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Desproges, commentateur sportif

Il y a quelques jours, France-Soir titrait pleine page, photo à l'appui : "Domenech devra-t-il se passer de Ribéry ?". La question est essentielle, en effet. Elle montre en tout cas que nous sommes entrés dans une phase où l'univers va devoir remiser au placard ses misères et ses inquiétudes. Il faut  donc bien se préparer à la Coupe du Monde, à un mois de juin de folie, dans l'incertitude hexagonale née d'une équipe qui part à vau l'eau. En clair : élimination piteuse au premier tour ou finale avec coup de tête en prime ? Devant la médiocrité du jeu national, les  démêlées judiciaires de certains de nos héros, la philosophie à trois francs six sous du sélectionneur, prenons un bol d'oxygène. Lecteurs, lectrices, enfilez votre maillot, votre short, vos chaussettes, vissez vos crampons. La chronique qui suit est pour vous. Pierre Desproges la prononça au printemps 1986, sur France-Inter, pendant la campagne mexicaine.

 

« A mort le foot »

Voici bientôt quatre longues semaines que les gens normaux, j'entends les gens issus de la norme, avec deux bras et deux jambes pour signifier qu'ils existent, subissent à longueur d'antenne les dégradantes contorsions manchotes des hordes encaleçonnées sudoripares qui se disputent sur gazon l'honneur minuscule d'être champions de la balle au pied.

Voilà bien la différence entre le singe et le footballeur. Le premier a trop de mains ou pas assez de pieds pour s'abaisser à jouer au football.

Le football. Quel sport est plus laid, plus balourd et moins gracieux que le football ? Quelle harmonie, quelle élégance l'esthète de base pourrait-il bien découvrir dans les trottinements patauds de vingt-deux handicapés velus qui poussent des balles comme on pousse un étron en ahanant des râles vulgaires de bœufs éteints.

Quel bâtard en rut de quel corniaud branlé oserait manifester publiquement sa libido en s'enlaçant frénétiquement comme ils le font par paquets de huit, à grands coups de pattes grasses et mouillées, en ululant des gutturalités simiesques à choquer un rocker d'usine ? Quelle brute glacée, quel monstre décérébré de quel ordre noir oserait rire sur des cadavres comme nous le vîmes en vérité, certain soir au Heysel où vos idoles, calamiteux goalistes extatiques, ont exulté de joie folle au milieu de quarante morts piétinés, tout ça parce que la baballe était dans les bois ?

Je vous hais, footballeurs. Vous ne m'avez fait vibrer qu'une fois : le jour où j'ai appris que vous aviez attrapé la chiasse mexicaine en suçant des frites aztèques.


P. Desproges, Chroniques de la haine ordinaire, Seuil, 1987

 

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