usual suspects

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

magris

  • Quelques heures chez Magris

     

    magris,danube,écriture,bêtise,vanité

    Revenir chez Magris et son Danube, c'est retourner en pays d'intelligence et voyager, voyager en territoires qui me sont inconnus, qui ne sont pas miens, mais que l'auteur italien (et triestin, de surcroît) rend sinon familiers, du moins nécessaires. Les pages de ce livre sont comme une matérialisation du sujet qu'elles traitent. Elles sont méandres, détours, cours ralenti puis soudain précipité. Elles traversent l'Europe avec éclat, nostalgie et espoir. Ce livre est  une des splendeurs de la fin du siècle dernier, pour s'épargner trop de tristesse et désarroi, pour être chez soi, comme on est chez soi avec Proust, avec Dostoïevski, avec Cohen, avec Joyce, avec Borges, selon notre propre cartographie.

    Deux extraits pour un bonheur sans fin.

    « Pourtant le papier a du bon, puisqu'il enseigne cette modestie et qu'il ouvre les yeux sur la vacuité du moi. Celui qui écrit une page et qui, une demi-heure plus tard, en attendant son tram, s'aperçoit qu'il ne comprend rien, même pas ce qu'il vient d'écrire, apprend à reconnaître sa propre petitesse et comprend, en pensant à la vanité de sa propre page, que chacun prend ses propres élucubrations pour le centre de l'univers, mais vraiment chacun, sans exception. Et peut-être se sent-il frère de cette myriade de quidams qui comme lui se prennent pour des âmes d'élection tout en s'acheminant avec leurs fantasmes vers la mort, et il comprend à quel point il est stupide, sur ce chemin encombré où ils font route ensemble vers le néant, de se blesser réciproquement. Les écrivains constituent une société secrète universelle, une franc-maçonnerie, une Loge de la stupidité ; ce n'est pas un hasard si ce sont eux qui, de Jean-Paul à Musil, ont écrit des Éloges et des Essais sur la sottise. »

     

    Puis, au détour (car c'est bien de cela qu'il s'agit, un détour, un discursus) d'une autre page :

     

    "Comme les ruines de Troie avec les strates des neuf villes ou comme une sédimentation calcaire, chaque fragment de réalité, pour être déchiffré, réclame le concours d'un archéologue ou d'un géologue, et il se peut que la littérature ne soit rien d'autre que cette archéologie de la vie. Certes, un pauvre voyageur tridimensionnel quelconque se trouve décontenancé par le jeux de la quatrième dimension -même si tout voyage est par excellence quadri ou pluridimensionnel- et s'épuise à essayer de s'y retrouver entre tant de déclarations contraires et non contradictoires. On se sent un peu comme le cardinal Mindszenthy au lendemain de sa libération, devant une réalité nouvelle et inconnue ; on a besoin de reprendre souffle, de faire un tour d'horizon, et, avant d'accueillir quelque demande que ce soit, il faudrait répondre ce que répondit le primat de Hongrie, tandis que les insurgés le libéraient, à Cavallari qui lui demandait de faire une déclaration : "Vendredi. Quand j'aurai compris ce qu'est devenu le monde."

     

    Les commentaires sont fermés.

  • Notule 20

     

    Il ne s'agit pas de raconter les livres, d'en dévoiler la matière, les tenants et les aboutissants mais de les faire connaître, sans chercher un classement cohérent, sans vouloir se justifier. Simplement de partager ce «vice impuni» qu'est la lecture.

     

    La vieillesse est-elle une épreuve ? Nous le saurons bien assez tôt. C'est, de toute manière, un temps commun des hommes et un lieu pas si commun de la littérature

    1-Colette, La Naissance de l'aube, 1928

     

    2-Sándor Márai, Les Braises, 1942

     

    3-Yasunari Kawabata, Le Grondement de la montagne, 1954

     

    4-Claudio Magris, À l'aveugle, 2005

     

    5-Avraham B. Yeshoshua, Rétrospective, 2011

     

  • Notule 01

    Il ne s'agit pas de raconter les livres, d'en dévoiler la matière, les tenants et les aboutissants mais de les faire connaître, sans chercher un classement cohérent, sans vouloir se justifier. Simplement de partager ce «vice impuni» qu'est la lecture.


    1-Une jeune femme envie la beauté de sa sœur et lorsque celle-ci tombe enceinte et que son corps est altéré par cet événement, son espoir tombe dans le désenchantement. Court roman pour entrer dans l'univers de l'inquiétante étrangeté caractéristique de cet auteur japonais.

    Yoko Ogawa, La Grossesse (1991, en français, 1997)

    2-Le fleuve comme fil conducteur de ce livre inclassable, où se mélange détails et réflexions, rêveries et gravité. Texte sur la seule Europe à laquelle nous devrions nous attacher : celle d'une histoire à méditer et d'une culture à connaître, pour en préserver l'essentiel face au chaos.

    Claudio Magris, Danube (1986, en français 1988)

    3-L'écrivain raconte la tragédie de sa mère et, à travers elle, celle d'une génération allemande confrontée à l'impossible de sa condition historique. Sans pathos, sans effet, dans une écriture implacable à même de rendre hommage à ceux pour lesquels tout était déjà joué.

    Peter Handke, Le Malheur indifférent (1972, en français 1977)

    4-Elle n'est que servante. Elle n'est rien. Mais admire profondément l'artiste qu'elle sert, jusqu'à être capable d'un sacrifice inattendu. Un sens de la distance dans la narration qui donne à ce bref roman une puissance admirable.

    Michèle Desbordes, La Demande (1999)

    5-Vingt pages, pas plus, pour oublier les virtuosités faciles des autre œuvres d'Échenoz. Un homme et son fils face à la seconde disparition de la mère.

    Jean Échenoz, L'Occupation des sols (1988)