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les footballeurs

  • Nicolas de Staël, hors-jeu

    "Quand tu reviendras, on ira voir des matchs ensemble. C'est absolument merveilleux. Personne là-bas ne joue pour gagner, si ce n'est à de rares moments de nerfs, où l'on se blesse.

    Entre ciel et terre sur l'herbe rouge ou bleue, une tonne de muscles voltige en plein oubli de soi avec toute la présence que cela requiert en toute invraisemblance.
    Quelle joie ! René, quelle joie ! Alors j'ai mis en chantier toute l'équipe de France, de Suède et cela commence à se mouvoir un temps [sic] soit peu, si je trouvais un local grand comme la rue Gauchet, je mettrai 200 petits tableaux en route pour que la couleur sonne comme les affiches sur la nationale au départ de Paris..."

    Lettre à René Char, Paris, le 10 avril 1952

     

    Si l'on en croit ces quelques mots, l'enthousiasme footballistique, après une rencontre France-Suède, est donc à l'origine d'une série de toiles peintes en 1952 par Nicolas de Staël. Celle ci-dessous est un exemple parmi d'autres, ni meilleure, ni pire, mais représentative d'une certaine médiocrité de la série, quand on veut bien considérer l'émotion et la profondeur que ce peintre est capable d'explorer dans nombres de ses œuvres.

     

    stael les footballeurs 1952.jpg

    Les aplats marqués, l'épaisseur de la matière, la géométrie des formes : tout concourt à mettre en échec la réalité du sujet. Le statisme domine, là où sont censés émerger le mouvement du joueur et le sens du déhanchement : le dribble, quoi... Le corps à corps et le jeu des masses auraient mieux évoqué le pugilat de la mêlée, la sauvagerie des rucks, en somme : la bataille rugbystique. Il y a comme une disjonction entre l'art et son sujet revendiqué, un trop-plein du premier au détriment du second. Concentrant la représentation sur la percussion des corps, Nicolas de Stale donne l'impression que le football est un affrontement alors qu'il est plutôt une esquive, un choc, quand il s'agit plutôt de contourner. Devant ses toiles, on imagine moins les balancements de Di Stefano ou de Garrincha que la horde d'un XV déchaîné.

    Est-ce le résultat d'un engouement trop frénétique qui gâche la vitalité du peintre ? Est-ce le prosaïsme du sujet ? Est-ce l'épuisement de l'imaginaire sportif et de son imagerie qui affaiblit la puissance des toiles ? Devant ces peintures, l'ennui. À la fois trop figuratives et trop abstraites, elles manquent leur objet. On les regarde et on voudrait peut-être y accrocher des souvenirs, mais rien ne vient. La morne reconnaissance des acteurs épuise la rêverie, la tue dans l'œuf. Dommage...