Richard Strauss a contre lui d'avoir un nom qui rappelle d'abord les pièces montées viennoises que l'Orchestre symphonique de la capitale autrichienne offre au monde le jour de l'An, d'avoir eu, et c'est un euphémisme, une grande complaisance pour Hitler et son régime, d'être réduit, pour beaucoup, à la bande-son de 2001 l'Odyssée de l'espace, avec son ouverture grandiloquente d'Ainsi parlait Zarathoustra. Les amoureux de l'art lyrique savent eux qu'il est un des plus grands compositeurs d'opéra (peut-être même le plus magistral après Mozart et Verdi). C'est aussi un maître dans l'art de l'orchestration. La Symphonie alpestre ébranle l'auditeur par sa douceur et ses emportements contenus. Certes, on entend un héritage wagnérien, mais comme transfiguré (1) par l'abandon conscient d'une rhétorique qui se vouait nécessairement au mythe. Ici, rien de tout cela : une musique crépusculaire (il s'agit de la fin du poème symphonique (2)), un imperceptible dans le paysage qui s'en va doucement, une présence secrète de la vie en retour vers nous à peine audible parfois. Strauss fait la démonstration (l'expression est fort maladroite...) que l'ampleur du monde et la vision intérieure que cette sensation éveille ne nécessitent pas des moyens orchestraux employés dans toute leur capacité. C'est l'immensité sans ostentation. Une pure merveille...
(1)Autre bonheur dont nous lui sommes redevables : Mort et transfiguration
(2)Il est clair cependant que cette notion de poème n'est pas innocente, inséparable du nationaliste du XIXe et que ce culte du poème se retrouve, comme par hasard, chez Heiddeger...