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  • Le Joujou du Pauvre

    Le pouvoir en place réaliste, lucide, responsable, enfin tous ces adjectifs périphrastiques pour ne pas dire qu'il n'est qu'un pantin soumis à l'idéal ultra-libéral, a sorti il y a peu un rejeton paraît-il brillant énarque, rothschildien et de gauche. Un homme moderne. 

    Ce petit vaniteux a d'abord traité quelques ouvrières d'illettrées mais ce n'était, nous a-t-on dit, que maladresse liée à son manque d'expérience politique. Façon singulière et sans doute pas volontaire d'avouer d'abord que le politique en tant que langue est d'abord un écran de fumée et de révéler ensuite qu'en privé, ce mépris qu'on ne peut afficher ouvertement, est le terreau de notre penseur.

    Notre homme a récidivé cette semaine. il a voulu nous expliquer les pesanteurs de la France, les verrous qui l'empêchent d'avancer corps et âme, et avec profit, dans ce début de siècle. Pour que nous ayons notre part du gâteau, il faut réformer. Verbe magique qui ne veut rien dire quand on l'emploie ainsi dans sa forme absolue. Réformer, certes, mais quoi ? Le bellâtre lettré (il aime les citations pour en imposer) n'a pas tardé à nous donner la quintessence de sa réflexion, et c'est ainsi que nous avons appris que le bonheur était dans la libéralisation des transports en autocar. Rien de moins ! Devant une telle évidence, on s'étonne que nul politique n'y ait pensé plus tôt. L'oxygène économique hexagonal est dans le bus. C'est réconfortant de trouver un esprit capable de telles envolées et une belle preuve que le déclinisme ambiant n'est pas de mise.

    Et notre héraut/héros de la modernité libérale d'ajouter que grâce à cette mesure,  "les pauvres pourront voyager". Ils étaient jusqu'alors des encroûtés, réduits au petit périmètre de leur zone. Ils vont pouvoir sortir et s'aérer. Pour eux l'autocar ! et Lille-Lyon en 10 heures, ou Paris-Bordeaux en 9 heures, à moins que ce ne soit Marseille-Saint-Malo en 16 heures. Autant d'altruisme fait chaud au cœur. Du moins, si l'on veut avoir l'esprit aussi condescendant que l'auteur de cette annonce...

    Parce que cette association des pauvres et de l'autocar ne fait pas sourire celui ou celle qui a vécu aux États-Unis et qui sait qu'elle est un des signes les plus visibles de la ségrégation économique. Aux argentés, l'avion et la voiture, et éventuellement le train. Aux pauvres, le bus, pour aller de ville en ville. Était-ce à ce modèle économique et social que pensait ce prétentieux cacique de la gauche libérale ? Avait-il en tête l'approfondissement des logiques de ghettoïsation qui font que les transports, aux États-Unis, sont un trait majeur de civilisation par quoi on constate que les gens vivent effectivement sans jamais se croiser (n'imaginons même pas qu'ils puissent se parler...) ? Derrière cette mesure qui a fait sourire par son ridicule (si l'on veut bien considérer la gravité de la situation), il y a peut-être le pire de ce que peuvent faire désormais ces socio-libéraux (2) qui œuvrent à marche forcée avec le zèle des convertis. L'américanisation de la pensée se cache aussi dans cette manière sournoise de vouloir creuser les inégalités et de dessiner, dans la géographie, la topographie et les logiques de circulation, une compartimentation du monde. 

    Il eût été plus de gauche de s'inquiéter de la tarification obscure de la SNCF et des profits écœurants des sociétés d'autoroutes (1). Laissons le délire autour du TGV puisqu'il sert à des hommes d'affaires qui font régler la facture par leur entreprise, quand le voyageur lambda paie plein pot. Mais ce brillant saboteur n'a pas vocation à s'occuper de ceux pour qui son président a dit qu'il était élu. Il aime la finance, lui ; il a travaillé pour elle. Il n'aime ni les modestes réduits à n'être que des "illettrés", ni les "pauvres" à qui il réserve le confort d'un cinquante places avec clim (et la clim, dirait-il, c'est le vrai confort...).

    (1)Sur ce point, la Royal a comme ruiné tout débat sur le sujet en jouant la démagogie et le déni du droit contractuel en avançant l'idée impossible de la gratuité samedi et dimanche. Bel exemple du volontarisme médiatique (bel oxymore) en lieu et place de la décision politique...

    (2)Et le terme "socio" est déjà de trop...