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paysage urbain

  • L'Empreinte de l'effacé


    Les murs ont ainsi des lettres, et l'on pourrait dire que ces typographies passées ne sont même pas des adresses au temps présent : des paroles sans attente. Ne nous retiennent pas les propres et contemporaines signatures qui courent le long des devantures ou sur les panneaux prévus à cet effet, mais les profondes inscriptions à même la pierre ou le plâtre, de l'époque des réclames. Elles ont la beauté gracile des heures qui ne reviendront pas et que, sans nostalgie aucune, l'esprit arpente avec loyauté.

    Murs pelés ; écarrissage des intempéries passant les bleus, les ocres et le blanc du lettrage dont on sent qu'il fut l'objet d'une attention précieuse, quand soudain le pignon de la grande bâtisse parlait du Grand Hôtel, des Vins et Spiritueux, du Bon Chic. Ce n'est la faute de personne et sans doute négligence que demeurent ainsi les ocelles du passé. Désormais, à l'antique Bazar (dont le z est en partie déchiqueté et le b comme poncé) a succédé une résidence à balcons métalliques. Étrange, en effet, que la réclame, qui mentait jadis d'être ce qu'elle était, continue de mentir à n'être plus rien de ce qu'elle annonce encore, à 100 mètres, à droite.

    On dirait une apparition, le message d'un fantôme qui n'attend rien que d'être vu pour ne pas s'oublier lui-même.


                                                                                       Photo : X