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Arrêt sur image

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Pense la montre, à la course contre la montre. Pense au mouvement brownien. Le Cut up incessant de l'attention (et William Burroughs doit se marrer désormais). Pense au monde UPS ou FedExpress. Garder le rythme du retour sur investissement. Pense aux clips, à la vie façon Brian de Palma. Pense à plus de ving-quatre images par seconde. Pense à une campagne présidentielle, ou autre : tout est campagne. Virale, sanitaire, publicitaire, commerciale, morale. Pense à l'agitation de ton portable. Tes mails. Au joignable immédiat, incessant. Pense à l'obsolescence toujours plus grande des choses. Et des êtres, aussi, l'obsolescence des êtres. Pense au balayage de l'info. À la mode. Aux horaires (qui ont remplacé le temps). Pense au direct. À l'action. Être toujours en action.

 

Et maintenant, c'est un plan fixe, une caméra fixe et des voix off qui radotent. Un plan fixe qui tourne à la pétrification sordide, comme un Tarkovski décervelé, le plan fixe d'un immeuble où est retranché un homme. Peu importe cet homme : il est mort, déjà mort. Il n'a aucune importance mais il a tout à coup une nécessité. Il n'a pas besoin d'avoir un visage (on s'en occupera après), ni une vie (on la reconstruira ensuite). Il est juste là, à sa place, comme cristallisation du plan fixe, que l'on fait durer des heures. Dix heures. Quinze heures. Vingt heures. Trente heures. Il ne menace plus personne mais il faut un plan fixe, un plan qui nous fixe, sans que nous soyons vraiment fixés, justement, sur la véracité et l'inévitable de ce plan fixe. Et nous fixons notre attention sur ce plan fixe et ces voix qui radotent,

 

pendant que le monde continue sa course, se fixe, dans d'autres bâtiments, plus chics, plus feutrés, où l'on n'enquête jamais, des objectifs, qui nous ont, nous, en ligne de mire...

 

 

 

                                                                 Photo : Jorge Dan Lopez /Reuters

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