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Cette publicité, ce qu'on appelait réclame alors, terme que l'on entend encore dans la bouche de certaines vieilles personnes, est l'un des cinq spots auxquels eurent droit les Français, à la télévision nationale, le 1er octobre 1968. La célébration du Boursin constituait même la première séquence de l'ensemble. Jacques Duby, que l'on retient surtout pour être un remarquable et agaçant Camille dans Thérèse Raquin,  caricature un insomniaque. Ce n'est pas du grand art :  air idiot du comédien, dialogue fondé sur la redondance maximale, final aux grandes orgues ; mais, dans le fond, pas plus indigne que les pubs contemporaines. Après le Boursin, qui servait d'entrer, on pouvait boire léger avec Régilait, vérifier la maille avec Tricotel, réfléchir à l'industrie avec Schneider, se délecter des plaisirs du beurre avec Virlux. C'était tout un programme.

On ne peut que s'amuser du moment où est apparue la publicité à la télévision. En plein été, le conseil des ministres avait décidé d'autoriser sa diffusion sur le petit écran. C'était un 31 juillet. On s'étonnera sans doute que dans la continuité d'un printemps qui fut agité, allant jusqu'à menacer (du moins feignit-on de le croire) le pouvoir en place, il était urgent de statuer sur la réclame. Il est classique de se servir des moments de creux : les gens sont en vacances, ils bronzent, ils se reposent, pour prendre des mesures en douce, des mesures évidemment désagréables. Que nenni, cette fois ! L'exécutif se penchait sur une question de com' ! Et contrairement à certaines promesses que des mesures dilatoires repoussent aux calendes grecques le citoyen eut droit, à l'automne, à ses spots. Comme au cinéma...

Vu sous cet angle un peu facétieux, il est donc possible d'analyser la crise de 68, cette effervescence pseudo révolutionnaire s'écrasant très vite dans le désir avoué de la consommation et du fameux pouvoir d'achat, comme une fièvre qu'un peu de fraîcheur télévisuelle vient calmer. Le contestataire du moment trouvait que s'il devait y avoir de la richesse, celle-ci devait en partie lui revenir (1). Se réveillant (à défaut d'éveiller sa conscience) devant l'abondance, il avait envie d'avoir sa part du gâteau. L'homme de 68 (2) voulait être de son temps. C'était le ventre qui parlait. Il fallait pouvoir se lever en pleine nuit pour vérifier l'abondance, comme un symbole de sécurité.

Que la révolte printanière accouche de ce qui deviendra un jour l'essence télévisuelle, de ce dispositif terrible permettant d'obtenir, ainsi que l'avouait Patrick Le Lay quand il dirigeait TF1, du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola, voilà qui n'est pas sans saveur.

(1)Il faut avouer, à sa décharge, que l'univers politico-syndical ne permettait guère d'aller plus loin dans l'analyse. Les communistes, en productivistes impénitents, ne se distinguent pas dans le fond des aspirations américaines. Il faudra un jour revenir sur la grosse escroquerie intellectuelle que représentent les faux semblants du bolchévisme en matière économique.

(2)Je ne parle pas ici des étudiants, lesquels, à l'image de ce que devinrent leurs leaders, étaient des guignols de première ; je pense à la classe ouvrière, oui, la classe ouvrière. Le mot classe : cette réalité sociale et économique que la droite a toujours ignorée et que la gauche a fini par trouver si vulgaire...

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