On ne les connaissait pas beaucoup. Pour tout dire, à peine. On entendait les gosses, de l’autre côté du mur. Un garçon, une fille, dans les huit-dix ans. Nous étions mitoyens pourtant. Mais leur maison donnait sur la rue de dahlias, et nous, c’est les jonquilles (nous sommes dans le lotissement des fleurs, celui de 2006. Ils ont structuré les lotissements autour d’un thème. Les Coulouarn, par exemple, sont dans celui des navigateurs, rue Vasco-de-Gama, alors que les Jorédy sont dans celui des pays, allée du Portugal. De cette façon, on a moins de mal à se repérer). On les entendait mais ce n’était pas méchant si bien que quand on ne les a plus entendus, on n’a pas fait attention. Impossible de dire combien de temps ils n’étaient plus là. Nous, on n’allait pas monter sur le mur pour voir ce qui se passait de l’autre côté. Imaginez si on était tombé sur leurs bobines, on aurait eu l’air de quoi ? des malotrus, des impolis, des gens sans éducation, des curieux, voire pire, comme dit Matthieu : des voyeurs. Et nous, on ne mange pas de ce pain-là. Nous sommes des gens bien. Donc, évidemment, on a pris un coup sur la tête quand on a appris, avec toutes ces sirènes de police, que le père, il avait tué les deux gamins et sa femme, avant de se pendre au sous-sol, après avoir tout bien rangé pour qu’on croie qu’ils étaient partis. Après, on me dira ce qu’on voudra : ceux qui étaient en face, qui n’avaient pas de mur pour les aveugler, ceux-là, je ne comprends pas. Je ne comprends absolument pas.