Tu t'en es allé. Pas même eu l'impression que c'était une décision brute, franche. T'en es allé, à la légère, comme une fissure dans le mur, ou une faille au sol. Ce n'est ni douloureux, ni désarmant. Tu aurais cru, un temps, qu'il y aurait des regrets. Pas du tout. Proust avait raison : quand on a envie de partir, on est déjà parti et ce que l'on craignait est mort depuis longtemps.
Il n'y a donc pas de dilemme. Pas de gravité. Et tu peux même, avec la poussière qui reste, dessiner des formes, de vagues souvenirs.
Tu sautes par-dessus le fossé. Tu files à travers champs et bientôt le point obscur que tu es devenu, minuscule, insignifiant, prend, sur l'autre bord, une consistance plus grande, une forme plus lourde et homogène, et quelqu'un que tu ne connais pas encore commence à voir ton visage. C'est simple. Très simple.