C’est un monument.
On passe à côté. On n’y fait plus attention. Il fait partie du décor.
Parfois, tu t’arrêtes, sans raison. Et tu commences à faire ton chemin dans la litanie des noms. Ici, une fratrie, peut-être ; là, des homonymes. A Prague ou à Vimy, le nombre t’a pétrifié. Il n’y a plus alors mesure d’hommes. Le mur n’est pas si haut, pour que tout puisse être lu, mais rarement tu t’es senti plus écrasé. Le mur ne raconte rien mais chacun des présents, dans son absence même, détient les clefs d’une histoire, la sienne, inconnue mais vive comme la mort qui l’a fait entrer dans le temps.
Les lettres sont en capitales souvent. Le passé est lapidaire. Plein de gravité. Les noms des morts sont des entailles dans le silence et quand tu commences à les prononcer ils sont tout à coup litaniques, comme si le mur, au-delà de toutes ces identités, n’avait conservé qu’un seul mot, indicible, imprononcé, et pourtant là : c’est le ciment secret du mur, sa féroce identité.
Un monument devant lequel on passe…