Lorsqu'il était jeune et qu'il eut le droit de voter, il se retrouva devant l'urne, un matin. C'était un coffre de bois, opaque et un peu lourd sans doute, dans laquelle il glissa son enveloppe. C'était un ventre mystérieux et une fente ridicule qui lui rappela la bocca de la verità, à côté de Santa Maria in Cosmedin. Il attendait avec impatience les résultats, vivait avec intensité les victoires et les défaites, qu'il faisait toujours un peu sienne.
Puis, un jour, bien plus tard, l'urne devint transparente. On pouvait dans les premiers instants des dimanche matin d'élections compter les bulletins. Tout était clair, limpide, démocratique. Mais le vote, ce qui précédait l'acte, la longue et ardue discussion sur les désirs, les attentes et la protestation, avait depuis longtemps perdu de sa valeur. On pouvait remplir l'urne, on s'était arrangé ailleurs pour en vider le contenu.
La dernière fois qu'il alla voter, en voyant ce cube ridicule, il pensa à un aquarium. Les enveloppes en tapissaient le fond. Il était dans les onze heures. Il y aurait bien versé de l'eau et mis un poisson rouge. Les enveloppes auraient pourri et le poisson serait mort.
Il n'a plus voté...