usual suspects

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

alain deneault

  • Gouvernance (substantif)

    On a beaucoup ri de lui. On s'est gaussé de son air provincial, de sa mine bonhomme d'épicier qui aurait réussi, de sa silhouette voûtée à vous flinguer n'importe quel costume, et des formules sybillines. Il est néanmoins certain que Jean-Pierre Raffarin a été le premier ministre le plus important de ces trente dernières années. Écrivant cela, je me place sur le plan de l'inflexion du politique vers cette nouvelle forme désengagée et privée qu'aura pris désormais l'art de diriger : la gouvernance. il a d'ailleurs publié un ouvrage sur la question, en 2002, Pour une nouvelle gouvernance (1).

    La gouvernance est le mot-clé de la catastrophe contemporaine. Pour en avoir une vision claire et cinglante, il est indispensable de lire le travail d'Alain Deneault, Gouvernance. Le management totalitaire, Lux éditeur, 2013. 

     

    denault3.jpg

     

     

    50 chapitres courts sous forme de prémisses dont je publie ici la 10ème.

     

    PRIVATISER EN PRIVANT

    On feint de penser sous le vocable de la gouvernance des modalités par lesquelles un vivre-ensemble serait possible... précisément sur un mode qui contredit cette possibilité. La gouvernance désigne ce qu'il reste d'envie de partage dans le contexte de la privatisation économique. Le collectif à l'état de fantasme. Un mirage. Car la privatisation du bien public ne procède en rien d'autre que de la privation. En même temps que le libéralisme économique promeut brutalement cet art de la privation dans les milieux de ceux à qui cela profite, la gouvernance sert à en amortir le choc, pour les esprits seulement, car on n'excèdera pas à ce chapitre le seul travail de rhétorique. Privare, en latin, signifie le fait de mettre à part -c'est le contraire du partage. Privatiser un bien consiste pour les uns à en priver les autres du moment qu'ils ne paient pas un droit de passage afin d'y accéder. Le privatus désigne par conséquent celui qui est privé de quelque chose -privatus lumine, l'aveugle privé de la vue dont parlait Ovide. Même quand les coûts relatifs au bien sont amortis depuis longtemps, comme dans le cas d'un immeuble, des locataires n'en finissent plus de le financer à vide plutôt que s'en tenir aux coûts réels, ceux de son entretien. Quand il ne s'agit  pas de surpayer au profit d'exploitants des biens fabriqués et distribués par des subalternes scandaleusement sous-payés. Le profit des multinationales, vu ainsi, procède d'une sorte d'impôt privé étarnger à tout intérêt public. Il s'agit, autrement dit, de logiques mafieuses légalisées. C'est d'ailleurs du même privare latin que provient l'expression "privilège". Il s'agit littéralement d'une loi  (lex) privée (privus) : le privilège correspond à l'acte de priver (exclure) autrui d'un bien ou d'une faveur en vertu d'une règle générale (loi). En d'autres termes, il est, en droit, une disposition juridique qui fonde un statut particulier -tel que celui de la noblesse dans l'Ancien Régime. D'où les expressions chèries par ceux qui en tirent un grand bénéfice : "respecter la loi", "agir dans le cadre strict de la loi", etc.

     

    (1)Raffarin est diplômé de l'ESCP (École supérieure de commerce de Paris) , dans la même promotion que MIchel Barnier, grand européen devant l'éternel, et qu'il exerça dans le privé, notamment comme directeur général de Bernard Krief Communications, cela est éclairant.