La lumière vient de l'intérieur, d'une source à la fois située et inestimable. Tu la reçois comme un approximé. Au contraire de tout ce qu'on pourrait croire, rien n'est clair à cause d'elle, d'abord. Elle est l'alerte, quand tu passes dans la rue, dans l'après-midi qui s'incline devant le ciel d'orage grondant. La lumière est là, mais elle n'est pas, de toute manière, ton attente, ce qui dirige ton regard et fixe ton attention. Elle est certes le fond nécessaire, impérieux, en quelque sorte : ce qui permet qu'il en soit ainsi. Mais l'important est au devant d'elle, dans la dissémination des objets, selon une histoire que tu ne connais pas, La lumière n'éclaire pas la scène, pour en détailler les éléments : elle les dé-signe, pour les mettre en avant. Ils sont sur l'estrade, plus que sur le rebord de la fenêtre, ou sur des tréteaux de rangement collés à la dite fenêtre. Tu n'en sais rien, tu as des doutes et c'est à ce titre qu'ils deviennent des figures, qu'ils portent masque. Ils ne sont pas l'ombre d'eux mais se dessinent dans leur fragilité d'objets et se magnifient de leur basse définition.
Tout procède de l'impolitesse de la vitre qui neutralise les efforts de la technicité que tu tiens dans les mains. Elle est la dérision de ton désir de précision, pour que tout soit net et qu'on puisse y voir quelque chose. Elle donne une densité qui n'a rien à voir avec le flou que tu pourrais fabriquer à partir de ton appareil. Elle n'en a pas la linéarité. Cette impolitesse varie selon un faussé qui a l'apparence de l'aléatoire. Chaque centimètre carré te semble un territoire propre, projetant un éclat particulier qui enraie ton regard et dans toute cette diffraction, tu t'accroches au goulot de la bouteille sur la droite et au haut du bocal sur la gauche, qui tranchent dans le quadrillage...
Photo : Philippe Nauher