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alain juppé

  • Dindes et dindons (de la farce)

    Elle est un exemple parmi d'autres. On aurait pu prendre Pierre Servent, Jacques Attali, Gilles Kepel, Christophe Barbier,... Elle s'appelle Nicole Bacharan, enseigne à Science-Po et à Stanford. Elle fait partie de ces spécialistes, experts, penseurs, qui gangrènent le monde médiatique, venant se répandre sur ce qu'ils sont censés connaître quand l'accumulation de leurs déclarations creuses montre surtout qu'ils parlent dans le vide.

    Nicole Bacharan, qui avait déclaré le jour du 11 septembre que ce jour, "nous (étions) tous américains" (1), qui avait célébré la victoire d'Obama comme un signe de la vitalité américaine et une quasi révolution, est venue l'autre soir expliquer aux idiots que nous sommes le sens des affrontements de Ferguson. Et la pauvresse d'observer que dans cette histoire Obama était confronté aux difficultés d'une ère "post raciale". L'Amérique était dans le post racial et nous ne le savions pas. Au delà du fait que notre experte usait de la ficelle des pré- et des post- dont on peut discuter la pertinence, qu'elle analysait moins une situation qu'elle ne posait un concept pour définir l'autorité de son discours (c'est très efficace : de la rhétorique pure, du sophisme de bas étage...), elle laissait entendre que les États-Unis avaient donc subsumé ou, pour le moins, recomposé les rapports des conflits ethniques et raciaux qui la traversent. Le post signifiait-il le pire ou le meilleur ? Le temps médiatique ne permettait pas de le savoir. Seule la formule compte.

    Devant une telle absurdité, une mienne connaissance n'en croyait pas ses oreilles, qui a vécu dans ce pays (et pas dans les années 80, non, mais sous la présidence Obama) et eu l'occasion de voir combien le modèle américain était une catastrophe tant il sécrétait de ségrégations, de partitions, de communautarisme et d'exclusion. La vacuité du propos lui a fait lever les yeux au ciel. Et l'on aurait aimé que le journaliste qui l'interviewait demande des précisions, ait l'audace intellectuelle d'apporter la contradiction. Mais rien ne vint. L'Amérique est post raciale ! Cela ne veut rien dire, comme ne voulait rien dire, sauf à émouvoir les idiots, l'élection d'Obama, quant aux règles fondamentales du modèle américain, au regard que ce pays porte sur le monde, aux principes qui organisent sa politique extérieure. 

    Je me souviens que dans les années 90 Yves Keppel venait sur les plateaux expliquer que l'islam allait se tourner vers la démocratie, qu'il y a deux ans Jacques Attali prophétisait la mort de l'euro dans les trois mois, qu'à la même époque Patrick Artus annonçait pour 2014 un taux de la BCE entre 2 et 2,5 % (quand il est à 0,15 %). De la bêtise à revendre, mais un droit quasi aristocratique à revenir baver médiatiquement. 

    Il existe donc en ce pays une caste pour qui la rigueur et l'honnêteté intellectuelles n'existent pas. Ils sont au-dessus de ces principes qui ne sont bons que pour le petit peuple. À moins qu'ils s'en sentent exemptés puisque le même petit peuple n'est composé que de crétins.

    C'est sur ce même principe qu'Alain Juppé peut prétendre sans avoir peur du ridicule à la présidence française. Et d'entendre ces jours-ci les louanges diverses sur cet homme d'État. Un quasi visionnaire. Le même qui fut fracassé en 1997 par des législatives anticipées, qui fut condamné par la justice de ce pays pour les magouilles du RPR, qui dut démissionner de son pose de ministre d'État après avoir été battu sur son territoire par un inconnu aux législatives, qui s'est contenté des municipales bordelaises, mort de trouille qu'il est de se reprendre une veste. C'est ce qu'on appelle un homme de classe et d'envergure ! Il avait un jour dit qu'il était habité par la tentation de Venise : lâcher la politique et changer de vie. Qu'il n'hésite pas ! Qu'il aille noyer sa suffisance dans les venelles du Dorsoduro. Je suis pour ma part prêt à verser une obole pour un billet aller simple...

    Bacharan ou Juppé, c'est au fond la même boutique. Dindes et dindons d'un orgueil et d'une prétention sans bornes, installés dans un système médiatique d'une servilité pitoyable. La décadence de la France est aussi décelable par le biais de cette sclérose institutionnelle et intellectuelle. Plus la société se veut transparente, plus la République se veut exemplaire, plus ces deux pôles sécrètent le venin qui nous tue. Le pire n'est pas tant la médiocrité de ces gens que le fait que cette médiocrité dure et par un phénomène d'une grande perversité soit sanctifiée...

     

     

    (1)J'ai beaucoup de mal avec ces élans d'appartenance. Je n'aurais jamais été berlinois, ni juif allemand. De même que je ne suis ni Américain ni enfant de Gaza (c'est-à-dire enfant du Hamas...). Je n'essaie pas d'être ce que je ne serai jamais. Je n'emprunte pas des habits qui ne sont pas à ma taille et je ne parade pas pour faire genre...

  • Personnel politique (groupe nominal)

     

    La professionnalisation du monde politique n'est pas récente. Elle va de pair, dans les pays de tradition démocratique ancienne (en Europe), avec une importance donnée à la sphère publique comme centre de décisions de plus en plus complexes, lesquelles décisions demanderaient une expérience de plus en plus soutenue, une vision d'ensemble que seuls des cerveaux qui se sont destinés à la chose publique pourraient appréhender.

    C'est bien ainsi que se justifient les happy few du politique pour, et particulièrement en France, traverser les décennies, comme si leurs échecs successifs, leurs approximations ne comptaient pas, tant le petit peuple n'est pas en mesure de comprendre ce qui les anime, cet intérêt général fourre-tout, masquant d'abord leurs ambitions.

    Ils sont devenus le personnel politique, sorte de caste d'un château imaginaire qu'est la nation, dont ils seraient les gardiens. Une sorte de domesticité de la patrie. On a envie de les louer, devant tant d'abnégation et de désintéressement. Ils ont dû lire Kant...

    On les croirait presque, et certains y croient effectivement. Peut-être même ne faut-il pas être aussi injuste, si l'on pense au menu fretin de la représentation nationale, les députés lambdas, godillots d'un système cadenassé par quelques nababs à l'ego démesuré... Ces médiocres (au sens classique, s'entend) ne sont pas à mépriser, sinon que, par le nombre, ils auraient moyens sans doute de redresser la barre. Il n'en est pas de même des têtes de série.

    Et puisqu'en ce jour, le déferlement électoral va bon train, rappelons que les visages les plus connus du personnel politique ne cessent d'afficher à ceux dont ils sollicitent les suffrages un mépris souverain. Parce que c'est mépris que de se soustraire, au moindre risque d'échec, à la décision démocratique. Cette attitude n'est pas de droite, n'est pas de gauche. L'indignité morale se distribue également et deux exemples suffiront, exemples qui transcendent les partis et les générations.

    Alain Juppé devait se présenter à la députation mais le score plus que médiocre de Sarkozy dans sa circonscription l'a persuadé qu'il y avait péril en la demeure. Dès lors, lui qui dirigeait et Bordeaux et la diplomatie française, rien de moins, nous a gratifiés d'un retrait réfléchi, d'homme responsable, pour pouvoir se consacrer pleinement à la cité qu'il dirige. On espère que cette défausse augure d'un retrait plus large et que le meilleur d'entre nous, comme l'appelait le grand Jacques, répondra enfin à la tentation de Venise.

    Najat Vallaud-Belkacem, fraîchement promue ministre de la condition féminine (ce qui ne veut rien dire, puisqu'à ce titre ne répondent ni budget, ni administration, ni espace de compétence spécifique...), avait depuis longtemps annoncé son désir de conquête législative. Mais, là encore, le risque important de défaite, et incidemment de démission gouvernementale, l'a convaincue de renoncer pour se consacrer, dit-elle, pleinement à sa nouvelle tâche.

    Dans un cas : l'orgueil méprisant. Dans l'autre, le souci de ne pas perdre son travail. Dans les deux, le narcissisme foulant au pied l'éthique démocratique. Le peuple n'est bon et respectable que lorsqu'il vote dans le sens qui vous arrange. C'est ainsi que le personnel politique tourne l'affaire en une politique personnelle...

    D'aucuns diront que ce sont des épiphénomènes, qu'il faut composer avec les passions humaines, et qu'il y a quelque mesquinerie à relever ce qui n'est pas significatif. Sauf que ce n'est pas significatif, c'est signifiant...




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