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Ce qu'il y aurait de meilleur, peut-être (c'est à voir, je veux dire : à envisager, comme donner un visage à une éventualité de soi, d'un autre soi qui nous métamorphose et fasse qu'on ne se reconnaisse qu'à moitié), serait d'en rester là, de s'abstenir, de ne plus continuer, en rester là, tout bonnement, et donc, d'une certaine manière, rester à sa place, ici, dans l'ici tangible des êtres et des choses que nous côtoyons. Que nous côtoyons non pas par faiblesse ou facilité, parce qu'ils et elles sont notre quotidien, mais parce qu'ils et elles forment une part de nous, l'ici de notre journalité, mièvre sans doute à l'aune des éclairages du monde, fragile quant à sa durée, mais profonde, cette journalité, qui est le viatique de notre avancée à tâtons dans le lendemain, et l'autre lendemain, et l'infini lendemain qui ne peut exister que parce que nous sommes ici, et que pour être ici il faut en rester là, avoir la modestie profonde de ses inquiétudes et de ses plaisirs, en rester là du temps perdu, sauvagement en regard des taux et des seuils de rentabilité. En rester là, et ne pas franchir le seuil, justement, quand il se transforme en indice mathématique. Ce qu'il y aurait de meilleur serait de s'en tenir là et de fermer boutique, la boutique ouverte, visible, répertoriée, pour une autre, sans raison sociale dûment indiquée, parce que nous ne sommes pas des raisons sociales, mais une raison qui a besoin d'une part d'asocialité, cette part vindicative et abjecte (en considération du besoin sinistre de reconnaissance contemporain) par laquelle nous savons avec netteté et risques choisir nos amitiés, nos fidélités, de celles et de ceux à qui nous disons sans jamais mentir (sinon des mensonges de pures circonstances, qui sont la petite monnaie de l'existence), de celles et de ceux à qui nous n'avons pas même à dire : je serai là, là, tu m'entends, infiniment là.


Photo : Sabrina Biancuzzi

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