J'aime la forme inexacte, à l'heure où se retire le soleil, du lac. Il n'a plus d'horizon, ne laisse plus l'illusion de la moindre rive. Pas un bateau pour en rayer le vernis, surtout de mon côté.
Les plantes aquatiques font de la marquetterie imprécise et les nuages sur la nappe qui reflète sont en partie brisés, mais ils passent.
J'attends. Je soigne de toute ma rigueur les ricochets qui ploquent.
Le lac s'enfonce, et s'il n'y avait, lointaine, très lointaine, à peine audible, la gorge enchantée de la cascade, je finirais par croire qu'ici tout s'est durci et n'est plus que goudron.
Et cette impression me donne dans les narines l'odeur du calfat que j'aimais tant, de ces navires aventureux, affairés et cordés, dont j'aurais voulu faire ma vie, mais c'est ainsi ; j'attendrai, je dors peu, que le jour revienne lentement et que le lac reprenne ses contours exacts.
Photo : Graciela Iturbide
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