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bobby sands

  • Ce qui devient lointain

     

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    La disparition de Margaret Thatcher ne me bouleverse pas. D'abord parce qu'elle était vieille, ensuite parce que, si elle fut une affreuse ultra-libérale, elle eut le mérite de l'être clairement, ce qui, au regard de la tripotée de faux-culs socio-démocrates européistes qui sont venus après, affadit son œuvre. Celle-ci n'est pas si loin du massacre social que l'on nous sert depuis Maastricht. C'est bien là un des effets de l'horreur politique qui se déverse sur nous depuis vingt ans : nuancer Thatcher. Qui l'eut cru ?

    Sa disparition ne me fait ni chaud ni froid, mais je pense aussitôt à ce que fut le dégoût du groupe lycéen que nous étions quand le 5 mai 1981 nous apprenions la mort du député IRA, Bobby Sands, après 66 jours de grève de la faim, à la prison de Maze. Nous étions jeunes et sensibles, peut-être. Nous étions surtout révoltés qu'un représentant politique fût ainsi traité dans une démocratie qui nous balançait son Habeas Corpus rituel comme le comble de sa vertu civilisatrice.

    Mais étions-nous, nous-mêmes, si grands, et pas un peu dans le spectaculaire tout de même, d'être ainsi en colère, et d'oublier que Sands n'était alors que le premier d'une série de dix, à mourir, entre mai et août 1981 ? Pourrions-nous nous souvenir, si l'occasion de nous revoir se présentait, que deux jours après avoir chanté le mitterrandisme triomphant, un autre homme, Francis Hugues, était mort lui aussi. Et de lui, je n'ai nul souvenir. Je n'ai nul souvenir que nous en ayons débattu. Le flot d'information passait, notre bonheur nous occupait, l'Irlande tout à coup était loin, et Margaret Thatcher à moitié amnistiée, d'une certaine manière.

    Suffit-il de blâmer la force dévorante de l'information pré-digérée et celle du flux qui fait passer de vie à trépas les malheurs, les tragédies du monde, quand on est soi-même capable de trier, selon ses humeurs, belles ou sombres, la valeur des morts aussi proches soient-elles...