En ces heures dites festives et très clairement frénétiques, nourries de la hantise du cadeau à faire, oublié, incertain, de la dinde à farcir et de la bûche à décorer, il est bien difficile d'échapper, plus encore qu'à l'habitude, au destin de la foule, car nul ne peut, urbain qu'il est, se soustraire au devoir de travailler, au besoin de se nourrir, au désir de retrouver ses amis, et d'être ainsi dehors, ce qui nécessite de plonger dans le flot de la joie programmée, sous des arcades vicinales de lampions, d'étoiles, de guirlandes, de neige en coton, et autres joyeux visages de carton-pâte ; dans un ahurissement de regards en crise, comme des conjurations abruties de cette catastrophe promis ? fatale ? hyperbolique ?, dont les vitrines aveuglantes et les paquets enrubannés vont, un temps, annuler la noirceur ; il est bien difficile d'étouffer un haut-le-cœur devant cette trève ardente contre la réalité - c'est-à-dire la réalité des autres, effacés, du décor politique, à moins que ce ne soit votre image qui soit occultée comme un présage - montée à grands coups de chants luminaires, devant ces garde-à-vous de gras menus pour être gai (enfin), oublieux, somnolent, devant ces files de gavage (il pleut pourtant) dont vous riiez quand elles étaient à Prague ou à Varsovie, pour quelques maudites patates ; il est très difficile de croire Walter Benjamin écrivant qu'en la foule on pouvait voir "la toute dernière drogue du solitaire". Plus de drogue. L'overdose...