L'oiseau suit la pente la plus douce du toit, jusqu'au rebord de la gouttière. De là, il examine la cour intérieure, en de petits coups de tête secs. Puis il se lance dans ses cercles et d'autres le rejoignent. Tu essaies de le suivre du regard, au milieu de ses semblables, avant de le perdre, même s'il papillonne toujours, dans les six ou sept de même acabit, parce que le vent a fait claquer la porte, derrière toi, et tu t'es retourné. Un seul instant détourné de lui, et tu n'es plus qu'un esprit indécis. Tu vois seulement des trajectoires, et les zigotos ailés finissent par aller chanter dans le feuillage du grand marronnier.
Tu peux regretter d'avoir perdu l'oiseau, sans pour autant l'avoir perdu, simplement : qu'il soit noyé dans le ballet des autres auxquels tu ne prêtais pas attention. Petite misère de l'instant.
Petite, en effet : qu'y aurait-il de si beau à pouvoir le suivre à l'infini, à devenir capable de détailler ses moindres mouvements, comme dans les clichés de Muybridge ou Marey ?
Trop de précision et de certitudes tuent l'harmonie du monde dont un des composants essentiels est
l'entropie, la bienfaisante entropie.
Photo : Mary-Ellen Mark