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Le Bien commun

 

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Au milieu du discours vide et présidentiel d'un lendemain de déroute électorale, il y a cette phrase : « la République est notre bien commun ». Et comme si elle ne suffisait pas : « Je ne laisserai aucune de ses valeurs être abîmée ou froissée, où que ce soit sur le territoire national. »

Combien est consternante cette affirmation républicaine (forcément républicaine...) sonne creux, sans doute parce que la petite morale de gauche s'est tellement emparée de la République qu'elle en a vidé la substantifique moëlle. La République n'est pas une essence intangible ; elle n'a pas la vertu d'incarner notre histoire et notre devenir. La République socialo-hollandaise est une parole rétrécie à quelques symboles qui ne fonctionnent plus. En l'évoquant ainsi, il invoque les mannes révolutionnaires, les heures choisies d'une résistance magnifiée et trompeuse. Si la République est notre bien commun, alors notre bien commun est pourri. Elle n'est plus que l'état transitoire d'une vitalité qui devient cadavre. La République n'est pas un en-soi, surtout lorsqu'elle a vu fleurir les comportements mafieux, le népotisme ministériel, l'incurie et l'incompétence. Il n'est même pas nécessaire de donner des exemples : la désaffection des abstentionnistes suffit à définir le dégoût.

Les républicains, c'est-à-dire ceux qui désormais transforment un régime politique particulier en finalité quasi divine, les mêmes républicains, qui utilisent l'ordre symbolique de la Révolution française pour interdire de penser autrement, ces mêmes républicains sont des cuistres, des vaniteux, des petits-maîtres ridicules.

La République n'est pas un bien, c'est un instrument, une méthode, et, arrivé au point où nous en sommes, une chaîne. Une chaîne d'autant plus lourde qu'elle est devenue le bien propre de ceux qui s'en prévalent, leur chasse gardée, au point qu'ils s'indignent de leurs revers électoraux.

 

Mais, pour celles et ceux qui sont pour un temps partis loin de ce pays, ce n'est pas à la République qu'ils pensaient. Eût-elle été une monarchie constitutionnelle ou une simple démocratie populaire qu'ils n'eussent pas éprouvé un sentiment dissemblable à celui qui les animait quand, dans un avion retraversant l'Atlantique, à l'annonce que dans vingt minutes ils atterriraient à Roissy, ils se disaient qu'alors, quoi qu'il advînt (explosion en vol ou crash sur la piste), ils mourraient en France.

Ce n'était pas la République à laquelle ils demandaient ce sentiment ; ce n'était pas pour elle qu'ils étaient traversés de telles émotions, mais pour le pays, la nation, le sol. Pour cette certitude du lien qui vous fait sentir la limite, la frontière, la différence du bosquet français et de la haie belge, de l'enclos français et de la pâture espagnole, du buron hexagonal et de la cabane transalpine. Pour cette épreuve épidermique que sont les traversées de la Beauce et de la Bourgogne, pour l'ineffable de l'enclos paroissial de Lampaul-Guimiliau, pour l'humide forêt au-dessus de Charleville-Mézières, pour les marais vendéens, pour la montée si douce vers Saint-Agnès, pour la bascule des toitures d'ardoise vers celles de tuiles.

La vue, le sensible des architectures, les clochers de Martinville, la brume qui se lève sur le mont Aigoual ou les nuages paisibles au-dessus de Trigance, mais aussi les odeurs, le salé de la baie de Cancale ou l'humide automnal du Tronçais ; mais aussi le goût, entre l'andouille de Vire et les tielles sétoises ; mais aussi le rythme, entre l'ennui de la gare de Mézidon et une nuit passée dans un wagon à Chambéry ; mais aussi le bruit craquant du bois qui brûle face à la mer, sur une plage rhétaise ou celui d'une passée aux canards, en Brenne ; mais aussi, mais aussi, mais aussi, jusqu'à ce que l'envie de dormir ne vienne suspendre la présence infinie du territoire, de la nation en sa force magistrale, qu'aucun ordre, fût-il républicain, ne pourrait épuiser.

Notre bien n'est pas dans la litanie des articles constitutionnels dont se gargarise le locataire éphémère de l'Élysée, lequel locataire devrait se rappeler que l'endroit fut un temps un garde-meubles. Notre bien n'est pas dans la parole vaine d'un petit concierge ensuffragé. Notre bien est dans ce qui ne se dicte pas, mais dans ce qui s'éprouve, dans cette différence qu'on veut nous retirer au profit d'une différence qui anéantit tout, d'un mondialisme dont la République présente est une collaboratrice zélée.

Notre bien est dans ce par delà l'envie d'être français qui ne se décrète pas, parce qu'il est une part indéfectible de nous-mêmes. La République est devenue pour certains une affaire de papiers, de droits, d'indemnités et de prébendes. La Nation, c'est bien plus...

Cela sonne évidemment très barrésien, et c'est donc fort suspect (1). Alors soyons suspect... (2)

 

(1)Pour celles et ceux qui veulent les échos barrésiens d'Off-shore, c'est ici, , , encore, et pour finir, là...

(2)Mais ce n'est pas moi, au demeurant, qui ai défini Barrès comme le premier intellectuel français. Il faut lire Michel Winock, qu'on ne peut soupçonner de complaisance à l'égard de cet écrivain.

 

Photo : Yannig Hedel

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