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L'accompli

Tout est là, dit-il, pour signifier qu'il n'y avait pas grand chose, ou plus, parce que l'intéressé, désormais absent pour l'éternité et ne pouvant se défendre, n'avait pas été économe, ou prévoyant, ou lucide. Ce sont les mots du temps... Tout est là, et il faudra faire avec, c'est-à-dire sans, puisqu'il n'a vraiment pas laissé grand chose, trois fois rien, infiniment moins que ce que les gens sensés imagineraient être la somme de toute une vie, un pécule, un magot, une poire pour la soif. Mais lui, rien, ou si peu, que tous ceux qui sont venus pour la manne, ou pour partie de la manne, n'en reviennent pas. Ils sont comme abasourdis par cette inconséquence qui frise la folie. Que lui serait-il advenu s'il avait eu besoin de ressources, s'il avait dû finir dans ces maisons si chères... Pourtant la question ne se pose pas puisqu'il nous a quittés, selon l'euphémisme en vigueur. Peu importe : il aurait dû. Et c'est de ce devoir qu'on discute dans les premières travées de l'église, et qui revient sans cesse dans les conversations qui mène au cimetière. Puis on s'éparpille. Tout est là. Presque rien. Si peu que ce pour quoi ils avaient accouru semble quasiment une charge, et qu'ils regrettent le prix de l'essence pour la route et le jour de RTT. S'ils avaient su... Mais c'est trop tard. Les fous sont malicieux et nous piègent toujours. Ils s'en rendent compte maintenant, face au notaire qui les regarde sans rien dire, mais in petto, il jubile : ils ne le connaissaient pas comme lui pouvait le connaître, et quand il a vu la horde, il a pensé qu'il avait bien caché son jeu, qu'il avait joui du monde et du temps avec une discrétion maligne et magique, sans quoi il aurait été enterré seul, comme d'autres qu'il a vus, seul, dans un trou à lui certes, mais qui ne valait pas mieux que la fosse commune, puisque personne ne viendrait. Mais pour ce coup-ci, ils étaient tous venus, et tout était là, comme une relique d'un temps imaginaire, imaginé par eux, et qui se serait étiré jusqu'à eux pour les couvrir d'or, de gloire et de reconnaissance. Ils n'avaient plus qu' à les raccompagner sur son perron et à regarder leur dépit courroucé courir sous la pluie, comme des taupes...

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