Dans ce pays lointain, épris d'euphémisme et de conformisme minoritaire, on s'avisa un jour que les virtuoses étaient un affront aux infortunés du hasard et de la naissance. Ainsi de beaux esprits décrétèrent qu'il fallait en finir avec les arabesques de Liszt ou de Brahms, et les grandiloquences de Gould et d'Argerich. Il fut dès lors décidé qu'on ne jouerait plus que le Concerto pour la main gauche de Ravel, parce que dédié à Paul Wittgenstein, manchot d'une guerre cruelle et moderne.
Fragment de la partition de 4'33'' joué en 1952 par David Tudo
Mieux encore : le 4'33'' de silence imaginé par John Cage, samplé jusqu'à durer plus de trois heures, qu'on rebaptisa Symphonie égalitaire, devint l'hymne de ce beau territoire, qui finit un jour par oublier l'existence même de la musique...