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Produits dérivés (groupe nominal)

Commençons par préciser qu'il ne faut pas entendre ces termes autrement que dans un sens «clos», se suffisant à eux-mêmes (et non selon un principe qui nécessiterait un complément : le gasoil est un produit dérivé du pétrole brut, par exemple). Or, ceux-ci se trouvent dans deux domaines différents et pourtant complémentaires, en signes-reflets de l'époque actuelle.

Produit dérivé 1 : dans la finance, il s'agit à l'origine d'un système de couverture, pour garantir les risques sur des opérations précises (notamment commerciales). Ce principe s'est fort complexifié durant les années 1980 et il n'est pas facile d'en comprendre tous les mécanismes. L'essentiel n'est d'ailleurs pas là. Ce qu'il faut retenir, c'est que, dans cette logique de sécurisation des mises et de pari sur les profits à venir, le produit dérivé est, d'une certaine manière, l'élément symbolique d'une explosion de la posture spéculative, c'est-à-dire l'avènement de cette autre économie, virtuelle, qui, devant l'ampleur qu'elle prenait et les dégâts qu'elle allait engendrer (on en voit l'effet avec les subprimes, etc.), a fait dire à certains, y compris des politiques, qu'une partie des opérations financières étaient déconnectées de l'économie réelle (il suffit de voir l'effondrement de l'Islande pour s'en convaincre).

Produit dérivé 2 : dans le commerce, et en particulier, dans ce qui touche ce qu'on appelle aujourd'hui les industries culturelles et le sport, les années 80 ont vu exploser la production de biens que l'on pouvait rattache à un film, à une série, à un club : figurines, jeux vidéos, livres, maillots, etc. Il est même devenu clair que c'était là un moyen de rentabiliser les affaires, de créer des consommateurs captifs (à commencer par les enfants). Ces produits dérivés sont renouvelés autant que faire ce peut afin de garantir un flux commercial et financier, avec des gains non négligeables (C'est pour cela, par exemple, que les clubs changent, même si cela tient parfois au détail, le design de leur maillot. Vous n'avez plus qu'à l'acheter pour ne pas passer pour un has-been...).


Ces deux nominations, aussi éloignées soient-elles dans l'objet qu'elles définissent, renvoient néanmoins à un principe commun caractéristique de notre société. Il n'est rien dont on ne puisse faire de l'argent : que ce soit du virtuel ou du jeu (mais le jeu tourne de plus en plus au virtuel). Plus rien n'est gratuit, tout se paie, tout est monnayable. Quand, évidemment, nous nous en tenons à un simple écho sémantique, nous ne pouvons pas ne pas entendre la dérive, derrière tout cela, le glissement progressif vers un abîme, un inconnu déshumanisé et comptable. Ce n'est même plus la main invisible d'Adam Smith mais l'ouverture vers un infini dans lequel les besoins vitaux des individus sont engloutis par les paris monstrueux et les illusions d'une appartenance fictive et monétarisée. Cette dérive-là a un coût : celle d'une misère proche (la précarité nouvelle des travailleurs, la misère des SDF, etc.) et lointaine (les demi-esclaves de l'industrie textile, les citoyens vivant avec un dollar par jour dans un pays dont la manne pétrolière est colossale, etc.). Le libéralisme est effectivement une dérive, soit : une mise à mort du plus grand nombre et l'illusion provisoire pour ceux qui s'en sortent.

 

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