une fois qu'elle sera votée, heureux et heureuses de pouvoir être comme tout le monde, marié(e)s, et d'avoir, dans les grandes largeurs, niqué les cathos... Ils se trompent, et lourdement...

     

     

    (1)Creux, quoique assez efficace, si l'on en juge par certaines évolutions visibles dans les institutions. Il est dès endroit, aujourd'hui, où le minoritaire est un universitaire hétérosexuel. La cooptation existe aussi chez ceux qui hurlent à la ségrégation. La revendication homosexuelle est aussi une réalité et il est des milieux où elle forme un rempart entre les admis et les refusés. C'est un fait. Le dire n'induit en aucune façon que l'on soit homophobe. Encore faut-il alors souligner que, dans le monde homosexuel aussi, il existe des différences de classes : l'homosexuel du Marais peut vivre, assumer, revendiquer, voire exclure, quand celui de la banlieue de Seine-Saint-Denis est obligé de se cacher, de prendre ses choix comme une tare, et de se taire. On aimerait qu'il eût un peu plus de solidarité sur ce plan. Or, ce n'est pas avec un Gay Pride à l'esprit petit bourgeois qu'on a des chances d'y arriver.

    En vertu de ce principe, d'ailleurs, Anne Lafetter dans Les Inrocks écrit, le 17/01/2012, au sujet du livre publié par l'ancien président d'Act-Up, Didier Lestrade :

    «Un hétéro n’aurait pas pu écrire Pourquoi les gays sont passés à droite. Discriminatoire aurait-on dit, voire homophobe.» Un tel aveu est consternant, et doublement : a)il fait le constat d'un état de terreur dans le droit de penser b)il marque l'approbation par celui qui fait ce constat de cet état de terreur du bien fondé de cet état. La boucle est bouclée. Comme quoi il est toujours intéressant de fouiller les poubelles de ceux que l'on combat... 

    (2)La formule a des airs de slogan publicitaire. Le mariage pour tous, c'est plus facile, quand on sombre, comme les socialistes, dans le libéralisme intégral, que la dignité pour chacun, un toit pour chacun, un travail pour chacun. Privilégier le pluriel devant le singulier est un moyen rhétorique classique pour cacher la misère de sa pensée et pour placer celui qui conteste en position de méchant réactionnaire bridant les aspirations et l'épanouissement des citoyens...

     

    Photo : Reuters