En une contrée fort lointaine, un petit personnage monté sur l'escabeau du pouvoir vint un soir entretenir son peuple d'une question fort importante. Aux frontières, ou peu s'en faut, des peuples, disait-il, avaient brisé le joug terrible qui asservissait chacun d'eux. Il ne niait pas qu'il avait traîté avec les tyrans mais ni plus ni moins que ses prédécesseurs (comme si on pouvait arguer des turpitudes d'autrui pour justifier les siennes). Pour l'heure, il se félicitait de cet élan démocratique et souhaitait ardemment en être le chantre.
Ce même élan justifiait pourtant que de gouvernement il changeât car, disait-il encore, il y avait menace aux portes du pays, du fait même que ces peuples aspiraient à la liberté. Il mettait dans le ton choisi une dramatisation surprenante où s'esquissaient les tableaux apocalyptiques de hordes déferlant, de violences barbares. Pourquoi pas la guerre ? Fallait-il croire, demandais-je à un homme du lieu, moi qui ne faisais que passer, que ces populations n'avaient pour seule alternative que l'esclavage ou l'animalité ?
Je trouvais cette dialectique bien singulière et pour tout dire fort peu compréhensible, lorsque ce même homme m'apprit que le petit personnage avait monté toute cette pièce pour congédier un ministre à peine nommé. Le procédé est grotesque et ne trompe personne, ajouta-t-il, et nous sommes habitués.
De tous les visages de la bêtise, il en est un que je déteste tout particulièrement : celui de l'homme qui projette sur autrui son propre ridicule et se persuade, quand il a en plus du pouvoir, que la gente anonyme n'y verra que du feu, tant il la méprise.