Le bruit des voix, le matin, dans la salle de repos, si mal désignée, ou dans le bus, avant. C'est moins la cacophonie qui te heurte que la tension de tous ces timbres et de toutes ces hauteurs, comme s'il y avait urgence à parler, à dire ce qu'on a à dire.
Et cette convergence diffuse des éveillés sortant de leur nuit, gros sommeil ou insomnie, c'est pareil, te rend muet. Elle neutralise en toi, ils et elles retirent de toi, l'envie et le besoin de les entendre, et plus encore de les connaître.
Est-ce de la mauvaise foi ou de la lassitude ? Peut-être des deux, mais tu n'en t'en préoccupes pas très longtemps car, toi aussi, tu mets en place ta panoplie charmante d'oubli : une surdité qui médite les mots que tu lis, ou les phrases précieuses dont ta mémoire a fait son lit... Ainsi, se substitue à la palabre le fruit sucré dont tu jouis plus encore les yeux fermés... On croit que tu dors, que tu t'es assoupi. "Il finit sa nuit", entends-tu au lointain, alors que tu es justement en pleine clarté.