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Le beau souci de soi

L'habit n'est pas que paraître, ce paraître dont il est nécessaire (et facile aussi) de fustiger les excès. Il est aussi, parfois, le recours à une hygiène cruciale, vitale pour le dire autrement, par quoi celui qui veille à son apparence cherche moins à se faire valoir qu'à répondre à la peur intérieure et souvent tue de déchoir.

Il est ainsi toujours émouvant (ceci écrit sans sensiblerie aucune) de croiser le matin, en allant travailler ou sur le chemin du marché, des vieux, des très vieux, en retraite depuis des lustres, arpenter le boulevard en veste, chemise et cravate. On les imagine levés dès potron-minet, mi-insomnie, mi-réflexe de toute une vie travailleuse, devant la glace, à faire le nœud qui couronne le temps de se faire beau. Ils ne sont pas au bureau ; ils ne vont pas à une cérémonie. Il ne s'agit que d'aller faire une course ou de boire un café en terrasse. Les mises révèlent parfois la modestie de la condition sociale. Ils furent ouvriers, petits employés, ou travaillaient dans les services. Ils sont maintenant libres de faire ce que bon leur semble.  Alors, pourquoi se compliquer la vie ?

Sans doute par souci de vérifier que le geste reste sûr ; par désir de tenue : la raideur de l'accessoire accompagne le port du corps entier et la cravate est une colonne vertébrale symbolique, la négation du dos voûté ; par coquetterie sociale, et la mise au rencart professionnel est balayée en une aisance à porter beau.

Ces vieux à la cravate paraîtront surannés et guindés à une époque qui veut se la jouer cool. Ils ne connaissent pas le friday free. Pour eux, chaque jour est un dimanche où l'on se doit à soi-même, pour ne pas céder au découragement, à la fatigue ou à la maladie.

Ils ne bataillent contre personne mais leur silhouette, souvent sèche (simple donnée empirique : ce sont plutôt des triques que des replets), s'échine à ne pas renoncer. Pour la beauté du style.

Ils sont magnifiques.

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