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guerres

  • La course vers le vide

    "Et il y a  là une déterritorialisation qui est celle du capitalisme lui-même, de la circulation des capitaux, un processus matériel illimité menant à une guerre sans guerre aussi mondiale que matérielle. Face à elle les Etats révèlent aujourd'hui la faiblesse de leur fondement moderne, la souveraineté. Celle-ci devrait être le plus haut pouvoir sur Terre, celui qui n'est surpassé par rien ; mais même si elle garde ainsi la possibilité de capter des processus techniques (y compris informatiques), même si elle dispose ainsi de nouveaux procédés pour mener des guerres, celles-ci montrent plutôt l'impossibilité pour la souveraineté de faire du droit sa technique spécifique ; fondamentalement, chaque Etat souverain est réduit à l'affirmation immédiate de soi, de son exemplarité et de son exceptionnalité, sans cesse réfutée par la multiplicité de telles exceptions, par leur rapport de force, par leurs capacités d'autodestruction.

    La production technologique s'étend pour sa part sans droit et se constitue dans le mouvement des flux financiers. Elle a, d'une manière bien plus nette que l'Etat occidental, rompu avec leurs principe commun, celui d'un loi stable assurée par la vérité elle-même, c'est-à-dire avec la métaphysique, dont dépend encore la souverainet dans sa simple affirmation de soi. on ne peut même plus dire qu'elle soit dépendante de la science. Elle a ses propres règles, ses propres méthodes d'extension.

    Dominatrice sans être souveraine, elle n'a pas de territoire déterminé, elle règne donc sur le monde sans viser la paix. Décrochée de toute visée d'immobilisation, elle mobilise et soutient toutes les guerres entre Etats ; elle les rend indéfiniment efficaces. Ainsi la production comme la destruction du monde ne peut plus être que technologique."

       Jérôme Lèbre, Eloge de l'immobilité, 2018