Il était amené à disparaître. On en avait retiré les chairs. N'en restait que la carcasse. Des côtes, sans les poumons. En d'autres temps, celle-ci n'eût pas mérité plus d'égards, mais on avait depuis découvert les vertus patrimoniales. L'histoire, même défaite, devait avoir droit de cité et participer, à son corps défendant et mutilé, au bel avenir.
Certes, à s'y attarder, on verrait que l'affaire n'était pas nouvelle : les dieux grecs sont morts depuis longtemps et leurs noms servent pour des aventures spatiales, des clubs à la mode, ou pour des cinémas dont les sièges rouges, les ouvreuses et l'écran imposant finissaient à n'être plus qu'une peinture sale au milieu des trouées.
Et l'esprit ironique comprenait toute la fausse gloire de cet hommage cadavérique, grâce auquel se combineraient, sans nul doute, les charités architecturales et les souvenirs de chacun, d'avoir, un jour, passé quelques heures dans le noir pour béer aux pâleurs cinématographiques.
On croyait à une sorte de pérennité, à la grâce conservatoire, alors même que, pour démentir le comte Salinas, il fallait désormais que rien ne change pour que tout change.
Photo : Philippe Nauher