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religion

  • Racine, Fauré et Dieu

    Ce que le présent essaie d'effacer : la spiritualité, l'histoire, le religieux, la langue, l'intériorisation pour être au monde, une part de silence et de solitude, Fauré s'en saisit avec la poésie de Racine. L'extase est brève mais profonde. 


  • De corps et d'esprit

    Ainsi donc en a décidé le législateur, évitant d'en faire la moindre publicité, comme il est habituel pour ce qui change les fondements moraux et les implications politiques des individus. Il s'agit, diront certains, de trois fois rien, et pourtant... Depuis le 1er janvier, sauf expression dûment constatée, c'est-à-dire écrite, tout décédé appartient à la science et le prélèvement d'organes est de facto. La famille, à laquelle, jusqu'alors, on demandait son consentement, quand le mort n'avait rien dit à ce sujet (Ceci concernait particulièrement les jeunes gens, et l'on comprend fort bien qu'à vingt-cinq ans, on ne se pense pas en cadavre, moins encore en vivier thérapeutique), désormais, la famille n'a plus que le droit de se taire. 

    Ce billet est au moins le moyen de préciser que, pour ma part, il est hors de question qu'on puisse me prélever quoi que ce soit. Eût-il été le fruit d'une démarche personnelle, concédé comme acte singulier, je m'y fusse intéressé. À partir du moment où il devient le résultat d'une décision étatique unilatérale, c'est niet. Mon corps n'appartient pas à l'État, moins encore à toutes les officines médicales qui font aujourd'hui leur beurre en manipulant du vivant à partir des morts (sans parler du vivant à partir du vivant). 

    On me dira que c'est manquer singulièrement d'humanisme. Certes, mais je m'en moque : je ne suis pas humaniste pour deux sous. Encore faudrait-il s'entendre sur le terme d'ailleurs, parce que la doxa ultra-libérale dont l'objectif est de rendre tout monnayable use assez aisément, avec l'aide des idiots gauchistes de service, de la corde humaniste pour justifier ses intérêts. Elle vante un progrès salvateur, une nouvelle ère scientifique dont la téléologie tourne autour du rêve d'éternité. En clair, il s'agirait de se voir à l'égal de Dieu. Je vois moins loin : je sais que je suis mortel, que je vais mourir. Je sais aussi que j'ai une âme et que celle-ci ne peut se départir d'un certain dégoût quant à ce souci affiché par les autorités concernant mon bien-être physique. Ce n'est que la poursuite illusoire d'un toujours plus dévastateur.

    Pourquoi mon âme ne céderait-elle mon corps mort au bonheur d'un quidam ? La beauté du geste, ma participation à l'Humanité, etc, etc, etc. Répondons alors que cette marche forcée pour une intégration totale, pour ne pas dire totalitaire, de l'être dans le corps économique d'une société avide de tout recycler me ramène aux analyses successives de MIchel Foucault, de Giorgio Agamben ou de Céline Lafontaine sur cette terreur ultime du pouvoir : la bio-politique. La soumission de mon cadavre aux impératifs du trafic thérapeutique est une des pires choses qui puisse arriver. Reléguer la famille au rang de spectateurs impuissants après la découpe montre fort bien que nos démocraties libérales et scientistes n'ont pas tout oublié des délires nazis (1). Il n'y a rien de plus odieux que de voir l'État vous poursuivre jusqu'au tombeau, parce que vous lui devez tout et que vous n'êtes rien. Cela est à mille lieues de ce que suppose la sacralisation de la mort par le biais du religieux. Là où celui-ci relie, rassemble, celui-là, dans sa forme néo-libérale, joue sur la désintégration morale, affective, sociale et culturelle de l'individu. 

    Dans cette décision, dont on ne fait pas, bien sûr, la publicité, il y a, dissimulé, tous les effets de cette dérive humaniste dont on voudrait nous faire croire qu'elle ne se fonde que sur la propension du pouvoir à vouloir le bien des hommes. De cette humanisme-là, je me suis depuis longtemps méfié. L'homme de Vitruve, de VInci, est l'illustration parfaite (si l'on peut dire) de cette ambiguïté. Derrière la fascination pour la perfection esthétique, il y a, on le sait, une aspiration à un absolu contenu dans un genre humain affranchi de toutes les tutelles. L'intérêt pour l'anatomie du peintre ne répondait pas qu'à des problématiques de représentation. Il s'agit aussi de creuser le mystère du fonctionnement organique auquel pourrait se réduire la magie de cette si étrange machine qu'est l'homme.

    S'occuper des corps exclusivement, ne voir en eux que des ressorts techniques, des éléments utilisables ou transférables, oublier le respect de leur intégrité (ou bien tenir cette intégrité comme une coquetterie égoïste), découpler l'histoire d'une vie avec la dépouille qui en résulte, c'est tomber dans un matérialiste pratique réduisant l'individu, jusque dans le silence de sa disparition, à n'être qu'une ressource, une variable d'ajustement, une opportunité, un système d'exploitation. 

    On s'inquiète régulièrement d'une société de contrôle, d'une numérisation des destinées. C'est une mode que de revendiquer que nous ne sommes pas des numéros. Mais cette angoisse n'est qu'une partie du problème : l'extension infinie des pouvoirs étatiques ou para-étatiques a comme seul but de nous intégrer à un processus marchand où tout peut être transactif (si j'ose ce néologisme).

    On ne s'étonnera pas que ce soit sous un gouvernement de gauche que ces horreurs adviennent. Ces gens sont les plus zélés quand il faut œuvrer, sous couvert d'intérêt général, pour de discrètes officines dont le seul credo tient non en en l'amour du prochain mais à la rationalisation des sources de profit.

     

    (1) Rien de moins et pour ceux que ce genre de propos choquerait, je les renvoie, comme exemple parmi d'autres, au magnifique modèle social-démocrate suédois et à sa pratique sur un demi-siècle de la stérilisation forcée...

  • La croisée des chemins

    Hier un homme a été tué. Un vieil homme. Il a été martyrisé. Non pas parce qu'il était français, non parce qu'il était un citoyen, mais parce qu'il était catholique. Sa qualité de prêtre accroît pour certains l'indignation ; c'est néanmoins faire de l'habit un faux argument pour évacuer le sens profond de cette abomination. J'aimerais qu'on entende bien en le disant ce que signifie cette phrase : un homme est mort parce qu'il était catholique. Qu'on la dise avec la même intensité que lorsqu'on rappelle qu'un homme est parce qu'il était juif, par exemple. Ainsi articulée, avec la lenteur qu'elle requiert pour chacun des termes qui la composent, on mesure toute la portée de ce qui se trame. L'ennemi profond des islamistes, c'est le christianisme, et plus particulièrement le catholicisme. Il l'est depuis la nuit des temps théologiques. Si l'on ne veut pas entendre toute la portée de cette menace, nous disparaîtrons ou nous serons réduits à l'esclavage. L'Autre, si cher à Lévinas, mais d'abord au message évangélique, sera éradiqué, comme l'ont été les chrétiens d'Orient et du Maghreb (essayez d'être chrétien en Algérie...).

    Mais il ne suffisait pas que le crime se fasse à l'autel, il fallait que la victime soit salie post-mortem. La république maçonnique qui nous gouverne, dont la haine pour le prêtre, est une des pensées majeures, encourageant la déchristianisation de la France, la déshistoricisation de sa population, réduisant notre passé à deux siècles de marchandages, d'obscurantisme positiviste (1), celui-ci a osé, hier soir, par la voix de son maître, affirmer que ce crime, c'était "profaner la République". Profaner ? Comment cela se peut-il ? Qu'y a-t-il de sacré dans ce régime dont l'histoire est un tissu d'inepties, une collection d'ignominies et un tableau de racailles corrompues (2) ? Où y a-t-il une quelconque spiritualité dans le jeu des pouvoirs et d'un régime qu'un profiteur éhonté dont se réclame l'actuel thuriféraire en chef qualifia de coup d'état permanent ? Comment le mépris du peuple par des gens de peu pourrait-il être sacré ? Si, au moins, à défaut de miracles, on avait au sommet de l'état Marc-Aurèle ou Cincinnatus, nous aurions moins de dégoût. Mais ce n'est pas le cas.

    On sent bien la gêne et les tentatives pour déminer le terrain. Mais ce ne sont que de piètres dialecticiens et Valls fait un aveu indirect quand il dit craindre une guerre de religions. Comment est-ce possible dans une République laïque que, paraît-il, le monde entier nous envie sans que nul ne veuille en faire le fondement de sa pensée politique ? Il est vrai que la laïcité en question a d'abord été une arme pour détruire l'église catholique et si elle avait mis autant de zèle à mater ces trente dernières années les exigences politiques de l'islam qu'elle en a mis pour pétrifier la pourpre cardinalice, nous n'en serions sans doute pas là.

    Ceux qui pensent que le chapelet des valeurs républicaines impressionne des engagés qui placent Dieu hors de tout sont des idiots, des fous dangereux. On n'oppose pas à une revendication politique confondue avec des appuis spirituels (dont je ne discute pas ici la pertinence. Ce qui prime, c'est la logique combinatoire) des principes matérialistes et bassement juridiques par lesquels nous nous affaiblissons terriblement (3). Après le Bataclan, le leitmotiv était superbe : "nous retournerons au concert et nous siroterons à nouveau en terrasse." Voilà  de quoi durcir la démocratie, politiser les foules et rendre spirituels le troupeau d'abrutis festifs qui rythment leurs existences avec Facebook, Instagram, Pokemon-Go, les Nuits sonores, Harry Potter, les rails de coke, Adopteunmec et j'en passe, dont le rapport au monde n'excède pas le temps de leur propre mémoire, et qui disent ce qu'ils pensent avec d'autant plus de facilité qu'ils ne pensent rien.

    Nous ne pourrons éternellement nous aveugler, en réduisant la spiritualité à un choix consumériste et prétendument démocratique, où le religieux est soit une grossièreté, soit un paramètre de l'expression individuelle : aujourd'hui bouddhiste, parce que c'est tendance, comme le tatouage, demain animiste, après-demain macrobio ou je ne sais quoi, au gré de l'influence des gens qui comptent ou des progrès de la science qui anéantit l'homme par le biais de la bio-politique (4).

    Il y a un siècle et un peu plus, à des titres divers, Bloy, Barrès, Huysmans, Proust ou Péguy sentaient le gouffre d'un abandon pluri-séculaire. Mais sans doute est-ce déjà Chateaubriand, à la fin des Mémoires, qui sonnait avec ardeur le tocsin, ce cher Chateaubriand dans la prose duquel, pour l'heure, je me réfugie. Voici ce qu'il écrit, dans le quatrième tome de son œuvre majeure. Le chapitre s'intitule "L'idée chrétienne est l'avenir du monde".

     

     

    "En définitive, mes investigations m'amènent à conclure que l'ancienne société s'enfonce sous elle, qu'il est impossible à quiconque n'est pas chrétien de comprendre la société future poursuivant son cours et satisfaisant à la fois ou l'idée purement républicaine ou l'idée monarchique modifiée. Dans toutes les hypothèses, les améliorations que vous désirez, vous ne les pouvez tirer que de l'Evangile.

    Au fond des combinaisons des sectaires actuels, c'est toujours le plagiat, la parodie de l'Evangile, toujours le principe apostolique qu'on retrouve: ce principe est tellement ancré en nous, que nous en usons comme nous appartenant; nous nous le présumons naturel, quoiqu'il ne nous le soit pas; il nous est venu de notre ancienne foi, à prendre celle-ci à deux ou trois degrés d'ascendance au-dessus de nous. Tel esprit indépendant qui s'occupe du perfectionnement de ses semblables n'y aurait jamais pensé si le droit des peuples n'avait été posé par le Fils de l'homme. Tout acte de philanthropie auquel nous nous livrons, tout système que nous rêvons dans l'intérêt de l'humanité, n'est que l'idée chrétienne retournée, changée de nom et trop souvent défigurée: c'est toujours le Verbe qui se fait chair !

     Voulez-vous que l'idée chrétienne ne soit que l'idée humaine en progression ? J'y consens; mais ouvrez les diverses cosmogonies, vous apprendrez qu'un christianisme traditionnel a devancé sur la terre le christianisme révélé. Si le Messie n'était pas venu, et qu'il n'eût point parlé, comme il le dit de lui-même, l'idée n'aurait pas été dégagée, les vérités seraient restées confuses, telles qu'on les entrevoit dans les écrits des anciens. C'est donc, de quelque façon que vous l'interprétiez, du révélateur ou du Christ que vous tenez tout; c'est du Sauveur, Salvator, du Consolateur, paracletus, qu'il nous faut toujours partir; c'est de lui que vous avez reçu les germes de la civilisation et de la philosophie.

    Vous voyez donc que je ne trouve de solution à l'avenir que dans le christianisme et dans le christianisme catholique; la religion du Verbe est la manifestation de la vérité, comme la création est la visibilité de Dieu. Je ne prétends pas qu'une rénovation générale ait absolument lieu, car j'admets que des peuples entiers soient voués à la destruction; j'admets aussi que la foi se dessèche en certains pays: mais s'il en reste un seul grain, s'il tombe sur un peu de terre, ne fût-ce que dans les débris d'un vase, ce grain lèvera, et une seconde incarnation de l'esprit catholique ranimera la société.

    Le christianisme est l'appréciation la plus philosophique et la plus rationnelle de Dieu et de la création; il renferme les trois grandes lois de l'univers, la loi divine, la loi morale, la loi politique: la lois divine, unité de Dieu en trois essences; la loi morale, charité; la loi politique, c'est-à-dire la liberté, l'égalité, la fraternité.

    Les deux premiers principes sont développés; le troisième, la loi politique, n'a point reçu ses compléments, parce qu'il ne pouvait fleurir tandis que la croyance intelligente de l'être infini et la morale universelle n'étaient pas solidement établies. Or, le christianisme eut d'abord à déblayer les absurdités et les abominations dont l'idolâtrie et l'esclavage avaient encombré le genre humain."

     

     

    (1)Je renvoie par exemple au clip de campagne de l'anaphorique présidence pour qui tout commence à la Révolution, à ce moment béni où l'on massacra justement des prêtres...

    (2)Le lecteur aura le loisir de se pencher sur ce que furent les scandales, les compromissions et les basses œuvres du pouvoir depuis 1870. L'exemplarité républicaine à l'aune des III et IVe versions, voilà bien une sinistre escroquerie.

    (3)C'est la ligne de conduite de l'insuffisance présidentielle : ne pas sortir des valeurs de liberté dont nous serions les porteurs universels. Dès lors, pourquoi un état d'urgence ? Pourquoi jouer sur les mots, quand l'état d'exception est, depuis longtemps, la règle, au profit exclusif d'intérêts privés et commerciaux ? Mais je doute fort que l'énarchie au pouvoir ait lu Carl Schmitt, et moins encore Giorgio Agamben.

    Quant à un exemple de faiblesse, sur le plan juridique : une preuve grandiose. La condamnation de la Norvège dans le procès que Breijvik a mené contre ce pays, pour traitement inhumain. Il est certain que c'est inadmissible de vouloir brusquer un individu qui pratique la tuerie collective et le salut hitlérien !

    (4)Dont Foucault (quel paradoxe !) esquissa l'horreur. Mais depuis, il y a mieux à lire : Giorgio Agamben ou Céline Lafontaine., par exemple.

  • La leçon turque

    Erdogan a failli se faire renverser par un coup d'état. Le putsch militaire a échoué. L'inspiration kémaliste des opposants, devant le projet islamiste du président derrière lequel se cache un dictateur classique tel que sait en produire à la pelle la politique qui n'a que le Coran comme finalité, a été balayée, à la fois dans le pays, et dans les jugements qui ont été portés par les puissances spectatrices.

    L'Amérique d'Obama s'est empressée d'apporter son soutien au menacé. Oui, Obama, celui qui devait changer le monde, celui dont l'élection fit pleurer des journalistes ignares et des citoyens imbéciles, celui dont le bilan est désastreux, si l'on considère la situation de violence et de pauvreté qui sévit dans les classes les plus populaires de ce pays, à commencer par celles qui vivent dans les ghettos, cet Obama-là, dont il ne fallait pas être grand clerc pour estimer qu'il ne ferait rien d'autre que suivre la ligne américaine définie ailleurs que dans le bureau ovale, a défendu Erdogan. L'Europe a emboîté le pas, et dans l'Europe, les islamo-gauchistes au pouvoir ont évidemment payer leur écot. L'insuffisance présidentielle a applaudi des deux mains à la sauvegarde de la démocratie turque. Et depuis que le sieur Erdogan fait régner la terreur sous prétexte d'une reprise en main, emprisonnant, mettant à pieds, limogeant à tour de bras, c'est le silence radio. La possible élection d'un candidat d'extrême-droite en Autriche les émouvait davantage.

    Nul doute que pour les temps à venir, ils nous resserviront, pour la politique intérieure, le péril brun, la menace lepéniste et leur litanie sur le fascisme qui ne doit pas passer. Sauf s'il est vert. Et puisqu'on parle des Verts, rappelons qu'un cadre de EELV, Jean-Sébastien Herpin, après la tuerie d'Orlando, revendiquée par l'EI : "la différence entre La Manif pour tous et #Orlando ? Le passage à l'acte". On appréciera à sa juste valeur intellectuelle le parallèle entre des manifestants pacifistes, dont tous n'étaient d'ailleurs des catholiques, mais qu'on réduisit souvent à des cathos fachos intégristes, et les terroristes de l'EI. Quand la haine des curés atteint ce degré, il n'y a plus rien à espérer. Mais cet épisode n'est pas, loin s'en faut, une gaffe individuelle. La police fut autrement zélée avec ces manifestants-là et les veilleurs qui leur étaient affiliés qu'avec les imams salafistes et les radicaux du Croissant. Leur couardise devant la montée de l'islamisme est leur fond de commerce.

    Ce terreau-là sert donc à défendre Erdogan et à vouer aux gémonies Marine Le Pen. C'est, en quelque sorte, un anti-fascisme  (ou prétendu tel) à géométrie variable. Cette leçon me suffit pour savoir ce que je dois faire et qui je dois craindre. Il y a peu, c'était en 2012, Valls nous servait la version du loup solitaire et Merah était un "enfant perdu de la République". Le même nous sort aujourd'hui des fiches S par milliers. Mais il ne faudrait surtout pas faire d'amalgame, c'est-à-dire ne pas placer le débat sur le plan politique, surtout pas. Sauf pour les cathos.

    Pour finir sur une note turque, revenons à ce que disait Erdogan en 1996 : « Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants seront nos soldats. » C'est le même que Hollande and co protègent. Dont acte.

  • La quiétude

    Il y a cette singulière attention que l'on doit à ce qui passe, et la nécessité de sentir que tout vient s'achever en soi, paisiblement. Le sacré, comme un soin de l'âme. On oublie (ou l'on ignore) que depuis des siècles, dans l'antériorité de leur propre disparition, des hommes ont déjà pensé à nous. Ils ont écrit, peint, ou composé. Non pas pour nous consoler mais pour que nous ayons moins peur. Moins peur de vivre et de mourir. Ainsi ne faut-il pas prendre le Funeral Canticle de John Tavener avec angoisse mais dans la quiétude de ce qui vient de loin, passant les siècles comme nous allons nous-mêmes passer...


  • L'Ignominie

    Aux idéologues et aux béats du "vivre ensemble", il faudrait demander qu'ils viennent, les yeux dans les yeux, s'expliquer devant ceux qui vont devoir "vivre avec", avec leurs morts, leurs blessés, leurs terrorisés, blessés et terrorisés eux-mêmes. Quand on a l'humanité en étendard et les bons sentiments perpétuellement à la bouche, cela ne devrait pas être difficile.

    En attendant, je suppose qu'ils se féliciteront de la visite présidentielle à la Grande Mosquée en ces temps de commémoration. Il est vrai que les musulmans ont beaucoup souffert en 2015. Douze morts dans les murs de Charlie-Hebdo, plus de cent trente dans les rues parisiennes. Ils méritaient bien d'être réconfortés. 

    Mais ce n'est pas ce qu'on attend. Pas du thé et des loukoums. Seulement une relecture sérieuse et sans appel du texte sur lequel d'autres musulmans s'appuient pour assassiner, torturer, asservir, violer, méprise. Parce qu'il faut le dire une fois pour toutes : nul ne peut, à commencer par les autorités religieuses, s'arroger le droit de contester leur foi, quand cette foi et ces actes se fondent, comme le fait l'État Islamique, sur des sourates dont ils ne modifient pas une ligne, pas un mot.

    Tant que cela n'aura pas été fait, la visite présidentielle est une insulte aux morts et à l'intelligence...

  • La Mort de l'esprit

    La une de Charlie-Hebdo qui paraît demain, pour commémorer le massacre de l'année passée, fait polémique. Plus : elle déclenche l'hostilité et ceux qui ont payé un tribut démesuré pour la liberté d'expression contre l'islamisme se retrouvent sur le banc des accusés. Et pour le coup, tout le monde s'y met : les musulmans, mais aussi les catholiques. Les politiques ne sont pas en reste. Il paraît que le dessin de Riss ne fait pas rire Juppé. C'est déjà un indice. Qui peut imaginer que Juppé ait de l'humour... Passons. À gauche, Le Guen est gêné. Bref, tous ces jean-foutre ne sont plus guère Charlie. L'ont-ils d'ailleurs jamais été ou bien n'était-ce qu'une pause, une posture (une de plus) ? Est-ce d'ailleurs la bonne question ? On ne peut pourtant pas l'éluder puisque on a fustigé ceux qui ne l'étaient pas. Et je ne l'étais pas. Pour une raison simple : je ne collabore pas et parmi les émus de janvier 2015 bien des responsables politiques avaient la lâcheté comme marque de fabrique.

    Retour sur cette une. Fait-elle rire ? Pas vraiment. Est-elle faite pour qu'on se marre ? Je ne crois pas. Elle évoque un état du monde. Riss voit son environnement et les effets de la terreur avec un œil sombre et un esprit très noir. Peut-on lui en vouloir ? Moi, pas. Ce dessin ne me fait pas rire. Mais il ne m'offusque pas non plus. Ma foi n'est pas atteinte. Elle n'est pas atteinte parce qu'elle ne peut pas être ébranlée par trois coups de crayon. Je peux trouver ce dessin mal fait, imprécis, vulgaire, provocateur... Soit. Et après ? Il en faut bien plus pour que je renonce à Lui ou pour que je me sente l'envie (sans parler du droit) de faire justice. Mon catholicisme a plus d'envergure. Je plains ceux dont la croyance ne résiste pas à un dessin et les autres, qui n'invoquent pas leur croyance mais réprouvent la provocation, m'écœurent. Il leur en faut peu. À bien des égards, leur faiblesse est pitoyable. C'est un travail d'introspection qu'ils devraient faire plutôt que de désigner le coupable et de s'afficher en victime.

    L'athéisme est de ce monde, qu'on le veuille ou non. Cela signifie que Dieu (ou quelque nom qu'on lui donne quand on croit) tolère cette absence de l'homme à Lui-même. Voilà qui n'est pas rien et qui devrait pousser à la réflexion et à la (re)lecture. De Saint Augustin, par exemple, qui rappelle qu'il "croit pour comprendre". Ou de Descartes qui concilie la foi et la raison. Certes Les Méditations métaphysiques ne sont pas très fun... N'empêche. Il y aurait, de cette façon, matière à ne plus balancer de manière délirante sur une opposition absurde : Riss ou Dieu. Opposition qui gonfle à l'excès le premier et dévalorise singulièrement le second.

    Plutôt que d'invoquer le droit à la provocation de l'esprit républicain (lequel est un esprit de bas étage, avec les sanguinaires de la Révolution, Ferry et Jaurès comme hérauts/héros...), remontons dans le temps et retrouvons l'audace d'un Véronese ou d'un Caravage, lesquels croyaient puisqu'il ne pouvait en être autrement (1). On verra alors que l'ardeur du trait et les détournements du texte n'ont pas empêché Dieu d'exister. La lourdeur stupéfiante et provocante du corps christique dans la superbe Déposition de croix peint par le second n'a pas interdit que l'œuvre soit aujourd'hui un des joyaux du musée du Vatican. Il ne s'agit pas de rapprocher Riss de ces artistes mais de réduire justement le scandale à ce qu'il est dans le temps présent : une fabrication ordonnée, une manipulation de plus de la part des fanatiques, avec le blanc-seing des résignés et des couards et la complicité des médias.

    (1)Constat qui n'est pas une affirmation gratuite et triomphante mais une reprise assez banale de ce qu'il y a de meilleur chez Foucault. On ne peut pas penser totalement hors du monde qui nous entoure.

     

  • Florilège hebdomadaire

    Le roi de Macroncéphalie a expliqué aux Français qu'ils étaient en partie responsables des attentats qui ont atteint leur pays. "Le terreau sur lequel les terroristes ont réussi à nourrir la violence, à détourner quelques individus, c'est celui de la défiance". Voilà qui méritait d'être dit. Il est vrai que l'islamisme ne touche que le territoire hexagonal : Jemaah Islamiyah en Indonésie, Boko Haram au Nigéria, Les chebabs somaliens, les Talibans afghans, Al-Qaïda, Abou Sayyaf aux Philippines, et j'en passe, tout cela n'existe sans doute pas pour lui. À moins que les susdits Français ne soient eux-mêmes responsables de toutes les dérives de l'islam, ne serait-ce que parce qu'ils n'ont pas su l'empêcher...

    Le roitelet de Bordeaux veut maintenant "écraser Daech". Il ne dirige rien, sinon sa mairie. Peu importe : il parle, il donne le cap, se place en sage et en responsable, oubliant seulement que tout ce qu'il dit depuis une semaine est à l'opposé de tout ce qu'il disait jusqu'alors. Il oublie seulement que pour sa redécouverte de Bachar Al-Assad, il a dû prendre des cours de géo-politique chez Marine Le Pen. Il ne chute pas de très haut, néanmoins, vu qu'il a toujours volé très bas (quand c'est Chirac qui fait de vous "le meilleur d'entre nous"...)

    François Baroin, le Harry Potter de la politique, qui n'a pas réussi à finir premier ministre et s'est dès lors replié sur la suffisance double : municipale et sénatoriale, comme un Prudhomme weight watcher, dirige l'association des maires de France et décrète que l'urgence est à l'interdiction des crèches municipales, pour cause de laïcité, laquelle laïcité n'est que le cache-misère d'un anti-catholicisme maçonnique. Mais quand on se rappelle qui était son père dans la hiérarchie de la règle et du compas, on ne s'étonne pas. Ce triste sire ouvrait moins sa gueule quand la mairie de Paris fêtait la fin du ramadan. Je ne doute pas qu'il demandera l'intervention policière contre les résistants.

    Le normal président, sérieux comme Forrest Gump, demande aux Français de hisser les couleurs nationales, ce vendredi, en hommage aux victimes. Rien de moins : le fossoyeur de la Nation, le collaborateur d'un coup d'Etat permanent, depuis le contournement du réferendum de 2005, vient donner aux citoyens des leçons d'humanité et de patriotisme. Ce drapeau qu'il a réussi à ridiculiser jusque dans la photo officielle qui trône dans les mairies (là où les crèches sont à proscrire...), il voudrait que les hommes et les femmes de ce pays s'en drapent pour qu'il puisse lui pavoiser sur la misère des victimes. Ce sera sans moi ; j'aime trop mon pays et comme disait de Gaulle : "je me suis toujours fait une certaine idée de la France".

    On aura compris : si la violence et la terreur augmentent, la bêtise n'est pas en reste. Il va falloir que la résistance s'organise, et d'une manière autrement plus musclée dans les têtes. Si la France doit s'en sortir, c'est d'abord par une reprise en main de sa destinée, de son histoire, de son passé, de sa religion, de sa culture. Pour parodier Poutine, cela suppose qu'on poursuive la connerie jusque dans les chiottes. Peu ragoûtant mais nécessaire.

     

  • Le fonds du pays

    Durant l'été 94, à Espalion, devant une charcuterie dont on t'avait vanté la réputation, tu entendis deux hommes, la bonne cinquantaine, conclure leur palabre d'un "adieu" rocailleux et franc. Un adieu, là où toi-même tu aurais choisi un "au revoir" ou un "à bientôt".

    C'est l'usage de la région, appris-tu, un usage ancestral qui ne peut se comprendre si l'on ne récrit pas comme il se doit ce que l'on vient d'entendre : "à Dieu" et non "adieu", ainsi que Montaigne conclut son avis au lecteur qui inaugure ses si éblouissants Essais : "A Dieu donq. De Montaigne, ce premier de mars, mille cinq cens quattre vins." (1)

    L'archaïsme peut surprendre, mais ce n'est pas cette distance dans le temps qui a conservé en toi vivace ce si anodin souvenir. C'est la persistance propre d'une existence placée sous la figure de Dieu. Une telle puissance de la parole, ce marquage de la langue en dit long sur cet enracinement d'une histoire humaine, et proprement européenne, dans la lumière divine. La croyance, dans l'à Dieu, n'est pas seulement la nomenclature d'un ordre transcendant ; elle est la confiance en l'avenir et la douceur de s'en remettre à plus que soi. Se dire à Dieu, c'est alors espérer plus que de raison qu'on se retrouvera parce que la bienveillance et la miséricorde sont présentes.

    Si, pour la langue, on pense à un archaïsme, sur le plan de l'expérience humaine, il en va tout autrement. C'est la persistance, dans un espace rural, d'une longue tradition. Et, d'un coup, l'origine est prise pour une étrangeté, voire une faute, et la falsification pour la norme.

    Cette "remontée des âges", cette ferveur dont la langue porte la trace, la République maçonnique qui nous gouverne voudrait la réduire en cendres. Elle rêve que nous ne soyons de nulle part (belle singularité dans les termes), et que notre vie, déracinée et mondiale, puisse ne plus entendre cet "à Dieu" sinon dans son évidement lexical, comme le allô, symbole de la fonction phatique définie par Jakobson. Il est une gêne dans le révisionnisme historique en cours, qui veut nous imposer un passé s'arrêtant aux grandeurs de la Révolution (2).

    Cet "à Dieu" dont tu sais, dont tu sens, qu'il n'est pas une simple formule conclusive, une manière fortuite de se quitter, il n'a jamais quitté ta mémoire. Longtemps, tu ne lui prêtas qu'une dimension intellectuelle. C'était oublier l'essentiel. Un essentiel qui déjà t'émouvait en parcourant les travées de Vézelay, la simplicité de Santa Maria in Cosmedin, en contemplant les Scrovegni peints par Giotto, une madone du Corrège, en écoutant la moindre cantate de Bach...

    Il ne faut pas se leurrer, et même si la mélancolie est la plus constante de tes amitiés, l'heure des choix est venue, l'heure sans doute de se dire "à Dieu"...

     

    (1)On s'en doute : les éditions dites "modernisées" passent outre et font la faute... Mais le lecteur de ce blog sait ce que je pense de la "modernité" orthographique infligée à Montaigne (et à d'autres)...

    (2)Il suffit de revoir le clip de campagne de François Hollande, sur ce point très édifiant.

     

     

  • Monacal

    Au milieu du barnum florentin, l'un des seuls endroits qui réserve encore des élans de grâce est le couvent San Marco, jadis occupé par les dominicains, et notamment par Savonarole. L'austérité conventuelle et la moindre concession au spectaculaire (à l'inverse du Duomo, si on veut faire court) expliquent sans doute cet intérêt mineur du voyageur.

    L'œil et l'esprit y trouvent pourtant un réconfort certain puisque Fra Angelico y a œuvré avec puissance et sobriété. Outre L'Annonciation qui vous accueille en haut de l'escalier, les cellules, à l'étage, abritent des fresques merveilleuses, à commencer par le très célèbre Noli me tangere. Comme toujours Il Beato allie la simplicité de l'art à une profondeur quasi mystique (il était dans les ordres...). Ce qui semblera, à l'aune des maîtrises techniques de la Renaissance, une expression religieuse naïve (un peu comme Giotto) est en fait l'admirable traduction d'une foi qui subsume la peinture comme art de la Révélation (ce qu'on a fini par concéder au diktat esthétique, pur produit des Lumières, comme rationalisation de la peinture en tant que marché). Ainsi imagine-t-on que les cénobites ne furent pas dissipés par ces fresques mais affermis dans leur lien avec Dieu.

     

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    Et de se demander d'ailleurs ce qu'est une cellule monacale ? Une chambre, si l'on veut formaliser son usage le plus simple... Certes mais comment en saisir la pleine vérité qu'occulte cette détermination technique ? Car, hier comme aujourd'hui, la cellule monastique est un lieu singulier. Elle est définitivement le reculé du reculé, le retranché du retranché. L'enceinte religieuse marque la première fermeture et, selon les ordres, règnent le silence complet ou la parole mesurée. Dehors le babil ; à l'intérieur la prière et la méditation. Alors, le profane s'interroger sur ce que peut être la solitude quand on a déjà été seul une partie du jour, ce qu'est le silence absolu quand on a à peine parlé. La chambre du commun, elle, accueille le repos d'un esprit agité par le monde. Elle est une rupture (1). Mais la cellule de San Marco est un approfondissement, la continuité de ce "hors-de" si radical qu'il devient un sujet de terreur (2). Comment se taire davantage ? Comment revenir plus avant encore à soi, tout en étant en lien avec l'Autre par excellence ?

    Plus qu'une chambre classique, la cellule monastique est l'endroit de celui qui l'habite, et le dénuement du lieu n'y est pas pour rien, paradoxalement. Nul besoin de signature, du bibelot au poster, du meuble au papier peint, puisque la spartialité et l'exiguïté sont les preuves même que le précieux est invisible. Il ne se montre vraiment que dans l'ordonnancement intérieur d'un esprit justement habité. La cellule n'est pas un havre ; sa finalité n'est pas le sommeil, moins encore l'oubli. Elle est incompréhensible en ce siècle qui accélère sa course vers l'amnésie.

    C'est donc avec trouble que l'on pénètre dans ces retraits de San Marco, et notre étonnement devant ce vide qui n'en est pas un est infiniment plus redoutable que notre ignorance théologique devant une des œuvres de Fra Angelico. Le mystère n'est pas toujours où l'on l'attend...

    (1)Mais faut-il encore l'écrire ainsi ? Comme tout le reste (l'univers ultra-moderne est totalitaire), elle concède au terrorisme technologique ; on y trouve maintenant la télé, la chaîne hi-fi, l'ordinateur, et le portable veille sur la table de chevet. Il n'y a plus de monde révoqué ; ce n'est plus possible. L'homme contemporain est à demeure dans le siècle, attachant son devenir à ses prothèses communicationnelles.

    (2)Je me souviens du témoignage de parents effondrés devant le désir carmélite de leur fille. Elle eût été porno star que leur affliction n'eût pas été pire.