Quand je vois l'agitation et le cirque faisandé qui se prépare pour 2017, pour lequel on nous vend par exemple Macron pour une nouveauté (1), et le spectacle consternant de ces faux dévots, qui usent jusqu'à la corde de la rhétorique hypocrite dès qu'ils veulent s'adresser au peuple qu'au fond ils méprisent implacablement, je repense à ce roman de Gogol, Les Âmes mortes, paru en 1842. Les âmes en question sont les serfs attachés à un domaine et dont le nombre permet, entre autres, d'établir la valeur de ce domaine. Les âmes mortes désignent les serfs décédés, autour desquels le personnage principal, Tchitchikov, veut monter une escroquerie. Il s'agit d'exploiter avec indécence et la misère humaine. Tirer profit d'êtres sans droits jusque dans leur disparition. Il y a dans ce roman grinçant un je ne sais quoi de contemporain.
Le jeu dit démocratique, organisé de façon récurrente autour de l'élection, dans sa dérision morbide, alors que le délitement actuel prépare ou une guerre civile, ou un système à l'américaine, voire à la sud-africaine (ou à la brésilienne), ce jeu-là me donne l'impression de reposer sur cette conception inavouée que le citoyen est une âme morte. Non pas qu'il soit sans valeur intrinsèque, mais on lui dénie de pouvoir en faire quelque chose. Et, régulièrement, on vient secouer le cimetière pour que chacun s'exécute, alors même que le système que l'on met en place, le libéralisme débridé en appui sur la mondialisation, l'exécute.
Nous sommes, dans l'apparence de notre citoyenneté, de la même matière que ces autres personnages, de Peter Handke, les acteurs déjà morts de La Chevauchée sur le lac de Constance. Des spectres...
(1)J'y reviendrai dans un prochain billet.