Il avait choisi de vivre dans une impasse. Ce n'était pas une question de confort, un goût assez plausible pour la tranquillité ; il s'agissait d'être lucide. Sa demeure était au fond de la rue. Elle était celle que l'on voyait quand on s'engageait dans la voie Maurice-Corbier. Il s'amusait que la dénomination même ne rende pas compte de la configuration. Il y a ainsi des mystères : un écart entre le mot et la chose.
Il avait toujours l'impression que sa maison l'attendait, qu'elle était la fin de toute l'attention, et quand derrière ses rideaux il observait les habituels et les occasionnels marcher sur le haut du pavé (les voitures chevauchaient les trottoirs à droite et à gauche, très réduits), il imaginait qu'on le prenait pour un obsédé de l'espionnage et du ragot.
Mais avec qui aurait-il bavardé de ce qu'il voyait ? Il vivait seul, n'avait pas d'amis, et s'en tenait au strict nécessaire dans les relations de voisinage.
Il avait choisi une impasse, parce qu'il n'aurait aucun moyen d'échapper à ceux qui lui en voulaient, et qu'il n'avait plus envie, après toutes ces années, de faire le moindre effort, pas même un ultime, pour fuir.