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via porta ticinese

  • già via Porta Ticinese

    PORTA TICINESE (ed SAEMEC).JPG

     

    Dans le centre de Milan, la via Porta Ticinese a un petit côté rebelle. Certes, comme on le sait désormais, la rébellion est plus un jeu qu'autre chose. Elle est une posture possible, sous contrôle et sans réel avenir. C'est une manière de se raconter des histoires et de faire durer le plaisir de la marginalité et de l'adolescence. La via Porta Ticinese a donc ses graffitis, ses tags, ses panneaux revendicatifs, ses murs barbouillés, où quelques récalcitrants, peut-être inspirés pour certains par Basquiat, vitupèrent et font du social.

    Il n'y aurait rien de très mémorable si tout au long de cette rue, sous les plaques municipales qui en rappellent l'identité, un inconnu (ou un groupe) ne l'avait rebaptisée avec un à propos qui dépasse les coups de balais habituels. Ainsi lit-on : via dell'ironia. Non è una conseguenza ma una necessità. Rue de l'ironie. Ce n'est pas une conséquence mais une nécessité.

    On a tant d'appellations en forme d'hommage (Jaurès, de Gaulle, Jeanne d'Arc,...) ou déterminés par l'environnement (l'église, le marché, le pont,...) qu'on remarque cet écart par le choix même du mot : l'ironie. Imaginons que nous introduisions ainsi une réalité moins monumentale, topographique ou historique. Rue de la métaphore, boulevard du mensonge, avenue de la gourmandise, impasse du péché (forcément...), place de la fatigue, allée du courage, square de la soif...

    Pour l'heure, c'est l'intrigant décalage que le commentaire qui fait le sel de l'affaire, puisqu'il oriente l'ironie dans un sens facétieux. Pas une conséquence mais une nécessité. Qu'est-ce à dire ? Qu'il ne faut pas découvrir l'ironie ou en user quand les nuages s'accumulent, que l'inquiétude gagne et que le découragement s'intalle. Si être ironique devient un choix en désespoir de cause, il y a fort à parier que toute parole sera amère. L'ironie sera atrabilaire au pire, mélancolique au mieux. Elle aura à sa façon reconnu, pour qui y recourt, la défaite consommée. Ironique, à ce titre, pointe la paralysie. Elle est un trait d'esprit, quand la matière politique a pris barre sur l'esprit.

    Mais le poète de la via Porta Ticinese voit les choses autrement. L'ironie est une nécessité. Elle est là avant que tout se joue, comme un étai majeur à l'avancée dans la vie. Elle n'est pas une saillie brillante et drôle mais une tournure profonde de l'âme pour neutraliser l'ordre et se faire un chemin dans le labyrinthe de la vie. L'inconnu qui a placardé une telle revendication donne une magnifique leçon d'optimisme.

     

     

    Photo : SAEMEC