Prenant modestement le relais de François Bon, de Bertrand Redonnet ou de Solko (blog : Solko), j'informe les lecteurs de mon blog que le centre des monuments nationaux vient de commander une étude pour permettre l'implantation d'une activité d'hôtellerie gérée par des entreprises privées dans une vingtaine de monuments, parmi lesquels l'abbaye de Montmajour, le château de Bussy-Rabutin, l'hôtel de Sade, l'abbaye de la Sauve-Majeure, la forteresse de Salses, le monastère de Saorge... Cette étude a été commandée dans le cadre d'une convention visant à rendre le patrimoine français «rentable». Elle est initiée conjointement par le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, et le ministre du Tourisme, Hervé Novelli.
En clair, il s'agit de brader les bijoux de famille (ici la nation) pour des intérêts particuliers. On avait déjà connu l'échec de l'idéal révolutionnaire, quand la bourgeoisie installée des années 1870 avait foulé les aspirations de l'Abbé Grégoire ou d'Alexandre Lenoir (Lire à ce sujet : Bruno-Nassim Aboudrar, Nous n'irons plus au musée, Aubier, 2000, et le très instructif Bourdieu, L'Amour de l'art, de 1969). Mais ce qui restait encore une confiscation symbolique (ce qui ne veut pas dire qu'elle ne fût pas une violence réelle) passe à la dénaturation du lieu. Une pierre de plus dans une logique néo-libérale dont Foucault, dans Naissance de la biopolitique, dès 1978, a su mettre en lumière les aspirations.
Plus de patrimoine, plus de lieux en partage. La paradoxale naturalisation de l'espace privatif appliquée à l'Histoire, non par une simple logique d'héritage (transmission des possessions aux descendants), mais dans le cadre d'une philosophie politique d'État. Même les staliniens n'y avaient pas songé. Monumental...