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À la vie à la mort

Alors, se dit-il, le père n'est pas seulement qui a en lui l'héritage et le passé de lui-même et des autres, plus anciens, évanouis, morts ; il est aussi celui qui témoigne pour qui de ces temps premiers de sa propre existence n'aura nul souvenir. Le père est le réceptable et la mémoire intérieure de l'être démuni qui est le fils. Il est la parole future d'une rencontre, d'une intimité où l'un ne parle pas encore mais s'accroche à la main, à l'odeur, au regard. Il est le coffre de la véracité qu'il y eut un temps où l'enfant était sans conscience d'être. Il est le grimoire des petits faits qui n'intéresseront que l'un et l'autre. Et l'héritage commence là, aussi, dans ce qui sera rendu, par bribes, au détour d'une discussion, au passage d'un chemin, par hasard et pourtant si précieux. Ce n'est pas avoir le privilège de la parole et de la pensée que d'être dans la position du père mais un devoir insigne qu'il rend à celui qui vient d'arriver. Il n'est pas le maître mais le dépositaire délicat, avisé et attendri d'un monde qui commence par le fait même que l'enfant est là. Il note dans son corps, dans sa mémoire et dans ses larmes l'indéfectible, le chant sans égal de sa propre marche vers le fils. Il ne dirige rien et sa parole n'est pas facile. Il n'a d'ailleurs lui-même pas de mots, parfois. Démuni de ce langage qui se dérobe. Tout est dit parce que rien n'est dicible. Alors, se réjouit-il, vient de commencer une longue et belle phrase dont j'initie le thème, comme en musique, et dont nous tisserons lui et moi les variations. J'entame la relation, à la vie à la mort.

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