Je ne puis désormais exister (c'est-à-dire être légitime dans mon être mondialisé) que dans l'architecture d'une tonalité à la fois rétrograde, profondément castratrice, et , last but not least, illusoirement libertaire. Mon isotopie fondamentale est l'errance. La migration est ma raison d'être, pour me confronter à une autre migration, qui me rendra agressif, régressif, incertain. Je suis l'homme du XXXIème siècle, à l'usure du déplacement, à l'isolement programmé de l'homme achevé par la banlieue, par la décrépitude des murs, par l'insalubrité de l'atmosphère, par l'illusion de l'ambiance.
Je suis le mort, à la fois absent et totalement là, qui enterre les vivants. J'objecte, à la rigueur supposée de la moindre philosophie existentielle, la réalité inconnue de la mort sans voix. Je ne parle pas ; je ne hurle pas. Je ne suis pas aphone mais inaudible, affublé d'un masque, nanti d'une langue étrangère. Je suis le barbare. Je suis le dialecte perdu de l'Histoire. Je suis la négation du devenir et nul sommeil, fût-il le plus réparateur, ne me fera oublier le petit jour qui vient : glauque, abstrait, répétitif...
Photo : Philippe Nauher