La brume polluée s'est installée au sol. Le méthane et le plomb filent dans les rues. Les temps sont devenus, météorologiquement parlant, binaires. À la canicule souveraine, sous un soleil qui semble ne jamais se coucher, succède la marne vicieuse des épisodes humides. C'est le feuilleton de l'été, puis celui de l'hiver. Dans les deux cas, les bronches et le nez sont pris. Le monde entre de force par les yeux.
On ne peut réduire cette alternance à la seule considération technique des variations saisonnières. La gorge engourdie de vapeurs ou la brûlure asthmatique de nos poumons sont comme l'intériorisation pathétique de notre misérable condition, dont les âmes progressistes nous expliquent pourtant qu'elle ne cesse d'aller vers le mieux, reléguant le passé à un chancre moyenâgeux.
Il est un millénarisme plus effroyable que les terreurs théologiques auxquelles se réfèrent les lubies sectaires : celui d'une assomption sans retour sous les augures des fumeuses cheminées, des électrons accélérés et de la climatisation intégrale de nos existences.
Photo : Philippe Nauher