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Le récipiendaire

Ce n'est pas de la poésie, quoique..., mais il n'en demeure pas moins que tu es le recueil. Le recueil de ce qu'il ne saura jamais que par toi, dont tu seras la vérité, malgré les malignités de la mémoire, les railleries de l'illusion qui te pousseront à l'indulgence des fautes et l'exaltation de l'ordinaire.
Le recueil de ses premiers souffles, du biberon mal ajusté, du sommeil indécis, du rictus interprété en rire.
Recueillir les cris, la douleur sans raison, la peur, et les pleurs.
Tu seras la mémoire conservatoire du quotidien et du banal.
Tu arraisonneras les instants, sans jamais savoir s'il le fallait.
Tu seras l'âme de ce qui n'a pas eu d'existence pour son souvenir, mais tu ne doutes pas que son corps en ait souvenance.
Tu seras le grimoire d'un amour immodéré et l'attaché aux écritures de ses banalités (mais il n'y a pas de banalité en ce lieu de l'amour...).

Et tu piocheras jusqu'à la fin du temps qui te reste dans ces infinités et ces insignifiances pour que sa mémoire, construite et saisie, ne puisse s'abstraire du besoin d'autrui. Tu seras l'étonnement de l'advenu presque perdu sans toi.

Et comme une restitution qui fait la saveur ultime de la vie, ses propres mots serviront à parler de toi, une fois mort. Non pas comme un élément de comptabilité, comme un devoir, mais parce que la vie a besoin de ces garants pour n'être pas une mare sans reflets...

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