usual suspects

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vincent peillon

  • La gauche libérale (II) : le coût du devoir

    éducation nationale,vincent peillon,philippe meyrieu,pédagogisme,libéralisme,culture,décervelage,iufm,classes préparatoires,normal'sup,sciences-po,ena,enseignement

     Commençons par un petit rappel : nous devons aux théories pédagogistes des gauchos post-soixante-huitards (les mêmes qui ont protégé leur marmaille en les plaçant, via un contournement sournois de la carte scolaire, dans les meilleurs établissements publics, ou dans le privé...) la faillite intellectuelle dans laquelle se trouve désormais le système éducatif français. On ne dira jamais assez combien la prétention vulgaire d'un Philippe Meirieu aura assombri l'horizon hexagonal. Il est un des plus sinistres énergumènes du dernier quart du XXe siècle. En substituant l'apprendre à apprendre à l'apprendre seul, en gonflant, à coup de mots oiseux, de formules bidon, de procédures creuses, le contenu par le contenant, il a participé de la haine de la culture dont avaient besoin les tenants les plus ardents du libéralisme dur.

    Penseur raté et méprisable (parce que méprisant), Philippe Meirieu est un objectif collabo du tournant libéral. L'abandon des référents culturels, la mise en avant du savoir de l'élève (c'te blague...), l'égalitarisme entre le maître et l'élève, le renoncement à la chronologie (quelle soit historique ou littéraire), le nivellement des valeurs, tout cela avait besoin d'un vernis populaire et d'un rhéteur magnifique, tout cela avait besoin d'un toc scientifique et d'un Diafoirus éducatif. Et pour que la pilule soit acceptable, il était préférable d'aller chercher le maître d'œuvre, non chez un vrai libéral incompétent et intéressé, mais chez des gauchistes bredouillants un catéchisme vaguement social. Ce fut donc, pour le pan syndical, le SNES, pour le plan politique les ministres des gouvernements Mauroy and co (mais la droite avait déjà flairé l'intérêt d'un donnant-donnant avec la réforme Haby de 1976), pour le plan bureaucratique, les IUFM (où des enseignants ridicules et imbus d'eux-mêmes pantouflèrent joyeusement), pour le plan des idées (!!) le pédagogue Meirieu.

    C'est un principe fort ancien : pour faire passer ce qu'on désire, il est parfois préférable de créer des complicités auprès de ceux qui produisent des idées afin se faire une niche dans le paysage. Au propre de l'étymologie grecque : des cyniques. Et les cyniques de gauche ont une maîtrise de la dialectique remarquable.

    Collabos donc d'un système qui feignait de vouloir le bien du peuple, des petites gens et des enfants de ces petites gens, ils ne faisaient que renforcer le terrible rouleau compresseur des inégalités de classe. On ne peut pas leur en vouloir : ils ne croient pas aux classes en tant qu'élément discursif et procédure d'analyse politique. Ils savent qu'elles existent mais veulent à tout prix les ignorer. Rappelons encore une fois que la gauche mitterrandienne s'est convertie au modèle ethnique et communautariste anglo-saxon et que l'ouvrier à la chaîne, surtout quand il s'appelle Dupont, ne les intéresse plus. Il n'est plus électoralement porteur.

    La destruction de l'école comme sanctuaire du savoir était leur but, en même temps qu'elle était l'attente des libéraux (des rêves de Brzeziński aux volontés de l'OCDE en matière d'éducation). Pour le coup, ils auront au moins réussi quelque chose en trente ans...

    Leur mépris en la matière est tellement souverain qu'ils ne se cachent plus. En témoigne la décision de Vincent Peillon de supprimer les internats d'excellence. Ces internats d'excellence étaient destinés à des enfants de milieux sociaux défavorisés, que l'on retirait pour la semaine d'un univers violent et pauvre, afin d'établir des conditions de travail capables de leur donner l'envie et les moyens de réussir. Une enquête qui vient d'être publiée soulignait les effets bénéfiques d'un tel choix.

    Ce choix avait un coût et Vincent Peillon a jugé que ce coût était trop élevé.

    J'attends donc que dans la semaine le même Vincent Peillon

    -Supprime Normale Sup qui permet à des étudiants de bénéficier de conditions d'études exceptionnelles, pour un coût exhorbitant, sachant que les normaliens sont pour l'essentiel le produit d'un conservatisme de caste que dénonçait déjà (et cela date) Pierre Bourdieu. Au moins les aide-t-on au mieux en les guidant comme il faut dans l'exercice des concours... Ils ont le droit à une bibliothèque qui leur est propre, ouverte H24, par exemple. L'escroquerie est d'autant plus grande que les meilleurs normaliens, qui sont censés enseigner après l'agrégation, filent aussi à l'ENA (Wauquiez, Le Maire, Fabius, Juppé) pour faire carrière en politique...

    -Supprime Science-Po, dont les dépenses par étudiant mériteraient qu'elles connaissent elles aussi la rigueur budgétaire. Il faut croire que l'aisance que s'était attribué le défunt Descoing n'embêtait pas grand monde et que les conditions faites à ceux qui se prétendent la future élite politique et médiatique de la nation doivent être à la hauteur de leur vanité. Science-Po est le terreau de ce qui mine notre actuelle démocratie : le triomphe du vernis intellectuel et des éléments de langage tirés de la com. Tout cela pour masquer une uniformité de penser. Science-Po est un titre, et rien de plus. Et tout comme l'ENA, mais bien plus que l'ENA, cette institution est la gangrène de la nation. Elle demeure parce qu'elle est le levier des nantis et des affidés pour pouvoir reproduire, et reproduire encore les valeurs dominantes. Science-Po, c'est la sécurité de l'emploi d'un petit monde, dont les thuriféraires socialistes ont leur part qu'ils comptent bien préserver. Et, dans cet esprit, l'étudiant de Science-Po ne sera jamais trop cher.

    -Revoit les droits universitaires des classes préparatoires. Est-il normal que cette espèce protégée (le prépa...) soit, en plus, celui à qui on ne demande rien.

    S'il faut faire des économies, il n'y a pas de problème. On est capable d'en faire. Mais évidemment, cela ne se fera pas.

    Pourquoi ?

    Parce qu'en ces lieux, le pédagogisme n'existe pas. Ce sont les lieux de la reproduction élitaire (et non de la production élitaire), ce sont les lieux de l'entre-nous où les nuances entre la gauche et la droite s'effacent, ce sont les lieux où, justement, l'allégeance au libéralisme bien compris se fait. Il n'est donc pas question de revenir sur les privilèges (les vrais ceux-là...) qui garantissent aux mêmes de conserver leurs positions.

    L'économie prime, lorsqu'il s'agit d'infliger aux plus pauvres les diktats de la logique libérale. Et Peillon, aspirant Premier Ministre cramé par son ego et son incompétence, avait déjà donné le la quand il a décidé de supprimer les devoirs à la maison dans le primaire. Là encore, le vernis égalitariste a voulu masquer les effets réels de cette décision. En apparence, lutter contre la discrimination entre ceux qui ont de bonnes conditions chez eux et les autres. En réalité, promouvoir insidieusement un modèle américain dont on connaît la double conséquence :

    -vider jusqu'à pas grand chose le contenu de l'enseignement

    -offrir une mane aux institutions privées, aux cours particuliers, etc. pour les familles qui contournent cette règle et assurent une sorte d'éducation cachée à leur progéniture.

    Ce n'est pas la privatisation de l'enseignement, évidemment. Parce que, lorsqu'on est de gauche, c'est impensable. Ou pour le dire autrement : inavouable, parce que les socialistes sont aussi libéraux que les partis de droite, l'hypocrisie en plus. Donc pas une privatisation, mais, peu ou prou, une mise en place de l'article 22 : démerdez-vous. Et dans cette optique, mieux vaut ne pas être dépourvu...


    Photo : AFP